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Afin de rompre avec la monotonie des jours et les sempiternelles lamentations à propos du Covid je publie une pièce courte en quatre tableaux, donc en quatre jours où il ne sera pas question de la pandémie. Il n’y sera jamais prononcé le mot C…-19.
Personnages – Elle : Loulou ; Lui : Antoine ; Un supporter allemand : Hans
La chambre à coucher de loulou et d’Antoine.
Il fait nuit. Loulou dort on devine son corps sous la couette.
Antoine ouvre la porte avec précaution, vuvuzela en bandoulière, l’écharpe aux couleurs du Standard de Liège, un teeshirt ‘champion 2014’. Il avance à l’aveuglette, les mains en avant dans la demi-obscurité. Il trébuche sur une chaise au dossier de laquelle pendent les vêtements de Loulou. La main d’Antoine les rencontre. Il s’y agrippe, les contourne et tente de s’asseoir du mauvais coté. La vuvuzela fait un son de chasse d’eau. Loulou surgit de sous la couette, tâtonne du côté d’une lampe posée sur la table de nuit. Antoine sursaute, renverse la chaise, trébuche et se retient au panneau de pied du lit.

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L. – Au secours… À l’assassin…
A. – Ce n’est rien… chut… tu vas réveiller tout le quartier… c’est moi… Antoine !
L. – Atteignant l’interrupteur, tandis qu’une lumière rose éclaire faiblement la scène. Hein ! Quoi !... c’est incroyable réveiller les gens à une heure pareille… Non, tu t’es vu ?… D’où tu viens ?… Elle jette un œil sur le réveil à côté de la lampe. Cinq heures moins le quart !...
A. – Je t’expliquerai… rendors-toi… la manie que tu as de jeter tes vêtements sur une chaise… je vais à la cuisine te chercher un verre d’eau…
L. – Tu te fous de moi !... un verre d’eau… à cinq heures moins le quart ! C’est à cinq heures moins le quart que tu rentres d’un match de l’après-midi… T’as bu ! Hein ! T’as bu !...
A. – C’est incroyable ce qui m’est arrivé…
L. – Je vais te dire moi, ce qu’il t’est arrivé. T’as couru au bistrot d’en face pour être le premier à la fin du match…
A. – Figure-toi…
L. – Figure-toi !... Ouais, on s’figure toujours qu’on va arranger l’coup.
A. – …de quoi ?
L. – …à force de se figurer !
A. – Je ne me sens pas bien. Il fait mine de rentrer, habillé de pied en cape dans le lit.
L. – C’est ça, entrer dans le lit habillé… et avec une trompette !...
A. – J’le vois bien que ça t’dérange… tu vas comprendre !... Avant ça… faut que j’boive.... Il se lève du bord du lit, avance et trébuche sur la chaise.
L. – Il te faut une trompette pour boire à la cuisine ?
A. – Il se rassoit. Essaie de se défaire de la trompette, s’embrouille, la ficelle est trop serrée pour que la tête passe. …C’est curieux, il a bien fallu qu’elle entre ?... J’en reviens pas…
L. – Si puisque t’es là… espèce d’enfoiré, t’es rev’nu !...
A. – Solennel Je vois bien qu’il faut que te donne des explications…
L. – T’as intérêt plutôt !
A. – se ravisant …à quoi bon ! Tu ne me croirais pas…
L. – Elle est bonne celle-là. La vérité, c’est que tu n’as pas d’explication ! Sinon, je vais t’en donner une à ta place. Tu sors du café fin saoul, parce que le patron a foutu ses derniers clients dehors à quatre heures du matin et que tu en étais.
A. – Il commence à ôter ses vêtements. La vuvuzela rend l’opération difficile. Je tombe de fatigue. Faut que j’dorme !...
L. – Ah non, c’est trop facile ! Tu m’réveilles. Tu pues la bière à vingt pas. Tu reviens soi-disant d’un match de foot à cinq heures (elle regarde son réveil) douze, tu aggraves ton cas… Tu t’expliques, puis tu ne t’expliques plus, c’est trop facile. Tu vas pas t’en tirer comme ça. Le matin, t’auras trouvé quelque chose, je te connais, Antoine ! T’as l’imagination Vendée Globe… Tu pars, puis faut trois semaines de houle au bistrot pour te trouver une craque !
A. – Mais pas du tout… C’est pas des craques… C’est du vrai… de l’hallucinant même…
L. – T’hallucines comme Castaldi à c’t’heure ? La Stella te remonte…t’as l’gros temps !
A. – Mais pas du tout, ça me revient…
L. – Prends vite un seau et va me faire ça dans la cuisine !
A. – T’as qu’à retenir trois mots qui me reviennent « Hauptbahnhof »… « Dortmund » et… et… « Kromacher ou Bromacher »… Tu verras si je la prépare mon excuse… tu verras. Faut que j’boive avant… C’est physique…
Il se lève à nouveau. Trébuche une dernière fois sur la chaise renversée et sort.
L. – V’là qui confond Kromacher et Kronenbourg !
(à suivre)

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