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Les patrons (1) et nous…

C’est la première fois que les patrons de la Belgique ne nous vendent pas l’avenir resplendissant du progrès libéral. C’est aussi la première fois, faute de distribuer de la joie gratuite dans les chaumières, que Georges-Louis attaque Jambon, Magnette et même De Croo, en public, jetant des soupçons sur la capacité d’action du gouvernement.
Le teigneux montois n’a pas tort. Les patrons de la Belgique ont tout faux !
Au siècle dernier, il y a moins de trente ans, un tel bide des autorités se serait passé dans les grèves et les émeutes. Il y aurait eu quelques blessés graves et le gouvernement aurait mis de l’eau dans son vin.
Aux élections suivantes un patron chassant l’autre, celui-ci aurait été plus conciliant en lâchant quelques centaines d’euros par an et par salaire, aussitôt reconvertis en dollars chez Apple et IKEA (à ses débuts) par le bénéficiaire.
Aujourd’hui rien. La gauche tendance Rupo n’existe plus que dans la composante libérale gouvernementale. L’autre gauche est exclue d’avance, éliminée par les tenants du pouvoir qui se tiennent les coudes et ne veulent pas voir « ça » trop souvent, même houspillée, chez Deborsu. On invite bien quelques spécimens dégrossis « par les études libérales faites » pensent-ils sans l’oser pouvoir dire. Même ainsi, c’est insoutenable, des staliniens et compagnie. C’était bien la peine de faire de hautes études !
Le public ricane. En gros, il ne croit pas être berné par les patrons qui sont complices avec lui. Les cocus sont en fratrie avec les amants pour « Brigade criminelle », l’épisode suivant.
Grâce au Covid, les patrons turbinent à la restriction sur le niveau de vie, les libertés individuelles, les masques à partir de six ans. Le public fait semblant de n’avoir pas entendu, mais il obtempère. Il est emballé par les partis américanisés depuis 45. Il est woke aujourd’hui, autre chose demain pour être à la mode. Confiant dans un futur redressement, il croit aux mesures contre le Covid, bientôt virus anéanti par les laboratoires américains, pour un retour rapide à la croissance et le bonheur de saccager l’essentiel, au nom du superflu libéral. L’idéal s’appelle désormais « comme avant » !
Ce public, très ému officiellement par le dévouement des ONG, le sauvetage en mer des pneumatiques de la misère, mais secrètement inquiet du paquet de gens que ça fait en plus chaque année, établissant une corrélation entre la perte d’un certain standing avec la soupe populaire réanimant ces nouveaux citoyens, il voue un amour honteux mais secret, depuis peu à Eric Zemmour.

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Le public regrettait déjà avant, les partis bien tempérés d’une politique trouvée sur les magazines américains. Il ne veut pas croire au déclin. Il est comme Georges-Louis, il rêve de la 66 en Harley pour traverser les usa, la patrie d’adoption !
Les patrons ne le dissuadent en rien. Plus tard il comprendra, mieux cela vaudra pour tout le monde.
Les espoirs de l’autre siècle ne sont plus permis. La bagnole à vingt ans, la maison à quarante, marié trois enfants à cinquante, en cause le chômage, les bas salaires, la drogue et l’avenir qui part en sucette d’une Amérique qui ne nous aime plus.
Le temps du salarié qui faisait vivre femmes et enfants de son seul salaire est révolu. Même en couple à travailler dans les petits salaires, il n’y arrive plus.
C’est ça le progrès.
Les patrons conviennent que ne pas croire à ce qu’ils disent confère une valeur supplémentaire à leurs divagations. Ils ne sont jamais aussi sincères que lorsqu’ils savent qu’ils mentent.
Georges-Louis et sa bande savent, eux, que c’est fini, que la baudruche se dégonfle.
Ce qui les fait persister ?
Ils sont persuadés que la bête ne va pas crever tout de suite, qu’elle aura encore de beaux restes dans vingt ans. Il faudra cependant d’ici là rester en position d’en croquer. Ce ne sera pas facile, plus ça grouille de misère dans les rues, plus un audacieux risque le tout pour le tout. Il trouve un truc inédit qu’il met aussitôt en pratique, un truc pour aller dîner avec les patrons en terrasse. Il y a des chances qu’il se fasse cueillir entre deux étages par un agent de sécurité, mais il s’en fout. Il n’a rien à perdre. Il est exactement dans le même état d’esprit qu’un Guinéen de Calais qui se planque entre les essieux d’une semi-remorque pour le jackpot en Angleterre !
Les patrons parlent entre eux de cette éventualité. Le peuple doit conserver sa vertu jusqu’au bout.
Ils bradent la culture à tout venant faisant de l’européenne un souillon mâtiné de Soleil Levant et de prousteries chinoises, mêlant l’Histoire des Gaules à la pensée Aztèque. Ils se conservent les fines répliques, les théâtres, les La Bruyère dépassant Saint-Simon (le duc) en digressions savantes.
Ils rient de bon cœur aux quelques répliques de Tôa, du regretté Sacha Guitry. « On avait recueilli un chimpanzé tellement malingre qu’on le croyait sur sa fin. On le nourrit de bananes, de mets fins, de choses délicates. L’animal survécut. Les forces revenues, il finit par casser la gueule à la bonne ».
Les patrons prennent la pièce de Guitry très au sérieux. Ils nous laissent dans l’anémie travailleuse. Ils adoreraient des phtisiques allant au travail jusqu’au dernier jour.
Depuis Tôa, ils y veillent.
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1. Patron - Personnage politique important. Dans l’antiquité, ancien maître d’un esclave affranchi. Protecteur d’hommes libres de conditions inférieures appelés « clients ».

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