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Souriez, vous êtes filmés.

La vidéosurveillance des rues de nos villes n’a pas l’air de beaucoup effrayer les gens. Le quidam, le cerveau au cerveau à la dimension d’un petit pois, a la réplique toute faite « Pourquoi j’aurais peur ? Je n’ai rien à me reprocher ». C’est ainsi que des millions de Juifs qui n’avaient rien à se reprocher ont fini dans les chambres à gaz. Ce voyeurisme communal a le même destin que les empreintes digitales : conçu pour les prisons, il a été progressivement étendu aux publics.
Un espace vidéosurveillé n’est plus une agora. Il n’a plus aucun caractère public. C’est une zone contrôlée par quelqu’un qu’on ne voit pas qui signale à on ne sait qui des anomalies de comportement des gens et pas que.. reconnaître des connaissances parmi les passants par celui qui observe peut entraîner des conséquences privées de tout ordre.
Sous prétexte de sécurité, une pareille transformation relève d’une dérive du pouvoir moderne vers
une forme d'exercice du pouvoir qui porte, non plus sur les territoires, mais sur la vie des individus (biopolitique : terme inventé par Michel Foucault).
Il ne s’agit plus d’exercer une souveraineté sur un territoire, mais sur des gens !
L’alignement de l’identité sociale sur l’identité corporelle a commencé avec le souci d’identifier les islamistes radicaux perpétrant des attentats au nom de leur religion. Traités selon les mêmes méthodes que pour des criminels (le passage par des détecteurs, les fouilles à corps, l’ouverture des sacs, etc), les gens finissent par accepter comme allant de soi que le rapport normal entretenu avec eux par l’Etat soit le soupçon et le contrôle.
Un État qui soupçonne tout le monde par apriori peut-il être appelé démocratique ?
Nous en sommes à un stade de surveillance qui selon la formule de Gilles Deleuze s’appelle un « État de contrôle », afin d’assurer la sécurité des citoyens. Tandis que le rôle du pouvoir judiciaire reste identique tel qu’il était établi dans des temps anciens, celui de la police est plus difficile à définir.
Il semblerait que par l’accroissement des moyens de contrôle, le rôle de la police se soit considérablement étendu au détriment de la justice.
La « marge d’appréciation » de l’officier de police s’est élargie. Il agit en souverain puisque c’est lui qui détient le matériel technique lui permettant d’élargir ses compétences. Ce faisant, il ne décide pas ni ne prépare la décision du juge ; mais il l’influence. C’est toujours le magistrat qui tranche d’après les causes, sans pour autant négliger les faits. On est passé de la raison d’État, à la raison de la sécurité.

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Sous le signe de la sécurité, auquel il s’est placé, l’Etat sort du domaine du politique pour entrer dans un flou juridique dont on perçoit mal les contours et pour lequel la conceptualité reste à définir. Le vie politique y est devenue impossible, puisque démocratie et vie politique sont synonymes.
Devant un tel État, les stratégies traditionnelles du conflit politique, ne sont plus de mise. Toute tentative de renverser le pouvoir par les voies légitimes des députés réunis en assemblée fournit à l’État l’occasion d’en maîtriser les effets au profit d’intérêt incontrôlables.
Si l’on veut arrêter la dérive antidémocratique de l’Etat sécuritaire, le problème des formes et des moyens constitue bien la question politique essentielle.
A-t-on bien réfléchi à ce qu’aujourd’hui on puisse retrouver par la science et les techniques chaque individu qui se révèle être, par l’une ou l’autre de ses singularités, un être unique ?
On pourrait très bien classer sept milliards d’hommes par le numérique et les retrouver les uns après les autres, les sortir de l’unique fichier pour des classements aussi divers que la couleur de peau, le niveau des études, la langue parlée ou l’espérance de vie.
Cela n’arrivera jamais disent ls rousseauistes qui font confiance à l’automaticité chez l’homme de ses qualités de bonté et de justice. Le contraire est plus probable assurent les gens d’expérience.
Il importe, les progrès de la science permettent aujourd’hui à des outils de sélectionner de façon pointue chacun d’entre nous. Ces outils peuvent se manipuler par n’importe qui. Les caméras de sécurité ne sont qu’un maillon du début de la chaîne de sélection. Elles devraient être interdites dans l’espace public.
Elles ne le sont pas et ne le seront sans doute jamais, tant les services qu’elles rendent sont probants. Ainsi, de technique en technique, d’un matériel faisant appel à un autre, le temps est venu de l’indissociation d’ensemble.
Il est vraisemblable de penser qu’en bout de chaîne nous aurons inventé de quoi en finir avec les libertés et la démocratie.
Il est arrivé par le passé et sous certains régimes qu’être honnête et n’avoir rien à se reprocher constituent un délit passible de sanctions pouvant avoir les plus graves conséquences, puisqu’être honnête et n’avoir rien à se reprocher n’induit pas nécessairement l’admiration du chef.

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