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31 octobre 2003

Bagdad café : l’addition !


Cela n’a pas le même effet quand c’est la Côte d’Ivoire ou les USA qui pète les plombs. Le premier doit faire gaffe, le second s’en fout.
Il y a six mois contre l’avis de tout le monde (sauf Israël, la Grande Bretagne et quelques européens inconditionnels), Bush a liquidé Saddam Hussein.
On n’est plus aujourd’hui à prétexter des dépôts en Irak de saloperies bactériologiques que tous les grands Etats possèdent. Il n’y avait rien. Pas non plus de galeries secrètes qui logeraient Saddam sous Bagdad et des camps d’Al-Qaida dans le sable du désert. Rien que des dattes et des cachots.
Après la guerre éclair, loin de faire du tourisme, les GI ne contrôlent pas grand-chose surtout dans les villes.
La CIA et le FBI concentrent en eux toutes les plaies du pouvoir US, absence d’infiltration chez l’adversaire, impréparation pour l’occupation du terrain, manque d’interprètes pour les interrogatoires. A croire que la fine fleur combattante de Bush s’attendait à ce que – comme au tennis – tout le monde parle l’américain en Irak.
Cette façon désinvolte de prendre possession d’un pays n’a pas plu aux habitants, au début favorables aux Américains qui avaient à leur crédit la fuite du dictateur.
Comme l’affaire tourne vinaigre, les Nations Unies, enfin sollicitées, peinent à trouver des militaires qui acceptent de mourir à la place des vainqueurs.
Profitant de la haine montante, Al-Qaida infiltre les frontières depuis la Syrie et l’Iran et s’en donne à cœur joie dans le carnage quotidien.

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Ce que voyant, Bush change son discours. Ce ne sont plus des armes « interdites » qui ont provoqué le conflit, mais la suite du combat du 11 septembre contre le terrorisme international. La preuve, en Irak « où nous resterons pour le combattre ».
Les rares « combattants » de l’Islam pincés l’explosif à la main sont presque tous des saoudiens infiltrés bien après les combats de mai. Qu’importe l’Arabie est loin d’Israël et Bush a besoin du pétrole de ce pays. L’Arabie n’est donc pas un pays terroriste comme la Syrie pourrait le devenir attendu que Sharon, l’ami de toujours des Américains, commencent à lorgner du côté de ce pays hostile.
Ce que la CIA est juste parvenue à faire comme diversion, ce sont des attroupements au Liban contre les forces d’occupation syrienne. Pour le reste, Bush doit se dépêtrer tout seul du piège où il s’est enfermé lui-même et ce avant les élections de l’année prochaine.
Avec les trois polonais envoyés en renfort et les mercenaires anglais, l’opinion américaine n’espère pas que demain il ne mourra plus aucun Américain en Irak. Donald Rumsfeld, secrétaire à la défense et Colin Powell, secrétaire d’Etat, craignent un enlisement comme au Vietnam.
Bref, tout le monde broie du noir.
La seule consolation vient de l’Europe.
C’est la Belgique qui a ouvert le bal avec la mise au placard de la Loi de compétence universelle. Puis les autres pays sont venus faire amende honorable. Pour l’OTAN, il n’est pas question de créer une armée européenne rivale, mais complémentaire. Les fonds de reconstruction de l’Irak seront en partie financés depuis les banques d’Europe. A juger l’ampleur des destructions que font les kamikazes, ces fonds seront bien vite insuffisants.
Certes, l’avis du citoyen est nul dans ce pays, n’importe, simple question : pourquoi ne pas en faire autant pour les destructions délibérées que l’armée terroriste israélienne occasionne aux habitations des Palestiniens et prévoir un fonds de reconstruction là aussi ?
Les semaines à venir ne devraient pas changer grand-chose.
Les Américains continueront de perdre un homme par-ci, par-là. Les Irakiens enrageront de voir qu’ils ont simplement changé de dictature. Les CIG (Conseil intérimaire de gouvernement (irakien) poursuivront leur lente descente aux enfers de la collaboration avec « le grand Satan ».
…et Bush, comme papa, fonce à toute vapeur dans la zone rouge de l’opinion, juste ce qu’il faut pour perdre les élections !
Ne nous leurrons pas. Le Président US a besoin d’un coup médiatique. Poussé par son Pygmalion israélien, il regarde d’un mauvais œil la dictature syrienne laisser passer le matériel de guerre de Saddam qui n’a jamais servi, dans les deux sens de la frontière. La Syrie sert actuellement d’atelier de maintenance. Le personnel est constitué de l’armée « spéciale » de Saddam qui n’a pas tiré un seul coup de feu et qui reste à l’arrière pour soutenir les kamikazes étrangers qui affluent depuis l’Iran et l’Arabie saoudite.
Ce serait une carte à jouer pour Bush qui se voit bien en Godefroid de Bouillon.
Si les sondages ne remontent pas et que l’électeur américain reste à plus de 50% sceptique quant aux chances d’en finir avec le terrorisme dans des délais raisonnables, surtout en Irak, Bush pourrait bien tenter le coup en Syrie.
Dommage que maître Pierre du procès Cools n’est pas sénateur américain, il aurait trouvé une formule pour récuser… pardon, pour l’impeachment de Bush.

30 octobre 2003

Quéle afaîre à Lîdge !

Commencée par une tragédie, l’affaire de l’assassinat d’André Cools prend des allures de vaudeville.
C’est tout Liège, cette façon de cheminer allègrement sous des tonnes de procédure.
Ce ne serait rien moins qu’une rigolade de plus, s’il n’y avait eu mort d’homme.
A peine la première semaine écoulée, le rideau retombe. La moitié des détenus à la mutuelle et le restant en fuite ! Puis voici les avocats qui se sentent outragés par les propos du président Godin ! On attend de voir la semaine prochaine pour le deuxième acte.
« Le conseil de Richard Taxquet, Maître Julien Pierre, a déposé une requête en récusation contre le président de la Cour d’Assises Henri-Paul Godin. Il se base sur des propos qui ont été tenus lors de l’audience d’hier par le juge. Julien Pierre lui reproche son manque d’impartialité. Il souligne que le président a mis en doute la maladie de certains accusés. La requête a été déposée ce matin au greffe de la cour d’appel. Le greffe dispose de 24 heures pour la notifier au président Godin, qui disposera alors d’un délai de 48 heures pour décider s’il se retire ou non du dossier. Pendant ce temps, il devra suspendre les débats. »
Voilà dans toute sa sécheresse la situation reproduite depuis Teledis sur le Net.
Ainsi après 12 ans d’instruction et la volonté du juge Godin d’en finir en deux mois, avatar du jour : les avocats se disent outragés par les propos du Président de la Cour !
Certes, le président Godin reconnaît et il regrette ses expressions un peu vives qui sont la marque d’un énervement inadéquat.
Mais les excuses ne sont pas suffisantes pour des gens dont l’honneur ne se lave qu’à grande eau ! Qu’est-ce que vous croyez ?
Sur une semaine de débats, on a déjà pris 15 jours de retard ! Alors que les aller et retour entre le procès et la Cassation n’ont pas fini leur ronde.
En dernière minute la cour de cassation a tranché et le président Godin est récusé. Pour son dernier procès avant la retraite, cela doit lui faire un coup. Il est vrai aussi que ce Magistrat à l’ancienne s’est trompé d’époque. On n’est plus du temps où le ton paternaliste et caustique était accepté par les avocats des parties comme faisant partie du jeu.
Est-ce un bien, un mal ? Son remplaçant passe pour avoir du tempérament et une grande intelligence.

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Le public n’y comprend plus rien et les jurés doivent se demander ce qu’ils font là.
Bien sûr, tout le monde savait que les accusés qui ne sont pas des enfants de chœur, sortiraient toutes les petites ficelles du métier pour instaurer le doute et la confusion dans l’esprit des jurés, mais que les avocats d’Assises se prêtent à leur jeu, démontre qu’aujourd’hui la médiatisation de la défense n’est pas une bonne chose, dans la mesure où certains avocats se font de la pub sur le dos de la Justice et coûtent de l’argent aux contribuables.
Alors, se déroulera-t-il enfin, ce procès ?
N’avons-nous pas là un avant-goût de ce qui nous attend à l’affaire Dutroux davantage médiatisée encore ?
La procédure en Belgique est certes conçue pour donner toutes les chances à l’accusé d’un procès juste et équitable ; mais, le législateur avait-il prévu les possibilités qu’ont les avocats d’intervenir au moindre propos ?
On sait déjà le déséquilibre entre les accusés et les victimes et comme ces dernières sont les mal aimées du Code. On étudie au Ministère des aménagements de la procédure en leur faveur. Ne faudrait-il pas revoir aussi les recours de suspicion à l’encontre des juges, non pas en limitant leurs portées, mais en sanctionnant ceux qui en abuseraient et dans la mesure où les recours seraient non fondés et rejetés ?
Le bâtonnier à quoi sert-il au juste ?
De même, dans cette affaire, n’aurait-on pas pu laisser les prévenus en liberté puisqu’ils y avaient été mis sur décision de justice depuis plus de dix ans pour certains ? On rétorquera le Code… le Code. On trouve toujours le moyen de passer outre.
Ceux qui l’auraient voulu pouvaient jouer les filles de l’air bien avant l’ouverture du procès, comme ne s’en sont pas fait prier les absents qui se sont évaporés du côté de la Sicile !
L’incapacité de la Justice de mener sereinement et rondement une affaire importante n’échappe à personne.
Il faudra se résigner à vivre encore des péripéties du genre. Le cirque n’est pas près de plier ses toiles et dresser son chapiteau à Arlon pour un autre triomphe.
Certains chroniqueurs qui n’aiment pas l’ironie et s’attachent aux faits auront bien difficile à garder leur sérieux !
Pour eux l’affaire Cools doit être un sacré calvaire.
Alors, si tout le monde prenait parti d’en rire ?
Liège, la Marseille du Nord ?
Ah ! Maître Pierre, tu me fends le cœur…

29 octobre 2003

Non, Johnny tu n’es pas vieux comme tous les vieux de ton âge.

Tous les fans clubs ont été retournés lorsqu’ils ont appris par la presse que leur idole avait désormais plus de 60 ans.
« Non ! Johnny, tu ne les as pas, même si tu les parais ! Pour nous tu seras toujours jeune. »
C’est le cri du coeur de la présidente de « Johnny toujours ! », mademoiselle Orange Dévoitur (67). Le fan club au million d’adhérents se réunissait à Paris dans un cinéma pour un conseil général !
Après le suicide de Jessica (52) dans le hall d’entrée devant les journalistes du monde entier, le Conseil débuta en regardant l’idole sur grand écran chanter « Les portes du pénitencier », malicieux clin d’oeil à ses emmerdes judiciaires.
Un exécutif « toujours plus jeune » fut nommé à l’unanimité, moins la voix de Maître Capello qui fut privé de paroles après avoir tenu des propos désobligeants sur l’emploi des « à que… à que ».
Il fut décidé que Johnny ne vieillirait plus et qu’au contraire le chiffre honteux de 62 l’année prochaine serait abaissé à 59 et qu’il en serait chaque année d’une diminution jusqu’à atteindre en 2034 l’âge de 28 ans qui serait définitif.
Côté pratique, le docteur André Labré fit quelques propositions. La science a fait d’énormes progrès. C’est ainsi qu’en Chine vit Mao Tsetong, 111 ans au printemps. Il serait toujours en pleine forme et ferait une longue marche tous les matins. Sa retraite cachée due au dévouement d’un camarade qui prit sa place dans le cercueil de verre était éminemment politique. Plus fort encore, Adolphe Hitler coulerait des jours heureux en Argentine. Sa femme Eva Braun vient d’avoir des jumeaux ! Enfin, Jean-Paul II serait Alexandre VI Borgia enfin converti au catholicisme.

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Pour Johnny une solution rajeunissante à base de lait d’ânesse et de testicules de taureau andalou permettrait de le maintenir à 59 ans l’année prochaine. Les recherches continues et tous les espoirs sont permis.
Pour économiser la voix célèbre de « Retiens la nuit », le professeur Henri Encore, propose de greffer dans le larynx un juke box miniature, ce qui en plus ferait économiser l’accompagnement des concerts.
Le directeur des roulements à bille « Pierre qui roule » a déjà monté un système dans les hanches de l’idole identique à celui du train d’atterrissage de la sonde qui va être lancée sur Mars.
Enfin, Bill Entête propose une greffe du cerveau. Des clones d’Einstein et d’Yvette Horner sont à disposition. Un dosage des deux permettrait à l’artiste de penser en musique.
La séance se termina sur un discours enregistré de Raffarin qui rappela que Johnny était éternel et qu’il espérait bien fêter les prochains 28 ans de l’artiste à la tête des Français, sous le général de Gaulle qui serait dit-on cloné en Chirac.
A la sortie comme les Journalistes d’Ici-Paris et Ciné magazine allaient repartir sur leurs motos, type 600cc pont de l’Alma, la présidente de « Johnny toujours » les retint un moment, parce que Vanessa (64) avait paumé les allumettes qui devaient mettre fin à ses jours.
Enfin, la malheureuse partit en torche au cri de « J’ai oublié de vivre », ce qui permit de faire quelques belles photos qui feront la une de demain.
C’est sur « quelque chose de Tennessee » que les Comités se séparèrent non sans se promettre de remettre ça à Liège, le mois prochain où le Comité Jacques Brel réunira Gérard Vallée, Julos Beaucarne et Frédéric François qui parleront du bon vieillissement de leurs œuvres. Un repas spécial Tour de France sera offert par la Députation, tandis que Adamo dédicacera « tombe la neige » une reprise qu’il interprétera dans la caravane du tour de France auquel il participe pour les bonbons « La vie en rose ».

PETITE GALERIE DES STARS BELGES QUI ONT REFUSÉ DE VIEILLIR

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28 octobre 2003

Que c’est bon... dis, l’Europe !

Le projet de Constitution européenne ne suscite guère de débat dans la classe politique.
Les partis de la majorité gouvernementale sont pour, comme le référendum n’existe pas en Belgique, vous êtes priés de fermer votre clapet et d’applaudir.
Au PS c’est la course à celui qui sera le plus libéral. Seul, Jean-Maurice Dehousse émet de sérieuses réserves. Il juge le paquet-cadeau de Giscard, président de la Commission pour la Constitution, aidé par Jean-Luc Dehaen, le Monsieur « ceinture » des années passées, insuffisant du point de vue social.
Et il a raison, Jean-Maurice.
On le sent déjà dans le crédo de la libre entreprise des libéraux, au niveau des Chemins de fer, de la poste et bientôt de la couverture des soins de santé.
C’est que le marché dans le cadre d’une concurrence libre, fait tout à fait « shopping à toute heure » avec ce que cela comporte de retour en arrière.
Cette future Constitution européenne devrait être censurée par la gauche, pour la simple raison que si nous copions notre Constitution sur celle des Etats-Unis, nous ne saurions dans les années à venir opposer à la mondialisation et au triomphe du business aucune alternative à caractère social et humanitaire.

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Non seulement nous poursuivrons en Europe la construction d’une société duale, comme aux USA, mais en plus, nous ne pourrons plus arrêter une politique en faveur du tiers monde dont les Etats deviendront de plus en plus des républiques bananières.
En nous assimilant aux dévots de l’OMC, nous allons nous faire quelques ennemis de plus et une flopée de déçus.
En réalité, le projet européen n’est en rien un projet dans lequel on pourrait tracer une voie socialiste pour l’avenir.
Est-ce que la direction montoise du PS en est consciente ?
Il est à craindre que non.
Il se fait tard pour y songer.
Décidément, l’aventure socialiste n’aura guère tenu plus longtemps après la chute du mur de Berlin que sa rivale soviétique.
Et ce n’est pas la mirobolante découverte du petit prodige sérésien à la vice-présidence du bidule du boulevard de l’Empereur qui va changer grand-chose.
L’ancien drapeau de l’Internationale aux couleurs de l’arc-en-ciel est tout à fait approprié pour faire une belle enseigne d’un nettoyage à sec dans une Europe du commerce et des classes moyennes.
Les futurs « lessivés » de la poste et des chemins de fer, ceux qui de l’industrie automobile à la métallurgie vivent ou vont vivre des plans de restructuration dus aux « changements » de l’Europe, les usagers, à commencer par les malheureux qui mourront dans les futurs accidents du chemin de fer privatisé comme en Angleterre, ne partagent pas l’enthousiasme de nos souriants ministres.
La récente crise irakienne et le bras de fer des vieux européens (France-Allemagne-Belgique) avec Washington rejaillissent dans les difficultés à doter l’Europe d’une Constitution commune à tous. La Pologne a particulièrement énervé Chirac, quoique l’Espagne et l’Italie ne soient pas mal placées dans la course des Etats croupions de « l’uncle Sam ». Les nouveaux adhérents, les Etats Baltes et ceux d’Europe centrale n’ont pas le même passé que nous. Ils se sentent européens d’abord pour l’accès aux fonds de solidarité. Ce sont des inconditionnels des USA qui rejoindront l’Angleterre dans l’allégeance aux Américains à la moindre alerte atlantique.

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Alors, vous pensez, la Constitution, ils se la mettent où je pense avec les poils du Doudou montois comme porte bonheur.
Que voulez-vous…
La petite Belgique a toujours été un modèle pour l’Europe.
C’est sans doute une des raisons pour laquelle on nous prend pour des cons partout ailleurs.

27 octobre 2003

Mais laisse mes mains sur tes hanches

Au club Jason Maudit, ce fut l’inspecteur Arnaud Tillus qui constata le décès du disc-jockey Adrien Adéklarez. Le DJ s’était raidit, le nez sur ses platines, arrêtant « Les Filles du Bord de Mer » au passage : « Z’étaient chouettes pour qui savaient y faire ».

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Le jour avant, Arnaud était le témoin d’une mort aussi suspecte au « Calixte Noire » un club homo, alors qu’il sortait en compagnie de Jean Suizun, le fils du commissaire Eloi Suizun-Aussy. La DJ, Bernadette Dejeux, était tombée dans la poubelle sur les restes du dernier frites-poulet qu’elle n’avait pas terminé. Si bien, puisque Arnaud avait ordonné que l’on ne touchât à rien en attendant les experts, le 45 tours d’Adamo « C’est ma vie » avait tourné pendant trois quarts d’heure rendant fous les gays qui n’avaient pu s’échapper, la porte étant gardée par Suizun.
On n’avait pas tout de suite vu la flèche au curare fichée dans le piercing de Bernadette.
On avait assassiné la DJ !
C’est la semaine suivante, quand Arnaud au club échangiste « Le Joffre Hélademande »,
trouva le DJ flamand, Colin Bourjoix foudroyé avec à la main « Dolce Paola », que Arnaud Tillus comprit qu’il y avait en ville un serial killer !... un psychopathe en liberté qui avait des pulsions de meurtre quand Salvatore Adamo passait par les amplis.
Le curare est un poison rare. On soupçonna le grand chef Maori qui était en tournée au Cirque Pinder et à l’UNICEF, mais il avait un alibi en or. Il avait passé les quinze dernières journées au Luxembourg à se faire recoller la lèvre inférieure.

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Arnaud résolut de frapper un grand coup.
Il remplaça au pied levé le DJ de Kinshasa Mokoko Riko au club « André Pression » avec sous le coude « Tombe la neige », « Vous permettez, Monsieur », le redouté « Mes mains sur tes hanches » et l’indispensable « Inch Allah ».
Comme c’était un club berbère et musulman, il mit Jane Birkin et les accordéonistes de Hammamet en intro. Ce fut un désastre. Il fut bousculé, piétiné et ne sauva sa vie que grâce à la sculpturale patronne grecque Ella Danloss.
Le calme revenu. Il expliqua sa présence au club. Tous les sans-papiers disparus, il restait à peine une demi salle et Arnaud Tillus crut que pour ce soir-là c’était râpé.
Flic jusqu’aux bouts des orteils, il mit « Mes mains sur tes hanches » le must dont il attendait tout. Si le serial est à moins de dix kilomètres plaisanta-t-il à Ella Danloss, il sera là dans un instant.
De la salle résignée ne parvint que quelques cris hystériques : « non, non, pas ça ! ».
C’est au dernier refrain que l’attentat eut lieu. La sculpturale grecque s’effondra, les seins enfonçant le tourne-disque, ce qui donna à la voix d’Adamo celle d’Yvan Rebrof, au passage « tu seras ma… boum boum boum… dernière chanson ! ».
C’est alors que Arnaud qui avait quand même été jusqu’à sa troisième moyenne, compris le machiavélisme de l’assassin.
Celui-ci pendant l’échauffourée avait collé, chargée de poison, l’aiguille convexe dans un sillon. Après un certain temps et ayant acquis de la vitesse, elle sortit de la platine comme la sarbacane de Francis Cabrel !
Arnaud Tillus fit bloquer les sas et procéda à des interrogatoires.
Il se souvint que sur les photos prises dans les autres discothèques, la petite blonde qui était dans la salle apparaissait deux fois.
C’est ainsi que fut arrêtée celle qu’on appela la psychopathe adamophobe, la serial killer des boîtes à sons.

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L’histoire de Georgette Unjûd est très simple. Lad à « Crottinville » elle eut à soigner un hongre qui avait vécu toute sa vie dans une prairie joignant la propriété de Salvatore Adamo. Son propriétaire avait remarqué qu’à force d’entendre Salvatore répéter, la bête s’était mise à l’imiter. On entendait dans les modulations des hennissements, des couplets entiers du chanteur. C’est ainsi que le cheval avait appris par cœur « Tombe la neige » et il était en train de mettre au point « j’avais oublié que les roses sont roses ».

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Après six mois d’Adamo dans les écuries, Georgette Unjûd s’était enfuie.
Elle vécut quelques années sans plus entendre parler de rien. Se maria même avec Reno Noss, mais le mariage ne tint pas. Son dernier amant avait été pharmacien. A défaut d’héritage, il lui avait laissé quelques recettes fameuses.
Un jour, l’effet Chantal Goya remit Salvatore dans les bacs.
Quand il entra dans le top 10, elle craqua et commit son premier meurtre.
Son avocat crut intelligent de faire entendre « Inch Allah » au tribunal.
Elle eut droit aux circonstances atténuantes.
Elle écopa de vingt ans.
On la mit en cellule avec une admiratrice de Claude François.
Elle mourut six mois plus tard d’un arrêt cardiaque tandis que sa co-détenue écoutait « Alexandrie-Alexandra ».

26 octobre 2003

Comme un vieux Berliet qui monte la côte d’Ans

S’il y a bien un progrès permanent incontestable, c’est celui du bruit.
Côté rive gauche (quartier des Guillemins, Laveu) jusqu’aux hauteurs de Saint-Gilles, dès que vous ouvrez votre double vitrage, de jour comme de nuit, vous entendez le bruit sourd des voitures sur l’autoroute. Celles qui remontent vers Bruxelles, celles qui descendent vers le tunnel sous Cointe : même combat !

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Les barrières anti-bruit ont certainement un intérêt pour ceux qui vivent en bordure de l’autoroute, mais le mur anti-son ne s’étend pas au-dessus des panneaux. Si l’on suit un graphique des nuisances par le bruit, on voit que le son se répand en gerbe. Finalement, ces barrières anti-bruit ont surtout le mérite d’enlever à la vue des riverains l’incessant trafic.
On s’habitue à tout. Certes. Mais qui dort en ville est fort étonné lorsqu’il passe un week-end à la campagne. Pas la campagne aux alentours de Bierset qui fait fuir les habitants, mais de l’Ardenne profonde près des routes où ne passent que les chars à foin.
Alors, on retrouve le vrai silence. Celui que certains ont connu enfants en ville et que la génération présente ne connaîtra jamais.
Ces hérésies d’autoroutes en ville qui ont déjà éventré la place Saint-Lambert, pour finalement aller se faire voir ailleurs, se sont concrétisées aussi bien rive droite que rive gauche.
On parle d’accomplir la boucle autour de Liège avec de grands travaux en perspective entre Barchon et Chênée, une sorte de grand circuit de Francorchamps, un « ring » pour faire bruxellois.
Il entre dans les projets de l’Europe de relancer l’économie en réalisant des travaux de ce type.
C’est incontestable, rien n’arrêtera les progrès du bruit.
Sauf peut-être la pénurie d’essence, et encore !
L’homme moderne est un être contradictoire, il est à la fois piéton, dormeur et conducteur. Jusqu’à présent c’est la casquette de chauffeur qui gagne sur le bonnet de nuit.

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C’est dommage, les ronflements d’une chambre à coucher n’incommodent guère que la personne qui essaie de dormir à côté.
Cela fait quand même beaucoup moins de monde.

25 octobre 2003

La fin des idéologies


Quand on fera le bilan du siècle précédant, on s’apercevra que la fin des idéologies coïncide avec ses dernières années.
Certes, des philosophes comme Lévy, Finkielkraut ou Glucksman s’en réjouiront ; mais, la plupart des observateurs, s’ils ont détesté les régimes totalitaires, n’en ont pas moins été sensibles au bouillonnement d’idées.
La fin des mythes, sans doute, mais aussi la fin des illusions.

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Aujourd’hui le capitalisme qui tient seul la route ne porte pas de morale en lui. Il n’est qu’à voir la façon dont il se développe, malgré un air apparent d’ordre mondial, combien il est anarchique, soumis aux impondérables et aux multiples transformations selon ses luttes internes.
Ce qui fait craindre le pire – Cancun nous en a donné l’image – c’est le dévoiement des mots lorsqu’on évoque ce système d’échange et de profit. L’ordre mondial signifie désordre, logique des marchés signifie emprise des monnaies fortes sur les autres, liberté d’entreprendre et libéralisme signifient enfermement des pauvres dans des ghettos de productions et épanouissement des gens de pouvoir, etc.
Ce qui est grave, ce n’est pas ce constat. Ce qui est grave, c’est l’absence d’espérance. C’est-à-dire, croire en un monde meilleur possible par l’exposition du capitalisme à la critique des philosophes et à la naissance des utopies, comme au début du siècle précédent.
Tout ce passe comme si le système actuel qui accable les deux tiers de la planète sous un joug sans précédent devrait être là pour mille ans !
Quelle erreur de penser cela, quand on a vu la chute du communisme sur moins de cinq ans ! Quand le capitalisme évolue si vite que si la génération des années cinquante revenait parmi nous, personne ne le reconnaîtrait.
Cette dimension critique qui fait terriblement défaut à l’heure actuelle provient de ce que les sources de cette critique ont été taries délibérément par l’appropriation des moyens de culture et d’information par des personnels sans état d’âme parce que vivant de façon bien meilleure que la plupart des gens, exactement de la même manière que des forces de police au service d’un tyran.
On a vu aussi comme le capitalisme sait diaboliser ses ennemis. L’Islam en fait l’expérience.
Il n’est peut-être pas trop éloigné le jour où ce carcan volera en éclat.
Cela arrivera quand les partis politiques européens qui complètent et harmonisent les tissages du capitalisme et qui concourent par leur collaboration à faire supporter les fautes de « l’ordre mondial » ne seront plus suivis par leurs électeurs.
Ce sera l’heure de vérité.
Souvent dans la foule aux grands moments de l’histoire, des inconnus surgissent de nulle part et accomplissent ce que les batteurs d’estrade ne sont plus capables de réaliser.
Ces hommes providentiels ne le sont malheureusement pas tous et souvent on passe d’une dictature à l’autre. Mais l’Empire craque de partout, les failles du système sont mises au jour et les masses s’y précipitent. La vie renaît. Il semble aux gens qu’ils redeviennent maîtres de leur destin.
C’est alors, dans ces moments enivrants que le riche descend de son piédestal et se mêle à la foule,
Aimable, souriant, prêt à toutes les concessions pourvu qu’on ne prélevât pas trop de sa substance.
Souvent, il partage afin de pouvoir conserver une partie de ses richesses.
Bien sûr, la difficulté s’accroît lorsque les capitalistes se solidarisent de pays à pays. Sous cet angle, la construction européenne n’est pas une bonne chose, en ce sens que des pays conservateurs interviendraient militairement pour tirer les révolutionnaires en arrière et les jeter dans les prisons. Sous le prétexte d’une construction européenne, nous assistons à l’organisation d’une défense du capitalisme et à rien d’autre.
Autrement dit, il ne faut pas croire à de petits effondrements mais au basculement de tout un bloc.
C’est une éventualité qui n’est encore qu’une utopie.
Ma génération ne verra pas ce nouveau bouillonnement de la pensée.
Il y a fort à parier que ceux qui naissent en 2003 le verront.
Qu’ils ne ratent surtout pas le tournant.

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Qu’ils ne remettent pas en selle ce que la majorité de la population mondiale n’accepte pas.
A bout de souffle le capitalisme est capable du pire si la conjonction des monstrueuses fortunes édifiées au siècle dernier s’effectuent.
Beaucoup d’entre les plus pauvres n’attendent qu’un maître qui les nourrisse pour passer à son service et devenir ainsi des esclaves à vie.
Méfions-nous des milices du libéralisme.
Les gens de droite ont toujours eu en eux l’instinct de meurtre, tout comme un film de série noire : Touchez pas au grisbi !
Ils sont comme cet empereur romain qui eût dit-on l’envie de couper toutes les têtes de ses opposants d’un coup.
Eux, c’est pareil, sauf qu’ils ont les moyens de le faire.

24 octobre 2003

Belgique : une future république bananière ?

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On est bien parti pour les 200.000 emplois, sauf qu’au lieu d’être supplémentaires, ce sera en tout !
Ils sont marrants les petits génies de la politique de l’emploi.
Ils veulent en finir avec les prépensions, parlent de travailler plus, sur le temps que les patrons bradent les personnels âgés et que, continue d’être actuelle, une notion de jeunisme dans les entreprises « dynamiques ».
Maria Arena n’est pas la seule à rêver tout haut.

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Une politique du chômage plus musclée voudrait remettre sur le marché du travail une flopée de chômeurs alors que l’emploi est tragiquement déficitaire !
On joue à la chaise musicale avec les sans travail.
On leur dit « cherche » et sur le temps qu’ils peinent à se vendre, l’Administration retire en douce la chaise sur laquelle ils étaient assis.

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Ceux qui s’épanouissent dans les prépensions ou dans les indemnités de remplacement sont particulièrement mal vus des patrons et de l’Administration.
Où est le discours du dépressif qui pleure parce qu’on lui a retiré son boulot ?
Si au départ chacun avait une indemnité lui permettant de vivre décemment, les patrons devraient renoncer à faire chier le monde sous peine d’aller au boulot, tous seuls.
Il faudrait alors des nouvelles formules : cesser d’être aux culs des productifs, arrêter la pression d’ergonomes qui n’ont jamais vraiment bossé sur une chaîne de montage.
Bref, une culture des doigts de pieds en éventail pour tout le monde.
On a vécu des temps pré-socialistes, jadis, quand existait un parti du même nom entre 1945 et 1955 quand les « forces vices » craignaient qu’à trop malmener les travailleurs, ils s’affilient au parti communiste.
Ces temps de la sainte frousse capitaliste sont révolus.

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Ce sont des pays communistes comme la Chine qui prennent le pain de la bouche de nos travailleurs, en toute solidarité prolétarienne.
La base chez nous sait tout cela.
Elle n’a pas les dirigeants qu’elles méritent.

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Parmi les jeunes, il en est beaucoup qui ne veulent plus attendre d’être vieux pour jouir de la vie.
Ils sont comme le mec de 39 qui tapait le poing sur la table du troquet en gueulant « Nom de dieu, qu’est-ce que c’est pour une vie de merde ! A nous les gonzesses, les planques au soleil, la belle vie. »
Certes l’ouvrier de 39 était fin saoul. Mais il voyait clair.
C’est la guerre qui lui a rabattu son caquet.
On ne le dira jamais assez, les guerres en ont sauvé des mises risquées… côté pognon !

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23 octobre 2003

Für Elise

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Personnages : Elise, artiste en chambre – Emile, ancien typographe – Flore, une employée –
LA BANDE : Persu, le chef – Fati, sa meuf – Gègèr, le pinc’.

Mise en jambe : Dans une banlieue crade et sans avenir, des architectes fous ont construit des ensembles, malheureusement habités.
Nous sommes dans un minuscule appartement du bloc C au cinquième étage dont on ne voit que la salle de séjour qui fait aussi office de cuisine. Côté cour, un lit escamotable aux draps défaits est ouvert. Côté jardin, un réfrigérateur et une chaise percée. En retrait, on devine la porte de la chambre. Une ligne blanche, grossièrement tracée coupe la scène parallèlement au public. Elle joint le lit à la chaise percée.
Dans le fond, une porte palière et une fenêtre. Sous celle-ci, une table et deux chaises en vis-à-vis. Sur la table, un téléviseur ancien. Il est allumé. On voit et on entend un pianiste interpréter « Für Elise » de Beethoven. Devant la table, presque en dessous, un énorme coffre en bois blanc que la ligne blanche contourne.
Emile est en chemise de nuit à deux pans. Elise en mini-jupe, fardée comme pour sortir. Elle mange, fume et se peint les ongles en même temps. Lorsque elle lève la tête, c’est pour se regarder dans le miroir. Elle croise et décroise les jambes. La télévision couvrant leurs voix, ils parlent haut.
Ils sont assis de part et d’autre de la table. Pour se voir, ils se penchent vers le coffre, la télévision les en empêchant.

Scène I
Quand mamaze travaille pour Staline


Emile : T’as plus vu Roger ?
Elise : T’as plus vu qui ?
Emile : Roger !
Elise : J’t’ai déjà dit qu’on s’voyait pus.
Emile : C’est not’ fils quand même !
Elise : Et alors ? I’ fait sa vie.
Emile : I’ fait quoi ? On s’entend plus avec ce bazar.
Elise : J’regarde Melrose.
Emile : C’est fini, Melrose, v’là bien un quart d’heure.
Elise : Mais non, Michaël joue du piano pour Amanda.
Emile : C’est « Fûr Elise » de Beethoven.
Elise : Elle a le même nom que moi. (Elle éteint la télévision) De toute façon, j’ai pas vu les autres
épisodes.
Emile : J’te demandais, si t’avais plus r’vu Roger ?
Elise : Ouais. Je suis pas sourde. J’t’ai répondu qu’il faisait sa vie.
Emile : Qu’est-ce que ça veut dire « Il fait sa vie » ? Il habite le bloc à côté. Il pourrait prendre des
nouvelles de ses vieux !
Elise : Si c’est pour t’entendre râler… Puis, que veux-tu qu’il dise ?

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Emile : La dernière fois qu’on l’a vu, tu lui as refusé cent balles.
Elise : Il fallait faire ceinture ?
Emile : Ecoute, cent balles !
Elise : Tu sais ce qu’i’ fait avec ? C’est pour ses savonnettes.
Emile : Tu as tes clopes… Si c’est ce qu’il veut ! On ne va pas loin avec cent balles…
Elise : …pour de la dope. On a déjà trop causé de Roger. Quand c’est pas de Roger, c’est d’autre
chose. Etonnant que t’aies pas encore entonné le couplet de ta mère, la sainte, en renfort à Roger. (Elle s’empare d’un roman-photos qui traîne sur les assiettes sales et le feuillette ostensiblement.)
Emile : T’as pas la fibre maternelle, on peut dire. T’as pas de fibre du tout. (Il se lève brusquement en se tenant à la table) Elise, je sens que ça vient.
Elise : (Sans lever la tête de son roman-photo.) Encore !… Fais un effort. Retiens-toi.
Emile : Je peux pas. Je peux pas, nom de Dieu !
Elise : (Posant calmement son roman-photo dans le graillon des assiettes. Les yeux au ciel.) Tu fais un coup de calcaire tous les cinq minutes. Tu vas criser longtemps ?
Emile : Je t’assure. Je vais déponer ! (Il lâche la table et se place sur la ligne. Il progresse lentement en direction de la chaise percée. Il tremble et semble ne pas mettre les pieds exaxtement sur la ligne. Il est plié en deux et se tient les entrailles.
Elise : (Se plantant devant lui sans le toucher.) La ligne, bouffon sénile ! Marche dessus bon sang ! Si c’est pas malheureux, un homme pareil ! La ligne… tu vas plomber le plancher.
Emile : Mon Cyclopasmol !
Elise : (Marchant à reculons) Avance, t’arrête pas.T’as trois mètres à faire. C’est pas fini ton numéro ? Tu vas au dérouleur de cakes en fermant ta gueule !
Emile : Je vois tout brouillé. Pourquoi tu m’aides pas ? Où t’as mis mes lunettes ?
Elise : Pourquoi je t’aide pas ! Tu ne t’es pas vu, mon pauvre Emile ? Tu pues la charogne. Tu me
dégoûtes. Te toucher ? C’est pas possible. C’est comme si je poignais dans un rat crevé !
Emile : (se redressant l’air buté) J’avance plus sans mes lunettes… et puis mon Cyclopasmol.
Elise : (saisissant les lunettes au-dessus du réfrigérateur.) Les voilà.
Emile : (les chaussant, l’air satisfait.) C’est un monde, ça d’me confisquer mes lunettes. (Il s’assied sur la chaise percée. Il se saisit d’un morceau de journal visiblement là pour autre chose qu’une lecture des faits-divers, en marmonnant). C’est un monde, d’me confisquer mes lunette.
Elise : La ligne est visible sans tes lunettes… et puis si c’est pour lire au lieu !
Emile : Oui, je lis au lieu. Je lis où ça me plaît ! Et j’écris pareil, quand ça me plaît !
Elise : Qu’as-tu besoin d’écrire à ta sœur que je suis une salope ?
Emile : Qu’as-tu besoin d’être une salope ? (Il rit) Avec mon Cyclopasmol j’aurais eu le temps de…
Elise : Vas-y, bloblotte, vieillasse. N’empêche, six couches de vernis sous la ligne pour pas que le
plancher s’imprègne. C’est mieux que le Cyclopasmol, le vernis, d’autant que le pharmacien a dit que tes pilules n’étaient pas faites pour ça !
Emile : Elles servent à quoi, alors ?
Elise : A t’enlever les sottises que tu as dans la tête !
Emile : Alors, c’est raté !
Elise : On peut le dire ainsi.

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Emile : (se levant de la chaise percée attendri en même temps que soulagé) On était bien dans le temps, nous deux ! Tu te souviens du meublé rue Amandine ? (Il fait un geste vers elle.)
Elise : (bondissant pour se mettre hors de sa portée.) On repasse pas deux fois chez Mac Do. J’ai été dose de toi, faut reconnaître. mais aussi, ce que tu promettais !… Voyages, aventures. Qu’est-ce qu’on a vu ? Les volcans d’Auvergne que le grand chauve avec son Vulcano était pas né et le Pont d’Arc de mame Martin, en quinze ans ! Tu parles d’un périple ! Et voilà qu’aujourd’hui, que tu bandes guimauve, mon pauvre Emile…
Emile : Tu sais quoi ? T’as rien là (il frappe sur son cœur.) Tu crois qu’à l’usine je courais au plaisir ?
Elise : C’est ça… Vas au violon des regrets. C’est là qu’t’es l’plus fort.
Emile : Ce que j’ai été con de marcher aux « toujours, c’est pour la vie ! »
Elise : C’était il y a vingt-cinq ans, mon pauv’ vieux, autant dire que ça n’a jamais existé. Il y a
prescription. T’étais beau, alors. Regarde-toi, regarde ce que t’es devenu ! Où il est le prince charmant ? Je vois un vioque en bannière qui chie partout. Qui a été floué le plus ?
Emile : (revenant au lit.) On s’est défendu. Avons-nous eu faim ? As-tu manqué de quelque chose ?
Des plus marioles, que j’ai connus, vivent sous les ponts, à présent.
Elise : (dans un grand geste circulaire) T’appelles-ça une réussite ? Fous le camp Emile. T’as personne qui te retient. Tu vois pas que j’en ai marre de toi ?
Emile : Ah ! tu voudrais bien que je m’évapore. Nimportaouak. Pourquoi tu me jettes pas à l’asile ?
Chambre 618 avec le kakou à qui t’as bousillé le joystick ?
Elise : Je te défends de parler de ce malheureux Pierre sur ce ton-là !
Emile : Tu l’avais débranché du bistrot. Faut reconnaître. Comme épave, c’était deux Titanic pour lui tout seul. Si c’est ça l’idée que tu te fais du prince charmant !
Elise : Je ne sais pas ce qui me retient de téléphoner aux urgences qu’on t’embarque.
Emile : Je sais moi…
Elise : Ah ! oui… c’est quoi ?
Emile : Ma retraite pardi… mes sous…
Elise : Je sais me débrouiller seule. Ta retraite ? Elle passe en couche-culottes et pilules… Remettre le sapin en plastique au-dessus d’ la télé, regarder la Grande vadrouille, en finissant le lapin aux pruneaux, te la souhaiter encore une fois, la bonne année. Je pourrais plus. T’entends ? Je pourrais plus ! Il faut que ça finisse.
Emile : Surtout que tu fais dans l’artisanat, à c’t’ heure! Aux dernières nouvelle, à ce qu’on dit, après le kakou, chambre 618, voici monsieur bricolage. C’est quoi le fond d’commerce d’Amadeo, la came ou la fourgue ?
Elise : L’amour, pauvre con, l’amour ! Dis-donc, t’as encore fouillé dans mon sac ? Comment tu sais son blase ?
Emile : Tu as tes brouilleries pour me balancer ton credo : « l’amûr tujûr » ? Mamaze rameute pour
Staline ? S’ils te débectent, les biftons de Mimile, pourquoi tu fais body-gard quand jeme pointe à la poste ? Tu as peur qu’Amadeo me braque ?
Elise : Il y a sept troquets entre la poste el le bloc. Je ne te mets pas propre pour que tu roules dans le ruisseau. Jusqu’où tu irais dans le mois, si j’étais pas là ?
Emile : Tu es d’une dureté ! Tu as eu les à-côtés, la chaleur humaine, un toit, des plaisirs, avant de
tourner chienne !
Elise : Pour les plaisir, faudrait pouvoir y faire, mon pauvre vieux. Eh ! quand bien même… tu
m’inspires plus ! Je suis pas sous bandelettes, môssieu, j’ai un corps. (Elle se campe, fait quelques pas, puis s’arrête poings sur les hanches devant le coffre sur lequel elle pose le pied.)
Emile : Tu me donnes l’envie d’un deuxième service… (Il se tient le ventre, mais ne bouge pas.)
Elise : T’as plus les moyens de l’extravagance. Le contrat portait pas que tu deviendrais spongieux,
quand je t’ai épousé. (Inquiète de la mine d’Emile qui se tient toujours le ventre.) Si l’infection gagne le plancher et qu’en dessous on appelle l’hygiène, je ne sais…
Emile : (Gracieux et plein d’ironie.) Vous êtes bien élégante, ce soir. (Il avance la main vers un sein.)
Elise : Touche pas ! C’est hors tes prix. Ce soir, je pêche à l’onzième doigt.
Emile : (D’un ton désespéré.) C’est trop ! (Il reprend en vacillant le chemin de la chaise percée.)
Elise : Ah ! le malgrâcieux, t’empêcheras pas mon amant d’arriver.
Emile : (L’air égaré.) Quel autre ? A la télé, c’était Für Elise, non ? Cinquième gauche, bloc C. Elle estpas encore rentrée, j’y dirais.Elle achète les savonnettes de Roger dans mon dos. Ne l’attendez pas. Elle ment tout le temps. Pierre n’a pas quitté la maison des Charmilles. Il m’attend sur le banc… C’est pas lui qui… Amadeo peut-être ? ou un autre. Qu’est-ce qu’on sait, avec cette femme-là ?
Elise : C’est tout, oui ! Sans ton Rohypnol, je suis tranquille, monsieur bascule. Hein, tu bascules ?
Tu as eu ton petit quart d’heure. Maintenant tu sais même plus ton nom !
Emile : Elle m’a enfermé dans la piaule et j’ai même pas de quoi fumer !
Elise : Sans tes lunettes, oui, t’es seul (Elle les lui arrache du nez. Va à la fenêtre dont elle ferme à demi le rideau.) La vue de l’arbre du square ne te vaut rien. Te voilà redevenu un asticot. (Elle soulève l’espèce de bonnet de nuit qu’il a sur la tête.) Tu es un asticot sous une pierre. Je la soulève et te voilà tout blanc et gluant au soleil.
Emile : Pierre est là, hein, charogne ? C’est cette crapule qui t’emmène à Venise. (Il atteint la chaise
percée, bras en avant. Il met les mains dans le pot de chambre.) T’es à l’envers, bonhomme. (Il rit.)
Tu as la tête à la place du cul !
Elise : (Durement.) Fais gaffe au monument sur lequel tu veux t’asseoir. Des générations de flasques y ont déversé leurs pus. Quand tu seras rétamé, bijou, j’en ferai un guéridon ou je le revendrai à Jockeytte. Un peu de terre au fond, elle y mettra une plante.
Emile : (Enfin sur la chaise percée.) Nini, pour une imposition de seize dans seize, la double Colombier paraît le meilleur format.
Elise : Le revoilà à l’imprimerie. Tu déposes et tu pars. Tu m’entends ?
Emile : Tu commences toujours à gauche, Nini. Mon p’tit gars Roger, viens voir papa !
Elise : Et son fils !
Emile : (Retournant au lit.) J’ai encore maigri. C’est normal avec le merlan en réclame. Je n’aime pas le poisson. Amadeo a une tête de cabillaud.
Elise : Non pas le lit. T’as vu l’heure ? Il faut retourner à l’atelier. (Elle le pousse devant le coffre, ouvre le couvercle.) T’entends les autres qui pointent ? Cling… Cling… Tes copains sont déjà à la casse. (Elle lui soulève une jambe, puis l’autre et l’aide à entrer dans le coffre. On frappe violemment à la porte.) C’est Persu. Il est en avance… C’est la première fois que…
Emile : (Dont on ne voit plus que la tête sortant du coffre.) C’est qui, Persu ?
Elise : Un de tes camarades. Il lui manque une lettre de corps six. Regarde dans tes cassetins. Non,
une lettre à quatre crans. (A part) Depuis le temps que je l’entends déconner, j’en connais un
rayon de son imprimerie.
(On frappe à nouveau.)
Emile : Je vais voir qui c’est…
Elise : (Elle lui pousse la tête dans le coffre et rabat le couvercle) Ah ! charogne… Voilà un instant… C’est qu’il est impatient, le grand fauve. (Elle replie le lit au mur. Pousse la chaise percée dans le frigo. Va vers la porte en arrangeant ses cheveux). Voilà…

FIN DE LA PREMIERE SCENE

Je tiens la suite de « Für Elise » à la disposition de toute troupe de théâtre qui n’aurait pas dans son répertoire « Le Petit Prince » et « Les lettres de mon Moulin ».
Richard d’York.

22 octobre 2003

Procès Cools : la longue marche qui n’arrive jamais !

Des magistrats en pantoufles entrent dans le livre des records !
La semaine qui débute, c’est celle du procès des assassins d’André Cools.
C’est aussi celui de la Justice.
Pensez, douze ans d’instruction. Un record !
Il a fallu douze ans à deux Parquets, deux polices (c’était au temps où Magloire et Croquebol ne collaboraient pas) et plusieurs ministres de ladite Justice pour ficeler une affaire qu’on nous présente aujourd’hui comme une simple affaire crapuleuse : celle de cinq ou six voyous qui se voyaient dénoncés par la future victime de leurs magouilles… une affaire de petits truands !
Alors, là je ne comprends plus, puisque c’est si simple, pourquoi avoir jouer les prolongations ?

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Certes, il y eut des affaires annexes : les hélico, les financements des partis, la SMAP (Léon va en cassation), mais quand même, M’ame Ancia n’est pas restée seule sur les dossiers. Il y eut au départ le juge d’instruction Connerotte de Neufchâteau. Les dissociations du dossier de base mirent sur le staff d’autres épées de la machine judiciaire. Même si, en plus des polices, les « arrondissements » s’affrontèrent dans une lutte d’influence, laissant Liège sur des montagnes de dossiers, douze années de procédure tout de même… Ce record de lenteur est inouï ! Il laisse supposer des coups de pédale dans la semoule… ou une volonté délibérée d’ouvrir des parachutes.
Procédure dans la procédure, Liège avait gagné son droit de paraître en battant les « paysans » de Neufchâteau en rase campagne !
Ces tribulations pour spectaculaires qu’elles aient été n’ont arrangé personne.
Résultat, on ne pouvait pas laisser les inculpés faire douze ans de préventive ! Ou alors, condamner le moins coupable à treize années de prison, pour ne pas perdre la face.
Il a fallu que le maintien en détention ne soit plus nécessaire pour la recherche de la vérité et que les collusions d’intérêt ne se fassent plus au nombre de coups sur les tuyauteries de Lantin. On a relâché tout le monde, alors que les deux « fines » pointures tunisiennes ramassaient vite fait vingt ans chez notre cousin Ben Ali.
Pendant ces douze années de confusion, on n’a pas avancé d’un poil et on ne sait toujours pas qui était ou n’était pas dans le coup de cet assassinat.
Entre-temps, Alain Vanderbiest s’est suicidé et deux loustics de la mouvance se sont évanouis dans la nature. En dernière nouvelle, il y aurait une disparition « inquiétante » !
L’affaire a connu aussi son « vengeur masqué ». Sauf que le témoin anonyme s’est sauvé avec une jolie enveloppe sous le bras. Une pratique rarement employée en Belgique et qui s’inspire des méthodes américaines.
Ce qui fait que des éléments de premier ordre vont manquer dès le départ à la recherche de la vérité.
Dans ce procès bidonné par défaut de sérieux dans l’organisation, je serais tenté d’écrire que j’ignore si le petit malfrat ou le « Haut lieu » est coupable du crime ; mais ce que je sais, c’est que l’image que l’on avait de la Justice y sera perdante.
Enfin, ultime conséquence, Miss Tout Sourire Onckelinx aura beau exhiber sa nouvelle casquette de Ministre de la Justice, ce n’est pas ce procès qui fera que les gens referont confiance à ce fourbi.
Les juges sont descendus de leurs piédestaux.
Ils ne sont pas près d’y remonter.
Ils auront beau prendre l’air important, étudier des attitudes sévères, ce n’est pas demain que de la petite frappe à l’honnête citoyen, on n’en pensera pas moins.
Au-dessus d’eux, le Pouvoir a tort de vouloir jouer au plus fin avec les gens.
Il ne lui reste plus que deux alternatives : passer pour con ou pour pourri.
Nul doute que la connerie a toujours été dans ses cordes. Et même s’il joue au con en étant pourri, c’est dans ce rôle-là qu’il est le meilleur.
Harry Baur, Gabin et Raimu ne pouvaient pas faire mieux.
Le délicat, c’est de savoir jusqu’où un bon comédien peut en faire des tonnes sans devenir mauvais.
Faisons confiance à Madame Onckelinx et les autres sociétaires de la troupe. Depuis le temps qu’ils jouent le répertoire avec succès, ce n’est pas demain qu’on baissera le rideau sous une pluie de tomates.
Le procès, ce n’est pas Hernani tout de même. Et Verhofstadt n’est pas Victor Hugo. Et puis… et puis… on est en démocratie, non ?
Cette ultime scène, ils la tiennent si bien qu’elle fait toujours recette.
Elle permet de changer le sens des responsabilités.
Puisqu’on est en démocratie, les douze ans d’attente pour l’ouverture du procès, c’est entièrement la faute du public, pardi !
Nos hommes de loi sont responsables, mais pas coupables ; nous, nous sommes coupables mais pas responsables.
On a donc tous intérêt à la fermer.
Nous avons toujours fait cela très bien.

21 octobre 2003

Des saintetés à la pelle !


Le vieux débat sur l’attitude de l’Eglise catholique pendant la guerre 40-45 refait surface régulièrement. Le procès en béatification de Pie XII, le pape qui voyait le soleil tourner, n’est pas étranger aux offensives des uns et aux sarcasmes des autres. Procès, à vrai dire, fort discret à côté de celui de Mère Thérésa.
Une dizaine de livres depuis six mois témoigne de la persévérance de ceux qui s’opposent au dogme de l’infaillibilité du pape.
On ne peut pas dire que le débat soit clos. Qui a vécu l’Occupation allemande et vu une église favoriser une croisade anticommuniste, peut en témoigner.

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L’apathie de Pie XII pendant la tourmente alors qu’il était au courant du massacre des populations juives est en elle-même un témoignage a contrario.
Deux éléments ne doivent pas être perdus de vue si l’on veut comprendre cette attitude de grande neutralité pour ne pas dire plus. Pie XI, dont Pacelli avait été secrétaire, ne cachait pas ses sympathies pour le IIIme Reich. Il mourra juste à temps pour laisser la patate chaude à son successeur.
Pie XII qui avait été également nonce à la République de Weimar était un germanophile, ce qui en soi n’est pas un crime. S’est-il laissé gagner à d’autres facettes moins reluisantes de l’Allemagne ? C’est le cœur du débat. Le nazisme a très bien pu être pour lui une planche de salut contre l’envahissement de l’Europe par les Rouges.
Les archives du Vatican récemment accessibles s’arrêtent à 1939. Evidemment, il n’y est fait nulle part mention des sentiments personnels de Pie XI à l’égard de l’Allemagne nazie, mais on les connaît par ses déclarations, ses discours et deux encycliques dont une en Allemand à l’intention des dignitaires de l’église d’outre-Rhin.
Alors, son successeur Pie XII a-t-il mordu au même hameçon ? Etait-il, au contraire, un saint qui a voulu sauver l’Eglise que la tourmente risquait d’emporter?
Pour les athées et les agnostiques, il va sans dire que ce débat n’a pas de sens.
Pour les autres, Jean-Paul II qui en 25 ans de pontificat a mis son grain de sel dans tout avait déjà en 1998 sorti l’église d’un mauvais pas en distinguant l’antijudaïsme catholique, de l’antisémitisme, dans le but évident de ménager l’Histoire et la Shoah.
Or, d’autres archives – décidément c’est l’année des paperasses – celles du Saint-Office de l’Inquisition, montrent la continuité des papes entre le début du XIXme siècle et Pie XII dans la logique d’une disqualification des Juifs de l’espèce humaine !
Voilà bien le dilemme d’aujourd’hui, comment effacer cette abomination raciste dans la mémoire collective des peuples afin de faire passer Pie XII bienheureux, dernier stade avant la béatification ?
Jean-Paul II dans la manipulation des faits et des mots trouvera certainement la grâce du Saint-Esprit pour arriver à ses fins comme il a fait pour d’autres « saints » d’Europe centrale, manifestement si farouchement anticommunistes qu’à l’époque où ils vécurent, ils devaient être au moins des sympathisants du nazisme.

20 octobre 2003

Nous l’avons rencontré !

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Jack Allondon : Maître Râvishandrapûr, on dit que vous venez du cachemire ?
Râvi : Non. Exagération de journaliste. J’ai vendu du cachemire en Puits-en-Sock.
Allondon : Vous avez rencontré des extraterrestres ?
Râvi : Le jet d’eau place Delcour me fascinait. Sur son pourtour, j’en ai vu un.
Allondon : Comment le savez-vous ?
Râvi : Vous avez déjà vu un escargot qui parle ?
Allondon : Allons donc ! Que vous a-t-il dit ?
Râvi : De toute les aberrations sexuelles, la plus singulière est peut-être la chasteté !
Allondon : C’est ce qu’il vous a dit vraiment ?
Râvi : Comme je m’appelle Schumacher.
Allondon : Il ne vous a dit que cela ?
Râvi : Le reste vous ne le comprendriez pas.
Allondon : Alors ?
Râvi : De coquille en coquille, j’ai décidé après une douzaine de fonder une secte.
Allondon : Oui, la secte des Petits-Gris !

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Allondon : Allons bon ! Qu’est-ce que c’est pour un genre ? Vous pensez gagner des adhérents ?
Râvi : J’ai une partie de la section liégeoise du PS, des catho et même un gros poisson du MR !
Allondon : Que leur dites-vous ?
Râvi : Moi ? Rien ! Je ne fais que répéter ce que me soufflent les Petits-Gris.

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Allondon : De quoi vivez-vous ?
Râvi : Mon cher Jack Allondon – mais est-ce votre vrai nom ? – on dit qu’une secte d’attagènes est en train de naître. Je me demande si vous ne seriez pas un Attagène ?
Allondon : Je ne sais même pas ce qu’est un attagène !
Râvi : C’est un insecte qui fourre son nez dans les laines, dévore les tapis et aime le cachemire !


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Râvi : L’interview est terminée. N’oubliez pas de prier la personne suivante de venir me contempler. Quand vous fermerez la porte vous verrez une boîte à chaussure. Le dernier journaliste qui est venu avant vous m’a piqué mille euros ! Je compte sur vous pour compenser au nom de la corporation.

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19 octobre 2003

Puisque le tabac tue...

…qu’on distribue des clopes gratuites au Gouvernement !

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Depuis qu’on a une Commission de l’éthique et des libertés, l’Etat n’a jamais tant mis son nez dans les affaires privées.
Je passe sur « l’enquête » quand un vieux belge épouse une jeune russe, presque la même du temps de la prise d’adultère ; sur les questionnaires à remplir pour émarger aux caisses du chômage ou du CPAS, un vrai déballage sur l’état de nécessité. Maintenant l’Etat s’attaque aux fumeurs, comme si fumer une clope le regardait, lui, du haut de sa rue de la Loi et de la Constitution du Peuple belge !
Depuis quand la démocratie nous dit ce qu’on doit faire, chez soi, dans son lit ou ailleurs, ce qu’on boit, ce qu’on mange et surtout ce qu’on fume ?
Les grandes consciences ont fait leur boulot en nous répétant à longueur de journée que fumer donne le cancer. Bon. On n’est pas sourd !
Qu’ont-elles besoin de retirer de la bouche « la blonde » que le fumeur était en train d’allumer ?
Cela ne serait rien, si elles ne le faisaient pas en comptant, par ailleurs, sur les rentrées supplémentaires des taxes sur le tabac !
Le comble, c’est la pub sur le coût social de tous ces fumeurs en phase terminale du cancer des poumons ! Moi, qui ne fume pas, je trouve cela gonflé. Ce coût n’est-il pas largement financé par les milliards que l’état met dans sa poche et qui proviennent directement de celles des fumeurs ? Que fait-il de cet argent ? Si j’étais fumeur, je me permettrais d’aller le lui demander. Peut-être qu’avec ce fric facilement gagné, l’Etat finance-t-il quelques grands travaux qui mettront à portée des poumons des citoyens des autoroutes dont les gaz d’échappement produiront des cancers d’une autre espèce ?
Qui a déterminé que la cigarette était l’ennemie numéro une de la bonne santé des Belges ?
Et l’alcool, alors ?
Au moment où l’on dépénalise l’usage personnel du cannabis, est-on certain que cette herbe-là est meilleure pour la santé que la plante à Nicot ?
D’accord fumer tue à longue échéance, mais la grande bouffe aussi. Les matières grasses tuent plus que le tabac. Combien de mort par excès de cholestérol, de durcissement des artères ?
Et le travail ?
Combien de morts par an en direct sur les chantiers, dans les usines, sans compter les dépressions nerveuses, les mutilations, etc.
On voit l’absurdité d’une campagne contre un seul « ennemi ».
D’autant que cette campagne n’a dissuadé aucun jeune de fumer. Et c’est cela le drame. Cette publicité est tellement agressive – il n’y a qu’à voir les paquets de clopes aujourd’hui – que par esprit de révolte les jeunes fument par défi, que les marchands de tabac dépriment et ne sont pas loin de se prendre pour des assassins.

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Dans cette folie de la santé qui s’est emparée des milieux médicaux et sociaux, on oublie que la cigarette est souvent en cas de dépression le seul dérivatif au désir de mourir.
Combien de « ma dernière cigarette » a empêché les suicidaires de mettre fin à leurs jours ? Les médecins des hôpitaux et ceux des asiles psychiatriques le savent bien que fumer permet de calmer les patients. Or, la plupart des malades internés sont démunis, comment voulez-vous qu’ils aient à portée de mains leur dernier plaisir quand le paquet de cigarettes est hors de prix ?
Alors, que l’Etat se contente de nous racketter tous azimuts, comme il l’a toujours fait, pour ses budgets déficitaires et qu’il nous fiche la paix pour le reste.
Ou alors qu’il aille jusqu’au bout, qu’il interdise tout ce qui est nuisible à la santé. Si je vous disais que lorsque je vois Louis Michel à la télévision, j’attrape des boutons, pour moi, il conviendrait de l’interdire d’antenne en premier lieu. Il y va de ma santé.
Et puisqu’on en est aux recettes de longévité, il n’est pas sûr du tout que si vous ne fumez pas, que vous ne mangez plus que des feuilles de laitue, que vous ne faites plus l’amour et que vous ne buvez plus que de l’eau claire, que vous vivrez cent ans. Il y a beaucoup de chance, au contraire, que la vie vous paraîtra d’une telle fadeur que vous finirez neurasthénique et mort avant l’âge.

18 octobre 2003

Manu... faut plus "cueillir" les Petits Gris !

Je suis comme toi, mon vieux Manu. Je n’en ai rien à foutre du travail, de la société, des responsabilités, etc.
On est à peu près dix mecs sur vingt dans le cas. Le reste ça se partage entre les faux culs, les obséquieux, les pères la morale et les imbéciles.
Seulement voilà, le machin démocrate-du-chose pour faire turbiner le pauvre, il a un truc, mais c’est le bon. Si tu bosses pas, t’as pas droit à bouffer. C’est quand même l’essentiel pour survivre ? Sans compter les petites gâteries, le toit qu’est jamais à toi puisque si tu paies pas au proprio ou à l’Etat l’accès au bonheur, tu te fais éjecter vite fait, même si c’est avec les sous de ta famille que t’es sur ton tas de briques.
Y a que les riches qui sont des proprios nés et qui peuvent dire, avec le coffiot que j’ai à la Générale, je peux vivre mille ans sans rien foutre. Mais comme ils sont prudents, les riches, i’ se disent, ouais mille ans, c’est déjà ça, mais après ? Alors, i’ r’partent pour un deuxième millénaire…
Tu me diras, on peut pointer, se faire porter pâle ou glander dans les CPAS.
Pour ça faut mordre sur sa chique.

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Le pou qu’est derrière le guichet, qu’est là à perpète, i’ t’en veut au départ que t’as qu’à arriver pour toucher de la tune, alors i’ fait son genre mépris à la feignasse.
Au CPAS, c’est pire. Faut pas glander avec des airs, une façon de sortir de la librairie avec un bouquin de Vladimir Jankélévitch, de le prendre de haut, parce que là, tu vas souffrir. Non, faut justifier ta demande par avoir l’air idiot, complètement retourné, inaudible dans tes explications, parce que l’ordure qu’a le cul sur le chauffage central, les déchets le rassurent. Ton ignominie justifie ta demande, en quelque sorte. Si tu pouvais boiter un peu, arranger ta chemise pour bien lui montrer que t’as un bras plus long que l’autre, ce serait imparable, tu serais réglo.
Si bosser c’est dur, si tendre la main, c’est humiliant, faut choisir l’entourloupe.
Je sais t’as le rayon au-dessus, le braquage. Quoique assez pimentée, l’action de cette manière, non seulement c’est encore travailler, mais en plus, c’est risqué. Puis toi qu’aimes pas le sport… si tu savais les courettes… On se reçoit mal. On s’écorche… Les flics sont grossiers avec ce genre de travailleurs. L’opprobre qui va te suivre sur ton casier, tu t’en fous… mais tu peux en prendre plein la gueule, pour pas un rond.
Les voyous qui rangent l’artillerie, fortune faite, sont pas légion. Pour faire grande pointure respectée, c’est du boulot. Note, que dans le registre col blanc, t’en as qui ne dérouillent pas et pour qui on déroule les tapis. Mais, là, c’est de la dentelle, t’entres dans le gotha, la crème. Regarde aux actus et dans les forces vives, t’en verras des caïds aux honneurs, les médailles, les Académies, tout... Un seul ennui, c’est que le reste de tes jours faudra que tu fasses la gueule avec les proches, que tu en remettes une couche sur les déclarations de Jean-Paul II, bref, c’est rien moins que de l’impro. Puis faut que tu te croises avec une famille au dessus de tous soupçons, à te farcir l’héritière… C’est pas rien. Et son gniard qui pourrait bien être le tien, tu te retrouves pas dans ses gènes…
Donc, condamné dans les bas quartiers à une vie honnête, t’as plus que l’embrouille. T’achètes un paquet de clopes aux Sénégalais que tu revends avec un bénef de 50 centimes.
Ou alors, tu te démerdes pour devenir le gourou d’une secte.
En ce moment, ça marche fort.
Les gens qu’on déboussole au boulot, dans la vie, aux infos, quand leurs chouchoutes se font la malle ou quand le dirlo veut plus voir leurs sales gueules, à quoi veux-tu qu’i s’raccochent, mais à des machins moins foireux que leur existence !
Dieu, c’est trop grandiloquent. L’autre dans ces rideaux sous la nef médiévale qui sort d’une petite boîte sur une table des objets en or, qui les agite pour bonir d’une voix de fausset des idioties que t’entends chez les scouts, c’est pas pour les pauvres. Dans un truc où t’apprends qu’à obéir et fermer ta gueule, ça n’a jamais été pour les pauvres.
Alors, qu’est-ce que tu fais ? Tu vas chez un mec, parfois encore plus étrange, mais qu’est là pour te bonir ses conneries qui sont faites sur mesure pour te rassurer. T’as plus le feu du ciel, la colère de Dieu, t’as qu’un mec qui te raconte des couilles et qui n’as qu’une idée en tête prendre ton poignon si tu en as, ta femme si elle est baisable et même ton cul si c’est un gourou de la jaquette.
C’est un monde où l’abuseur est si proche du con, que le con peut pas résister.
Puis, gourou, c’est pas un boulot, c’est de la poésie. Tu inventes au fur et à mesure… que t’as joué à la belote avec Dieu, que c’est pas ce qu’on croit, que t’es à fifty-fifty dans les apparitions, les martiens, les boules de feu, les planètes où c’est l’homme qu’est enceint et la femme qui lui tape la tronche.
L’autre devant ton charre, tu lui rends service. Il attend que ça l’autre… Il attend de décoller vers du chromé alors qu’il est dans la merde. L’illusion rattrape la réalité. Ton client y croit ! Sa vie s’améliore. Il reprend confiance. Il aime enfin sur cette terre de pourris. Et si t’as bien baratiné, t’auras tes 50 balles dans la boîte à chaussure qui se trouve dans l’entrée et où chacun peut donner ce qu’i’ veut.
Voilà mon pote, mon cher Manu comment pas trop s’emmerder sur cette putain de boule ronde.
Si je te disais que moi, j’en ai vu des extra-terrestres, comme je te vois ?
C’est pas comme tu crois. Ils étaient minuscules. Ils m’ont dit qu’ils avaient l’intention de passer inaperçus pour mieux nous étudier. Qu’après, ils changeraient de peau… qu’ils prendraient des formes.
Tu veux que je te dise, mais c’est un secret, fais gaffe de plus cueillir les petits gris en ce moment. Oui, les escargots sur les feuilles d’automne. Voilà tu sais tout. Les petits gris sont parmi nous.
Celui qui m’a causé, c’était pas un chef, mais quand même, il m’a donné une mission. Je dois créer une secte à leur dévotion, prête pour le jour… Enfin, tu m’as compris.
Il m’a dit aussi avant de rejoindre ses camarades que lorsqu’ils auraient toutes nos coordonnées, ce qui ne saurait tarder, ils se transformeraient en bites géantes, des machins de 3 mètres de haut, avec des petits gobelets autour des couilles, pour régénérer la race humaine, afin que les femmes viennent s’y abreuver.

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Il est parti trop vite. Juste comme j’allais lui dire que c’est pas à la turlute qu’on se régénère, mais à la jatte in the baba.
Je vais cet aprèm au parc de Cointe… des fois qu’il y en aurait un qui traîne sur les parterres fleuris.
Si tu veux, quand ma secte tournera, je peux te faire des prix sur les messages des petits gris. Tu verras, ça me bouleverse moi-même.
A propos, si tu connais des jeunes filles qui seraient intéressées à un voyage en soucoupe, tu sais où me trouver.

17 octobre 2003

Bravo l’artiste.

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François Béranger

Nous allons laisser les apologues des grandes gazettes tresser des couronnes de laurier au professeur Léon Schwartzenberg, le bouillant médecin cancérologue mort à 79 ans de la maladie contre laquelle il a lutté toute sa vie au service des autres, afin d’écrire quelques mots d’amitié à un chanteur peu connu et que nous avons rencontré en 1979, à Liège, dans la cour des Usines Mangé où il était venu gracieusement soutenir les grévistes en donnant un petit concert, François Béranger.
C’était un petit homme vif avec une voix étonnamment forte, qui vécut loin du show-biz et des vedettariats, tout en ayant écrit des chansons dont certaines sont encore dans nos têtes : Mamadou m’a dit, Natacha, Départementale 26, le Tango de l’ennui, etc.
Passé la trentaine en mai 68, il ne s’est jamais rangé des voitures depuis. Tandis que d’autres réussissaient dans la guimauve avec moins de talent que lui, il poursuivit sa route dans sa lutte sans cesse à refaire contre le racisme, la bêtise bourgeoise et en exaltant la dignité que l’on doit à tout homme, de n’importe quel pays, de n’importe quelle couleur, comme dirait Bernard Lavilliers dont il avait l’estime.
Alors que tous les chanteurs font de la promo à chaque album, lui n’en faisait vraiment pas assez. Réfugié à Sauve dans le Gard, il préférait vivre discrètement près des gens.
Il avait de qui tenir, son père syndicaliste à Billancourt, sera députe de la Nièvre de 1945 à 1952. Sa mère est couturière chez elle. En 1954, il devient ouvrier chez Renault. Quatre années plus tard, il fait son service militaire en Algérie où il est témoin des exactions de l’Armée française. Cette période noire sera pour lui un souvenir qui l’empêchera de flancher. Quand d’autres passent au tiroir caisse en chantant des bluettes, lui dira son amour des pauvres, des étrangers, des mal aimés.
Démobilisé, il fera des petits boulots parallèlement à sa vocation.
C’est lui avec Dick Annegarn, Maxime Leforestier et Catherine Ribeiro qui mettent au point des tournées à prix réduits.

J’aime particilièrement le texte où il raconte sa vie.

Je suis né dans un p’tit village
Qu’à un nom pas du tout commun
Bien sûr entouré de bocage
C’est le village de St Martin
A peine j’ai cinq ans qu’on m’emmène
Avec ma mère et mes frangins
Mon père pense qu’y aura du turbin
Dans la ville où coule la Seine

{Refrain:}
J’en suis encore à m’demander
Après tant et tant d’années
A quoi ça sert de vivre et tout
A quoi ça sert en bref d’être né

Bref, un chic type, un militant modeste, un artiste sensible, assez pour remplir une vie.
Bravo l’artiste.

16 octobre 2003

L’amour à l’ancienne, c’est comme les pâtes sans parmesan.

Naïfs, les Romains du temps d’Ovide !
De quoi faire mourir de rire toute l’Italie qu’on voit de l’espace tel un sexe dressé.
Qu’est-ce qu’on nous a mis l’eau à la bouche avec les bacchanales et les manières de Lucullus ! Voilà des gens qui savaient vivre, disent les libidineux. Quelle honte reprennent en chœur les disciples chrétiens de ceux qui étaient tapis dans les catacombes (en attendant que Jean-Paul II circulent via Appia sur roulement à billes en bénissant tout le monde en vingt-six langues).
Et ces empereurs fous ! Caligula et son cheval, Héliogabale champion de la jaquette, pour finir avec Néron jouant de la lyre en craquant ses allumettes.
Ils n’y entendent rien, les uns et les autres.
Ah ! que n’ont-ils eu le NET et zapper sur « Sex » (sans E c’est mieux, on a tous les anglophones sur le même circuit.)
En vieille maquerelle, voilà ce que Ovide donnait comme conseil à ses jeunes gens, à n’en pas douter, le bâton modèle sergent de ville sous le péplum, tant il se croyait audacieux sans avoir lu Pierre Louys dans ses masturbations de Bilitis !
Cela se passe au lit. Vous imaginez une situation scabreuse, vous n’y êtes pas.
Les chevaliers romains vivaient couchés, pour dormir et pour manger : la table à gauche, le vomitorium à droite. Personne ne sait dans quelle position ils faisaient l’amour. Peut-être que les premiers chrétiens aidant, ils connaissaient déjà la position du missionnaire.
Ils avaient sans doute lu « L’art d’aimer » d’Ovide. Pas de chance ! Ovide est le seul Italien de la péninsule depuis deux mille ans qui ne connaisse rien aux femmes. Sans doute est-ce la raison pour laquelle il aimait donner des conseils.
« Lors donc que devant toi seront servis les présents de Bacchus, si une femme est ta voisine sur le lit de table, prie le dieu de la nuit de ne pas permettre que le vin te porte à la tête. Alors tu pourras, à mots couverts, dire mille choses que ta voisine sentira dites pour elle, tracer discrètement de tendres signes avec un peu de vin, pour quelle lise sur la table qu’elle est maîtresse de ton cœur, et la fixer dans les yeux avec des yeux qui avouent ta flamme. Souvent un visage muet a une voix et un verbe éloquent… »
J’arrête la citation, parce que Ovide en fait des tonnes, rien que pour arriver à boire dans la même coupe que sa voisine de lit.

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Sur les conseils du maître l’apprenti dragueur simulera l’ivresse afin de lancer quelques vannes plus hardies. En latin, c’est la même chose « Ebrietas, ut uera nocet, sic ficta iuuabit. » mais en plus court.
L’impétrant souhaite à chaque libation bonne santé à celle qu’il aime. Bon prince, bonne santé à son amant aussi, tout en souhaitant intérieurement sa mort. Ah ! c’est ainsi qu’ils étaient les anciens : l’amour avec la dame et la ciguë pour l’amant. (Là, rien n’a changé.)

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J’aime autant dire qu’aujourd’hui un Italien qui se trouverait dans un lit avec une dame et qui se conduirait comme un élève d’Ovide serait tout de suite déchu de sa nationalité et prié d’aller se faire voir chez les Grecs !

15 octobre 2003

Le ménage a été fait !

A la suite de l’orage électronique une grande partie des archives s’était fait la malle. Après d’interminables recherches des chroniques ont été remises aux archives, hélas sans les photos et avec un décalage de quelques jours par rapport aux dossiers sur Google ou Yahoo.
Il faudra encore un certain temps pour les retrouver sur le NET.
Avec mes regrets.
Richard.

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La méthode Chalamov.

Les journaux occidentaux exhument de temps à autre des écrivains russes qui ont souffert de l’oppression stalinienne. Aucune traduction en français ne nous les fit connaître au moment de la première publication. C’est le cas aujourd’hui de Varlam Chalamov.
On aura assez décrit les goulags, les exécutions sommaires et toutes les horreurs d’un arbitraire, d’autant meurtrier qu’il se commettait au nom du peuple, pour ne pas parler de l’œuvre de Chalamov en elle-même, remarquable en tous points, précise comme une leçon d’anatomie ; mais, pour lui préférer un parallèle entre les écrivains russes sous le régime communiste et les écrivains occidentaux d’aujourd’hui.
Chalamov, pestiféré à Moscou, réussit néanmoins à publier clandestinement. Ses écrits lui échappant, c’est hors de son contrôle que circula son travail qui parvint à Londres en 1978. En pleine guerre froide, c’était du pain bénit pour la propagande occidentale. Peu importe si, ce faisant, on plaçait Chalamov dans le collimateur des successeurs de Staline. En effet, son œuvre n’est pas traduite en Anglais, mais en russe et est destinée à repasser le rideau de fer, aux fins de propagande. Le pauvre en mourra quatre ans plus tard dans un hôpital psychiatrique, une forme pernicieuse du goulag. Cette complicité d’assassinat des éditeurs londoniens a bien failli réussir aussi pour Pasternak et Soljenitsyne qui ont été à deux doigts d’être fusillés, avant d’être expulsés.
Ce sont les mêmes charognards, avec les mêmes principes, qui décident toujours des publications en Angleterre comme en France. Comme il n’y a plus de rivalité entre deux systèmes et que la boutique a définitivement – tout au moins en Occident – triomphé des systèmes totalitaires,
c’est donc au nom de la rentabilité que sont choisis les écrivains qui « méritent » la publication.
Inutile de souligner que parmi les publiés se comptent pour la moitié, des personnages de la jet set, des médias et des stars de toute nature qui n’ont apparemment aucun don pour l’écriture et dont le seul avantage est d’être connus ailleurs que dans les bouquineries, comme en URSS où tout laudateur du système se voyait honoré et d’office intégré dans la Société des Auteurs.

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Ce lamentable inventaire du talent, à une époque si gourmande en déclarations sur les perspectives de l’art, ne peut se faire qu’avec la complicité des pouvoirs publics, rideau de fer ou pas.
Combien de concours bidonnés, de choix discriminatoires et enfin d’aides substantielles à des gredins des lettres ne commet-on pas ?
Les pouvoirs publics servent ainsi servilement la soupe à tous les comptoirs avec l’argent du contribuable.
N’aurait-on pas pu à Liège, pour évoquer un cas précis, faire autre chose avec l’argent dépensé pour l’année Simenon que servir à multiplier les ventes de Gallimard ?
Parfois, pour des raisons obscures, de hasard ou de machiavélisme, une œuvre majeure échappe à la vigilance des comités de lecture et est publiée, souvent sans que l’éditeur y croie vraiment. Et si au fil du temps, cette œuvre prend de l’ampleur, on voit le même éditeur jurer partout qu’il l’avait pressenti !
C’est presque uniquement aux « bourdes » des marchands et de nos esthètes officiels que nous devons nos principaux chefs-d’œuvre aujourd’hui.
Nos fonctionnaires de mèche avec les éditeurs n’ont pas besoin de la méthode Chalamov. Ici inutile de mettre les gêneurs au cabanon. Il y a un meilleur moyen de les faire taire : les ignorer !

14 octobre 2003

Visite guidée

Devant vous, les vestiges du château de Belletige. Les plus complets du département. Ils ont été dispersés sur deux hectares par la société d’autoroute chargée de le raser.
A la demande de plusieurs maires, les décombres ont été transportés en contrebas et rassemblés par tas. Par exemple, le tas de pierres à droite c’est l’ancienne salle d’armes, et celui-là, en haut à gauche, c’est la grande salle à manger néo-gothique.
Un peu d’histoire. Par ici, s’il vous plaît.

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Bâti en 1242 par Hugues de Belletige dit Coupe-en-deux, le château n’était à l’origine qu’une tour où se réfugiaient les premiers comtes après chaque pillage. Incendié en 1435, il fut reconstruit par Sigebert de Sanchaud qui compléta la garnison de ses bâtards. Rasé sous la terreur, il fut réédifié par Charme de Scène-Aimable, une danseuse parisienne, en 1833, qui en fit une demeure champêtre où, paraît-il séjourna Alfred de Musset.

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Mais le château allait connaître d’autres vicissitudes. Transformé en poudrière, par un Suisse d’origine allemande, Aoch von Boum, il explosa à la guerre de 1870. A celle de 14, comme il n’en restait rien, la famille de Jean Foin, fermier, y sema des topinambours, à l’emplacement de la bretelle de l’A10, que vous voyez derrière les sapins du fond. Reconstruit en 1920 par la vicomtesse Annette de Mouillenpine, il connut des jours sombres en 1939 à la suite de la décision du ministère de la Guerre d’en faire un dépôt de bicyclettes pour la nouvelle division Eclair à déplacement rapide, chargée de prendre l’ennemi à revers et qui, hélas, ne vit jamais le jour après la progression rapide des blindés de Guderian. Dégradé par l’occupant nazi, il fut à nouveau reconstruit, en béton cette fois, d’après les plans de 1833 pour en faire un lieu de détente des Armées Leclerc. Fermé par la loi Marthe-Richard après la guerre, la famille Jean Foin acquérait le domaine et transformait le château en étables et remises.
Racheté par le promoteur immobilier, Samuel Groprofi, il y a 5 ans, il était immédiatement exproprié par l’Etat pour le projet d’autoroute dont vous voyez le résultat sous vos yeux.
Maintenant, si vous voulez me suivre, un petit itinéraire à travers les ruines.
Le tas plomberie a conservé quelques faïences de différentes époques, cela va de l’assiette en terre avec le contour des fesses d’Arnaud de Belletige qui date de 1580, au vase Bosh, entreprise qui a malheureusement disparu, il n’y a pas longtemps. Quelques tuyaux en galvanisé et une pipe en plomb du temps d’Annette de Mouillenpine complètent le tas.
Le tas de tuiles n’a pas encore été inventorié. Il semble que la famille Jean Foin y ait déposé illégalement les siennes.
A la sortie je vous recommande le petit musée avec le célèbre Piquandou, le vin des coteaux, apprécié des militaires de la Grande Guerre.
Dans la dernière salle vous verrez une belle collection de dentelles en points de croix de Germaine Gobillé, doyenne du village, sur le thème de la Vierge Marie et enfin la généalogie de Jean Foin plus ancienne que celle des Belletige.

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La visite Les heures glorieuses de Belletige est terminée. J’espère qu’elle vous aura plu. Tous les dimanches de juillet, nous organisons un Son et lumière avec accompagnement musical d’accordéon.
La visite du parc est facultative. Elle s’étend de part et d’autre de l’autoroute. Le tunnel qui joint les deux parties est privé.
Pour ce qui me concerne, guide bénévole, je m’en remets à vous pour la pièce d’usage. Passez le tourniquet, à droite le musée et la buvette juste devant, vous ne pouvez pas vous tromper, c’est là qu’il y a le plus de monde. Le Piquandou se prend avec un morceau de merdoillon de chèvre de nos coteaux.

13 octobre 2003

Sans prétention

Croire que les autres donnent de l’importance aux petits riens d’un diariste électronique va à rebours du titre de cette chronique.
Les coups de blues sur le NET ont autant de valeur que l’avis de la ménagère de moins de cinquante ans sur un paquet de lessive.

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Liues Narf est une adorable beurette qui porte la minijupe avec des talons de 10 cm. Elle fait une licence dans quelque chose comme l’Histoire de l’Art. Dans sa détermination à réussir, elle squatte le musée Guimet dont elle connaît les gardiens. Son adorable petit minois de vingt cinq ans se frotte à qui lui donne des sucres d’orge. C’est ainsi qu’elle descend parfois à Bordeaux pour une relation avec un bonhomme qu’elle aime le jour de l’arrivée et déteste le jour du départ.
La fenêtre de la charmante donne sur une cour où chantent les oiseaux qu’accompagnent les mobiles, au-dessus de son lit, animés au moindre souffle.

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Liues est née sur une île des mers du Sud. Mais sa nostalgie ne s’exprime pas à Paris plage. Elle se déchausse pour marcher sur le sable blanc de Monsieur Delanoë. Seule l’évocation de l’Inde la trouble. Comme toutes les jeunes femmes, elle a le « voyage-voyage » dans le sang.
Sa vie est compliquée entre un mari qui n’en est plus un et des amants qui ne comprennent pas comment elle cohabite avec son ex.
Elle écrit sur ses états d’âme avec la fragilité de plume de France Adine et la logique de la Comtesse Rostopchine.
Sans aventure réellement angoissante, elle aime se faire peur. Alors, elle raconte sa petite enfance à sa manière. Un grand méchant loup l’aurait bien dévorée, comme il avait dévoré sa sœur, dans une famille mixte où les képis accrochés aux patères donnaient du lieu l’image d’un corps de garde, si la mauvaise action de l’animal n’avait été sanctionnée par le lapin d’Alice. Le loup aux trois ficelles devint si minuscule qu’il s’enterra lui-même en tombant dans le tunnel béant d’une fourmilière!
Liues se défit de son petit capital miraculeusement intact à quinze ans. On protège la chose comme le bien le plus précieux pour s’en débarrasser dans le lit du premier imbécile venu.
Nous échangeâmes quelques chaleureux courriers, profus de part et d’autre. Ce fut un assaut épistolaire où chacun voulut avoir le dernier mot.
Après un mois d’échange, il me sembla bien la connaître. Je voulus l’inviter à déjeuner. Comme il m’arrivait parfois de loger chez une amie à Nanterre, cela m’était facile.
Liues se referma comme une huître. L’enchantement avait disparu, et pour cause, elle n’existait que pour un vieux prof qui lui pinçait les fesses dans les couloirs de la Sorbonne, deux ou trois hommes du quartier et un potache de la maison créole…
Tout plumitif est abstrait. La preuve, en dix ans de liaison, la correspondance de Flaubert a-t-elle permis au grand homme de faire plus qu’une fois tous les trimestres l’amour avec Louise Colet ?
Non. Au contraire. Leurs disputes les plus réussies furent distribuées par courrier.
Méfiance, danger encouru, mystère. Je n’entendis plus parler de Liues.
De temps en temps, je feuillette son blog pour savoir si elle est en bonne santé. La caille margotte toujours avec entrain.

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Que pense Liues de la vie, de l’amour, de la mort ? On sort des séances de bavardage en ne sachant rien. Est-elle de gauche, de droite ? Qu’évoque pour elle le système capitaliste ?
A part le béret du Che dont elle se pare quand il pleut, que sait-elle de lui ?
Serait-elle comme beaucoup de parisiennes, une handicapée de l’âme ?
« Que sont mes amis devenus ? » se lamente-t-elle dans son dernier opus. Comme si elle ne le savait pas !

12 octobre 2003

Irrésistiblement Liège !

Et lacrimæ prosunt (les larmes également sont utiles)
Je ne me défilerai pas.
On ne peut écrire sur le passé récent de Liège sans évoquer les trente années de dévastation de la place Saint-Lambert par des mégalomanes du béton, des promoteurs et des spéculateurs immobiliers.
Il se trouvera bien un jour des historiens du XXme siècle qui fouilleront dans les archives.
Quelles ont été les démolitions prioritaires, les premiers bénéficiaires des expropriations et quels étaient les enjeux pour que des bâtiments classés, des vestiges archéologiques répertoriés et enfin un magnifique théâtre à l’italienne aient été rasés dans les années 70 ?
C’est à la portée des documentalistes d’ouvrir les dossiers.
L’essentiel du programme de destruction fut élaboré entre 1965 et 1970, lors du maïorat de Maurice Destenay (1963-1973).
Je laisse la conclusion aux experts.
Les cicatrices sont en parties en voie de résorption. Quelques blessures encore à vif : côté Tivoli, et gare du Palais. En souhaitant que des Associations accrochées à la mémoire de Liège lâchent les basketts de ceux qui y travaillent, afin de permettre à la génération 2000 d’en sortir.
Cette entrée en matière pour remarquer que le début du déclin de Liège date des grands travaux au centre ville.
Liège avec sa périphérie a toujours été de gauche, par tempérament et parce que le bassin a été avant tout l’aventure de la transformation de la fonte et qu’une tradition ouvrière vient de là.
Si le déclin liégeois fut en partie freiné, on le doit à l’action socialiste. Aux grandes pointures du parti sortis du creuset liégeois.
A la veille du procès des assassins d’André Cools, c’est l’occasion d’écrire que, s’il y a un socialiste qui a lutté contre le déclin de Liège, c’est bien lui.
Sa stature dépassait Liège pour inclure toute la Wallonie et finir, au boulevard de l’Empereur, par en imposer à Bruxelles.
André Cools en démissionnant de la présidence du PS, a déplacé vers Ath et André Spitaels les centres d’intérêt et d’influence. Ils sont à Mons aujourd’hui et les Montois ne s’en plaindront pas.
Cela n’a l’air de rien, mais c’est à partir de ce déplacement que le déclin liégeois s’est accéléré.
Les décisions qui auraient pu conduire à donner de l’oxygène à Liège ont été prises pour d’autres et par d’autres que des Liégeois. Ce qui ne veut pas dire que les bénéficiaires borains et montois n’avaient aucun droit à faire valoir. C’est seulement le constat d’un pouvoir qui s’en est allé..
Si bien qu’au lieu d’espérer être le pool commercial d’une Wallonie active, au lieu d’être un nœud ferroviaire important et un des premiers ports fluviaux d’Europe, c’est toute l’infrastructure Vertbois qui se languit, c’est le Thalys qui risque de ne plus s’arrêter à la nouvelle gare des Guillemins, c’est enfin tous les projets en panne qui attendent des décideurs tenus par la manche pour d’autres villes et d’autres tâches ! (Voir Proxi-Liège de la semaine dernière)
Le constat est amer. Il n’y a plus de grandes pointures à la manière d’André Cools à Liège !
Les socialistes liégeois sont comme les abeilles d’une ruche qui auraient perdu leur reine et dont les nymphes sont encore loin de la maturité.
Dix ans après la mort d’André Cools sa perte est toujours ressentie avec une force qui se traduit par un affaissement du rayonnement extérieur de la Principauté. On a appris à se passer des Liégeois, comme s’ils n’existaient plus, aussi bien à Namur, qu’à Mons et à Bruxelles.
Peut-on rester neutre quand des forces d’une « bienveillance douteuse » nous assiègent ?
Sincèrement, je ne le crois pas.
Il n’y aurait donc plus personne à Liège capable de relever le défi ?
En regardant du côté de la Violette, je vois un homme jeune, qui aime sa ville et dont la stature prend d’année en année une dimension qui dépasse, qu’il le veuille ou non, Liège et sa périphérie. Je veux parler du bourgmestre Willy Demeyer.
C’est un modeste. Il serait le premier surpris s’il lisait ces lignes. C’est pourquoi je peux me permettre de dire ce que je pense, ne roulant pour personne, n’étant que de gauche sans affiliation dans aucun parti.
Au fil du temps, à le voir diriger au mieux une coalition difficile, j’ai acquis la conviction de l’importance de cet homme.
Il peut marcher sur les traces d’André Cools et devenir ce que ce dernier était pour la ville.
N’allez pas croire que j’écris une affiche électorale et que j’entonne la marche des partisans.
Si Didier Reynders avait eu les qualités requises, je me serais exprimé de la même manière pour lui, sans état d’âme.
Je ne suis d’aucun camp, si ce n’est celui de ma ville.
Mais je n’aime pas les enterrements de première classe. Je préfère les fanfares aux marches funèbres. Ce n’est pas la réaction de l’écrivain amer, du critique de la société, c’est celle d’un homme né place Delcour et qui n’a jamais oublié qu’il était Liégeois.
Certes, déplorons la nécessité d’avoir des hommes d’influence dans une démocratie fort peu évoluée. Mais, c’est ainsi et nul n’y peut rien. Quand quelqu’un se noie, on ne brandit pas l’Esprit des Lois pour lui faire la respiration artificielle.
Ce n’est pas le moment de faire la fine bouche, mais de trouver vite fait un général, sans baragouiner et sans état d’âme.
Et je me fous de ce qu’on peut penser de moi.
Il faut faire vite. Chaque jour qui passe voit une déperdition de nos valeurs.
Pour une fois que je cite un nom sans le vilipender, que celui qui n’a jamais senti l’urgence de la situation me lance la première pierre.
Maïeur, c’est à vous de dire…

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11 octobre 2003

Voyage... Voyage...

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Qu’est-ce qui fait courir les gens ?
Ce besoin d’aller voir ceux qui ont la tête en bas ?
Si les épicéas sont plus verts au Nord ?
S’il est vrai que les rameaux de sassafras frémissent au vent ?
Si les femmes de l’hémisphère Sud ont le nombril qui tourne à gauche ?
Moi, quand il m’arrive de voyager, à peine suis-je parti que je m’ennuie.
Loin de mon cher Saint-Simon, de mon habitude à lire deux pages de « Mort à crédit » ou « D’un château l’autre » quand les soucis m’accablent, de feuilleter « Le Monde » en mangeant un croissant, la plage me détruit.
Les Villes d’art ? Bon, il y a Florence. Les Offices… et après ?
Sur la piazza della Signora on photographie le faux David, le vrai est au musée de l’Académie.
Quand on l’a vu une fois… C’est comme la statue de Charlemagne au boulevard d’Avroy. Non, c’est un mauvais exemple…
Je connais une nana qui a plaqué son bonhomme parce qu’il n’a pas été fichu de forcer la porte de l’atelier des pierres dures à Florence, pour s’en aller triomphante claironner à tout le monde qu’au bras de Luigi c’était plus facile, l’année suivante ! Voyage… voyage… A l’Hôtel Arno on l’entendait depuis l’autre rive gueuler toute la nuit : au moins celui-là, il en a une « a commesso » !
Toutes les Villes d’art ont un point commun : l’ancien. Je n’ai rien contre, d’autant que l’art moderne, c’est pire. New-York, Broadway, la nuit, c’est la foire d’octobre en hauteur, à vomir. Il n’y a que Woody pour trouver de la poésie au pont de Manhattam.
Un livre chez vous bien relié avec de belles photos, Florence, Rome ou Naples, c’est mieux.
Surtout quand vous connaissez ces villes exactement comme le photographe, alors que vous n’avez pas été foutu de jeter un regard ailleurs, sauf si votre hôtel n’était pas au Ponte Vecchio, mais au fond d’une ruelle bien loin de la via Lorenzo il Magnifico.
C’est partout pareil. Surtout les paysages. Qu’est-ce qui ressemble plus à la face Nord de l’Eiger que sa face Sud ?
Et des expéditions à préparer pour de ces départs où l’excédant de bagage gâche le plaisir à peine à Zaventem !
Pour les puristes, l’Italie n’est pas assez éloignée. On ne connaît rien si on n’a pas fait Bornéo, les Iles Sous-le-vent, vu les nuages de moustiques de la Casamance ou s’être fait piquer son portefeuille à Baïa do Castello en revenant d’un tour dans le Mato Grosso do Sul.
Je trouve Jacqueline jolie. Elle me parle de Katmandou. Elle devient laide ! Elle tourne son moulin à prières, en me parlant du Dalaï Lama. Je m’endors au 12me enseignement.
Elle déballe ses photos souvenirs sur le lit. C’est une après-midi de fichue !
Je pense à Georgette si formidable casanière que j’en ai le désir, si elle ne se laissait pas dévorer son temps par ses animaux, sinon comme elle me plairait !
Avez-vous vu le plafond du Théâtre Royal ? Celui du Conservatoire ? …avant de sortir les dernières photos de Hammamet où vous vous êtes ennuyés sans l’oser pouvoir dire ?
Et Zénobe Gramme sur le pont de Fragnée ? De trois quarts, sur le trottoir d’en face, une de ces gueules à jouer des mélos sur la scène du Châtelet ! Tout à fait la statue de Balzac par Rodin, dans le jardin de son musée parisien, devant les portes fenêtres larges ouvertes. Au moins en cinglant vers la boule de cuivre de l’église Saint-Vincent, vous allez éviter les fesses de bronze de Camille Claudel. Et puis pour un Liégeois faire du tourisme à Liège offre l’avantage, quand on en a sa claque, de pantoufler dans la demie heure.

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Si vous n’en avez pas assez de sculptures, de peintures, d’églises romanes, d’art abstrait et de toiles baroques, que vous êtes d’humeur à marcher quelques kilomètres, vous allez vous enfermer dans la spirale du musée de la rue Féronstrée. Vous vous mettez dans la tête que vous êtes une vieille Simca au troisième étage du parking de la place Saint-Paul. Prenez les virages au frein devant les toiles de nos pompiers locaux jusqu’à la sortie. La dernière fois, j’ai mis douze minutes. J’ai dérapé devant Richard Heinz et frôlé ses sapins. A la prochaine, je le fais en onze minutes.
Et les dangers, les attentats, ces touristes gardés dans les déserts, les vêtements en loque, l’aventure quoi ! Cela vous manque à tourner autour de la place du Marché en attendant l’ouverture de l’Eglise Saint-André ?
Jetez-vous dans l’indifférence. Vivez dangereusement.
Choisissez un mancheux qui a des yeux comme ceux d’un scaphandrier, allez vers lui lentement, arrêtez-vous un moment afin de susciter en lui de l’espoir ; puis passez votre chemin, sans vous retourner. Vous allez avoir quelques secondes la frousse de l’invective. Si rien ne se passe, revenez et donnez généreusement au moins un euro. Le frisson mérite cela.
Qui ose prétendre qu’il ne se passe jamais rien en dessous de la rue Saint-Gilles ?
Vous avez le droit de changer de trottoir, d’être saisi par une logorrhée irrépressible ou de boire une bière affalé contre une borne téléphonique (trottoir de droite). Pissez sur le marbre du Tadj Mahal en Inde, pour voir la différence ?
En rentrant chez vous, posez-vous la question de savoir les raisons qui font que tant de Liégeois nous viennent des quatre coins du monde (pour une sphère l’image est hardie) ? Alors, pourquoi iriez-vous glander dans les bleds qu’ils viennent de déserter ? Je mourrai sans avoir mis une semelle dans au moins cent rues de Liège. A quoi bon cueillir l’edelweiss là-haut, si on me l’apporte au bistrot ? L’exploration commence aux confins de la rue Sous-L’Eau. Connaissez-vous le Thier du Bouhay, tas d’incultes, et l’Oasis à son sommet ?
Je n’aime pas les paysages qui me dominent, dit Jules Renard.
Alors, chez vous sans avoir besoin de défaire votre valise, sans risque de vous endormir à la projection de vos propres dias, sans vous gêner en invitant ceux qui reviennent de quelque part et qui non content de vous assommer de leurs récits, finissent par vous décrire à l’avance ce qu’ils vont voir l’année suivante, prenez un livre en évitant les relations de voyage, celui de Stendhal en Italie - hormis le style hors pair - est particulièrement éprouvant, et regardez avec satisfaction la pluie qui frappe la vitre, avant que l’auteur parle de lui. Que peuvent-ils faire d’autre ?
Les voyages autour de ma chambre ont toujours été ceux que je préfère.
J’en ai payé le prix. Mes femmes ont foutu le camp. Une femme pense qu’elle vieillit moins vite d’un ou deux mois par an, juillet et août, quand elle voyage ! Allez lui dire le contraire ?
Et puis c’est la mode. Tant pis si vous faites ringard. Etre le ringard d’un con, il y a du ragoût !
Mes amis qui ont emprunté mes valises, ont préféré rompre notre belle amitié plutôt que de me les rendre !
Mon ami d’enfance, sous peine d’être cocu, vit son cauchemar en juillet. Il croyait s’en être tiré à bon compte, quand il a surpris sa femme dans les filets d’un pêcheur de l’île de Ré où il loue une maison chaque année !
Du coup sa femme lui a interdit de me revoir s’il veut qu’elle lui pardonne de l’avoir trompé !
Vous vous retrouvez moine au Mont Athos dans votre refuge du Mont Saint-Martin à la différence que personne ne vous hissera le panier de bectance une fois par quinzaine. Dommage.
Mais, c’est à ce prix que s’acquiert la sagesse.

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10 octobre 2003

Exclusivité

- Arthur ?
- Ouais !…
- C’est aujourd’hui que Raymond Toului vient nous filmer !
- S’ils n’ont que cela à foutre !... !
- Tu te rends compte ! 25 ans de bonheur sans nuage… l’émission culte !
- Et alors ? C’est pas lui qui m’fera changer de chaussettes…
- On passe juste derrière Place royale, alors faut de la tenue.
- J’en ai rien à foutre de la Place Royale, j’y ai écrit à l’autre quand c’est qu’on fait Place communale ?

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- M’enfin, tu vas pas recommencer, un jour pareil, qu’on va devenir célèb… T’as retenu ton texte ?
- J’vais lui dire au Toului, on ne voit pas assez de jeux, pas assez de feuilletons. Qu’est-ce qu’i’
foutent sans foot dans le poste ? Hein, rien que des choses emmerdantes… Les speakerines ont l’air d’avoir la vérole et les speakerins d’être décoré du travail de la veille…
- En attendant, avec ton beau costume et ta cravate, t’as l’air d’en sortir d’la Place Royale.
- T’as remarqué comme les altesses serrent leurs Jules devant les caméras. Elles te lui mettent une main sur la cuisse en pleine tribune, à un rien de la braguette ! L’autr’ l’ancien, il avait d’la tenue, au moins.
- Veux-tu bien te taire !
- C’est pas lui qu’aurait frouchelé avec une baronne. Pour le reste, c’est toi qui cause. Comme t’as toujours fait sans m’demander mon avis
- Faudra leur raconter notre histoire d’amour ! Comment tu me faisais reluire…
- A partir du début ou quand c’est qu’t’as fugué avec le chauffeur du car ?
- On n’est pas là pour se faire remarquer. On parlera que des moments…
- Des moments ? Mais i’ a que ça dans la vie, des moments. Tiens, prends Toului, il en a eu des moments, quand tu penses qu’i’ s’est marié cinq fois !
- C’est pour se faire valoir qu’on cause dans le poste, quand même, pas pour dire des horreurs. 25 ans de bonheur sans nuage, c’est « l’ordre des choses »…
- T’es pas en train de confondre avec Derrick ?
- Les autres veulent des contes de fée. As-tu pensé aux voisins, à ta nièce ?
- Justement, i’ vont voir tout de suite qu’on raconte des craques.
- Non, non. Laisse toi aller sur ton meilleur. Sur la pub de lancement, on est si beaux, format carte postale, en gondole à Venise !
- Merde ! on aurait dit deux figurants d’une émission de Sébastien !
- Tais-toi. Voilà Raymond Toului, tout beau, tout maquillé ! Il fait plus jeune que dans le poste !
- Ici Raymond Touliu, celui qu’on attend, la cire qui suit le sire, Bonjour ! Chers zauditeurs et chers téléspectateurs. Oui, exceptionnellement nous sommes aussi à la radio sur 125 mgz. Voici Rose et Arthur, 25 ans de bonheur sans nuage… pour votre émission : 25 ans de bonheur sans nuage… Mon Dieu ! qu’ils sont beaux, qu’ils sont jeunes, hihi !... Quelle est votre première impression devant nos millions de téléspectateurs ?…
- Un immense bonheur de penser qu’on va nous voir à la télé, dans notre divan, la main dans la main. Comme on est dans la vie…
- N’avez-vous pas une anecdote ?
- Oui, nous avons toujours su faire front à deux quand nous avons traversé des moments difficiles à tois !
J’ai été la victime d’un séducteur, un jour en Italie. Eh ! bien Arthur a su défendre notre bonheur. Et nous avons gardé le goût des pâtes Panzani…
- Pas de publicité non payante, s’il vous plaît.
- Mais, on m’a dit de le dire…
- Ah ! On me fait signe que c’est bon pour Panzani. Autant pour moi. Rose et Arthur, 25 ans de bonheur sans nuage, les téléspectateurs souhaitent savoir de vous des choses plus intimes, plus personnelles, que vous ne révéleriez même pas en confession.
- Bien voilà, pour les téléspectateurs, ma femme n’a plus ses règles et moi, c’est mou comme un cuberdon, vous le croirez si vous le voulez, depuis qu’elle a changé de marque antifuite, la Kotex, merde, elle a pas changé la Kotex… puisque c’est ça qu’on m’a dit que je devais dire qu’elle se met au cul…. Pardon… Et… on s’entend beaucoup mieux. Je recommande à tous les… la Kotex, grâce à la Kotex, elle mène une vie normale…

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- Merci, Monsieur Arthur, merci… J’espère que les téléspectateurs auront apprécié votre franchise.
C’était 25 ans de bonheur sans nuage à vous les studios. C’était Raymond Toului depuis le domicile de nos tourtereaux. La semaine prochaine le divorce c’est l’enfer, avec la participation exceptionnelle de Monsieur Barclay et Gloria Lasso…. Dit Coco, on n’est plus à l’antenne là ? Bon. La prochaine fois, prends des intermittents. Ces deux vieux cons m’ont bousillé l’émission.

9 octobre 2003

Schwarzi ou la méthode champenoise...

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Faire un commentaire sur le nouveau gouverneur de la Californie ? D’autres que moi le feront sans doute avec plus de pertinence et plus d’informations.
Coureur de jupons ? Novice en politique ?
La belle affaire ! Il y a parmi les présidentiables aux Etats-Unis d’autres hommes politiques des plus fameux qui ont couru la gueuse sans pour autant avoir failli à leur mission.
Il faut être un prédicateur de l’Eglise réformée pour croire qu’un homme politique ne peut pas tromper sa femme avec une stagiaire quand il dirige la Nation.
Non.
Ce qui dérange dans cette élection, c’est ce qu’en disent les Américains qui tiennent un langage aussi vieux que la conquête de l’Ouest.
Voyez, disent-ils, cet homme parti de rien, étranger venu de la vieille Europe, qui ne connaissait pas deux mots d’anglais le jour où il a mis le pied aux Etats-Unis, voyez ce qu’il est devenu. Et D’ajouter : « ça c’est le vrai visage de l’Amérique. On peut être pauvre et réussir ! »
C’est avec ce genre de boniment qu’on attrape toujours les gogos en Europe comme ailleurs.
Non, messieurs, si Schwarzenegger avait été pauvre, jamais il n’aurait pu postuler le poste de gouverneur de la Californie.
Qu’il ait été pauvre, c’est incontestable. Qu’il soit devenu milliardaire, c’est évident.
Mais, il n’y a pas d’exemple d’un black désargenté, d’un blanc modeste balayeur au métro de New York ou d’un récolteur de tabac en Caroline du Sud qui ait été élu membre du Congrès, gouverneur d’un Etat ou Président des Etats-Unis.
S’il y a bien des chasses gardées pour les riches aux USA, ce sont bien les représentations du peuple aux différents niveaux de l’Etat.
Alors qu’on ne raconte pas trop d’histoires sur le self made man qui part de rien et par sa vertu et son courage en met plein la vue aux autres.
Et c’est cela le drame. La réussite dans le concept américain passe par la galette : jeter à pleines poignées or et photos dédicacées, faire de sa campagne un show permanent.
C’est ce qu’a fait Schwarzi et avant lui tous les élus du niveau supérieur.
La réussite aux States, c’est l’argent. Rien que cela.
D’immenses écrivains, des peintres formidables y sont morts dans la pauvreté. Pourtant, ils avaient réussi dans leur profession. Mais, ils avaient un défaut, ils n’avaient pas su monnayer leur talent ! En langage de marketing, cela signifie qu’ils n’avaient pas su se vendre.
Voilà, le mot est lâché. S’il y en a bien un qui a su se vendre, c’est Terminator en personne.
C’est en soi un des drames fondamentaux de la démocratie, à savoir ce vice profond de la méconnaissance des valeurs. Car, celui qui sait se vendre, qui se pousse, qui se met en vue, n’est-ce pas l’archétype du bonimenteur, celui qui peut vendre une voiture ou un aspirateur, mais qui peut vous vendre aussi ?
En Belgique, on n’en est pas encore là. Mais, on y arrive.
Pourquoi y a-t-il tant d’avocats dans les partis, tant de personnages dont leurs professions se concentrent autour des professorats, des professions libérales ou de la haute administration ?
Croit-on sincèrement que ces gens confinés à quelques professions ont la prétention de représenter tout un peuple ?
Ou bien, ce qui est pire, imagine-t-on dans les états-majors de parti qu’en dehors de ces gens, tous les autres sont des imbéciles ?
Le glissement vers la méthode Schwarzi s’effectue depuis un certain temps. Les vedettes de la télé sont sollicitées. Quand on a une belle gueule et qu’on vous a vu dix fois sur RTL ou la RTBF, ça baigne pour décrocher un mandat. On a même vu un syndicaliste retraité accéder au bouton poussoir de la Chambre grâce à la méthode champenoise : agiter, mousser et servir…
Cela ne veut pas dire que ces gens ne valent rien. Mais, cela conforte le sentiment qu’on va vers le système américain.
La dernière étape est celle de cumuler notoriété et argent.
S’il montait à la tête d’un Berlusconi belge, parfaitement inconnu la veille, de devenir premier ministre à la prochaine législature, il y a gros à parier qu’il aurait des chances d’y parvenir.

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Le nouveau gouverneur de la Californie est sur le chemin, après le deuxième mandat de Bush républicain comme lui, de se faire tailler des pipes dans le bureau ovale de la Maison blanche, à l’exemple de Clinton. Quoique l’on prétende dans les milieux informés que son accent autrichien est un vice rédhibitoire. Et puis, manque de pot, Monsieur Univers n’est pas né Américain. De toute manière, la femme de Terminator, Maria Schriver, a de qui tenir pour faire face, comme Hillary avec Bill. N’est-elle pas la nièce de feu John Kennedy ? N’est-elle pas capable, comme les femmes de cette famille, de faire passer la carrière du mari avant ses infortunes conjugales ?

8 octobre 2003

Les archives de Richard

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Renoncer à savoir, sans renoncer à juger ?

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Le procès aux Assises de l’affaire Cools, c’est pour bientôt, sauf rebondissement de dernières minutes. Celui de Dutroux est prévu courant de l’année prochaine.
Deux affaires qui ont secoué la Belgique.
Une similitude entre les deux, les instructions n’ont pas découvert de complot et des complicités en haut lieu pour l’assassinat du « baron » de Flémalle et pas de réseau pédophile commandité par des « huiles » pour le second.
Alors que pour le premier, le clan « Marcel Cools » fils de la victime est persuadé que l’on veut protéger des personnages politiques ; même suspicion vis-à-vis de la Justice et de l’instruction de la part des parents des petites victimes, en cela suivi largement de l’opinion publique et des Comités blancs.
Rares sont les journalistes qui créditent les versions « populistes ». La presse suit en général les thèses officielles, à savoir crime crapuleux perpétré par des voyous pour l’un et crimes d’un pédophile isolé pour l’autre.
Il n’existe pas de presse people en Belgique sinon celle que nous recevons de France et qui souvent joue avec les événements dont elle dispose sans bien connaître les dossiers belges. Nous retrouvons dans les articles qui nous concernent l’opinion populaire en gros, à savoir : suspicion envers la justice cherchant à couvrir des gens pour raison d’Etat.
La Justice au stade de l’instruction en Belgique n’accorde pas les mêmes droits aux victimes qu’aux accusés, à savoir l’accès aux dossiers. Des thèses en présence, personne, honnêtement, ne peut se risquer dans les deux affaires à donner un avis fondé sur des faits et des interrogatoires qui sont – en principe – inaccessibles au public.
La presse ne peut appuyer ses convictions que sur deux éléments, l’un pratique, l’autre spéculatif.
Il y a en premier lieu les fuites, qu’elles émanent du Parquet, des magistrats ou des enquêteurs. Enfin, tout ce qui porte sur la spéculation qui entraîne la conviction.
Le malheur, en Belgique, c’est que l’on veut faire les procès avant ceux qui les instruisent !
Et c’est là que je ne suis pas d’accord avec l’ensemble de la presse « bien pensante ».
Le journaliste est un travailleur intégré dans une société dont il partage en général les valeurs. Qu’on ne vienne pas me dire qu’il existe en Belgique beaucoup de gens du métier qui auraient été capables d’aller jusqu’au bout dans une affaire comme celle du Watergate qui a entraîné la destitution du président Richard Nixon.
Il est donc pour quelqu’un d’impartial aussi peu convainquant de suivre la conviction des journalistes que celle de Marcel Cools ou des parents de Julie et Melissa.
Les références au passé, la raison, la connaissance des hommes, la philosophie pratique, tout nous entraîne à penser comme Jean-Jacques Rousseau lorsqu’il écrit dans des circonstances à peu près les mêmes : « Ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n’entendront jamais rien à aucun des deux ».
Le philosophe Bourdieu reprend deux siècles plus tard l’essence de cette réflexion : « Ceux qui ont opposé au droit magique ou de l’ordalie, un droit rationnel fondé sur la culpabilité et la prévisibilité, oublient que le droit le plus rigoureusement rationalisé n’est jamais qu’un acte de magie sociale qui réussit. »

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Magie sociale qui réussit ? S’il s’avère que la Justice se trompe, soit sciemment, soit inconsciemment, alors on pourrait dire que tous les journalistes qui se sont plantés auront été victimes de la « magie sociale ».
Eh oui ! Il n’y a pas que dans les romans ou dans la politique fiction qu’une société basculerait à ses échelons supérieurs dans le crime et les dérèglements moraux.
Mais cette éventualité-là est impensable dans le concept d’une éducation bourgeoise dont les journalistes et les magistrats sont abondamment pourvus.
Etrangement contradictoires sont le principe de la démocratie au suffrage universel et l’opinion publique, celle du plus grand nombre ou il s’en faut de peu.
Les Lois nous disent que c’est le peuple qui est souverain. La réalité nous oblige au constat que l’opinion du peuple a toujours compté pour peu. Or, s’il y a bien un domaine où l’opinion publique n’est pas suivie par nos grands démocrates, c’est bien dans la piètre estime, pour ne pas dire pire, où elle tient la justice.
Si j’ai cité quelques grands de la pensée, n’en concluez pas trop vite que c’est par pédanterie. Si je ne l’avais pas fait, il se serait trouvé quelques esprits retors pour dire que « tout ce qui est excessif ne compte pas » (ce qui est bien encore une expression, elle-même extrême, où se complaît l’esprit bourgeois).
Comme un critique se garde bien d’écrire que le « Misanthrope » est une pièce ratée sous peine de se faire passer pour un imbécile, il me paraît pour le moins hasardeux de faire pareil avec Rousseau et Bourdieu, auxquels j’ajouterai pour faire bon poids Montaigne – oui, celui de l’esprit des Lois – « Le bien public requiert qu’on trahisse et qu’on mente et qu’on massacre… La justice en soi, naturelle et universelle, est autrement réglée et plus noblement que ne l’est cette autre justice spéciale, nationale, contrainte aux besoins de nos polices.»
Alors, ces deux affaires ? Complot de partis politiques ? Réseau pédophile incluant des personnages en vue de la Nation ?
A la place de Messieurs les bien pensants, je serais plutôt inquiets. Pourvu, bonté du ciel ! Qu’en cours de route, rien ne contrevienne à la vérité officielle, celle, si âprement défendue par tous ceux qui participent à la pérennité des Institutions.
Que tous se rassurent, comme il va de soi, il n’y aura rien de plus dans ces deux procès que ce que les juges d’instruction y auront mis.
Les journalistes feront des comptes-rendus d’audience qui iront parfaitement dans le sens d’une criminalité de bas étage, à la satisfaction générale.
Tout le monde pourra vérifier le bien fondé d’une dernière citation, celle de Philippe Garnier : « Une fois pour toutes, « l’esprit bourgeois » n’est pas une question de niveau de vie. On n’a pas besoin d’être riche pour souhaiter que rien ne bouge et pour craindre le désordre ».
Que les bien-pensants et les pantouflards reposent en paix. Il y a encore pas mal de bon temps à prendre dans une Patrie reconnaissante qui n’a pas son pareil pour choisir ses élites.
Dans ce genre de procès, comme ceux qui les ont précédés d’ailleurs, un doute supérieur planera toujours sur les spéculations (dixit Malebranche).

7 octobre 2003

Cannibalisme casher.

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On se demande combien de temps encore Israël va se moquer du monde et se croire au-dessus des lois internationales ?
Il est loin le temps où à Akaba Georges Bush donnait le départ de la feuille de route !
Quelques mois se sont passés et personne n’y croit plus.
La construction d’un mur, les représailles qui tuent des innocents, des incursions dans des pays voisins… après le Liban, la Syrie, où ces gens belliqueux s’arrêteront-ils ?
On imagine des cinglés montant une cellule combattante de l’Hezbollah sur le plateau d’Ans et que des avions de Sharon viendraient faire des loopings au-dessus du palais du Gouverneur de la Province, puis lancer des roquettes sur des habitations et tuer des enfants liégeois !!!
Parce que ces lourds engins ne font pas le détail. L’aviateur israélien qui lance des bombes sur des habitations civiles est, ni plus ni moins, un criminel de guerre.
Des soldats de l’infanterie de Tsahal qui détruisent à la dynamite les maisons des familles ayant de près ou de loin des liens avec un kamikase, sont aussi des criminels de guerre.
Ce n’est plus un malaise que l’on éprouve à l’encontre des dirigeants de ce pays, mais de l’aversion. Ils ont dilapidé le capital de confiance que leur avait accordé l’opinion mondiale à la sortie de la guerre 40-45.
Les souffrances de la génération sacrifiée dans les camps de concentration ne leur ont pas appris l’amour de la paix.
Israël est en passe de ne plus pouvoir compter que sur sa diaspora fort active en Europe et ses sympathisants nombreux dans les médias et dans l’industrie.
Le mur de Sharon est un véritable défi à l’opinion mondiale.
Ce n’est probablement qu’une étape de l’Etat hébreu vers l’annexion de l’ensemble de la Palestine. Il coupe les Territoires, laissant de ci, de là, des villages arabes enclavés et faisant littéralement prisonniers plus de 200.000 personnes.
Les appendices de ses colonies gangrènent toute la région et rendent désormais impossible l’établissement d’une frontière négociable.
Cet Etat profite de chaque guerre gagnée sur l’ennemi pour amplifier ses prétentions à la souveraineté absolue de toute la région.
On voit où ces gens veulent en venir avec l’expansion continue des colonies en territoire palestinien. Leur stratégie est claire à présent. Ils veulent toute la Palestine. Les habitants en seront soumis ou chassés.
Cette politique expansionniste (On enlève « l’expan » du mot et c’est la même chose) a besoin d’être alimentée par des attentats. De là à se poser des questions… dont la principale est que la politique de l’escalade ne peut être poursuivie qu’avec une Intifada musclée, d’où la provocation continuelle de l’armée d’Israël dans les Territoires.
Ce minuscule Etat artificiel conduira nos pays à la catastrophe si nous ne l’arrêtons pas dans son délire de corréler la bible et l’Histoire. Déjà, il a poussé les Américains plus d’une fois à la faute. Il est à la base de la guerre contre l’Irak et sous-traite la guerre future contre la Syrie en provoquant le nationalisme arabe.
Il intègre dans ses moyens jusqu’à l’élection future du président des Etats-Unis, ce qui paralyse Washington.
Il parvient même à faire croire à l’opinion internationale que les forces adverses menacent son équilibre, comme si les Palestiniens avaient une armée et disposaient des moyens comparables.
Nous avons maintenant tous les éléments en main qui permettraient d’accuser cet Etat prédateur aux Nations Unies. Pourquoi laisse-t-on les choses pourir ?
Le raisonnement qui prévalait il y a dix ans selon lequel Israël était le rempart de l’Occident face au nationalisme arabe et son expansion, n’est plus qu’une absurdité défendue par les milieux les plus droitiers en Europe. La guerre récente des Américains en Irak démontre bien que la seule force arabe réside dans son explosion démographique pacifique. Donner la vie n’a jamais été, que je sache, une menace ?
L’actuelle présidence européenne assurée par l’Italien Berlusconi, aligné depuis toujours sur la politique américaine, est également un frein à toute mesure de rétorsion contre Israël. On a vu comment la real politique en Belgique joue également en faveur d’Israël. Le gouvernement a abrogé une loi de compétence universelle rien que pour faire plaisir aux Américains et à Monsieur Sharon. Il y a belle lurette que notre ministre des affaires étrangères n’est plus écouté de personne et que d’une manière générale, notre pays s’est également aligné sur des raisonnements tendant à renvoyer dos à dos les parties, comme si les Palestiniens pouvaient se comparer à Israël.
Louis Michel devrait méditer cette pensée de Renan : "Il n’y a pire injustice qui consiste à traiter également de choses inégales."
L’Europe aurait à jouer un rôle important, tant par sa situation géographique qu’économique. On verra après la présidence de Berlusconi, si cela est encore possible.
Nos chefs d’entreprise qui se lancent dans des règles de bonne conduite pour faire produire leurs godasses ou leurs ballons de foot dans des pays dits « émergeants » pourraient tout aussi bien faire la fine bouche sur la façon dont Israël cultive ses oranges et ses kiwis, parfois sur des terres volées, le plus souvent sur des terres usurpées.
Evidemment si les industriels européens contrôlent Israël comme ils s’arrangent en Inde ou en Chine, ce ne sera qu’un trompe-l’œil de plus.

6 octobre 2003

Les mésaventures d’Ernest Cuco. (suite et fin)

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La vie est courte, l’ennui l’allonge. C’est heureux, qu’il y ait une compensation. Mais enfin, j’ai renoué avec la vie brève et le bonheur. Devinez la candidate que j’ai choisie ? Oui, c’est elle…Carotène Rhamoisi ! A part le physique, elle n’a pas changé. Jamais je n’ai su la faire rire. C’est toujours par là qu’elle m’a eu, son amabilité avec les autres et la gueule avec celui qu’elle aime le plus au monde, Ernest Cuco, mi !!!, sans vouloir le laisser paraître, toute de pudeur et de retenue…

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Les passes dans les vestibules. Les faïences douteuses. Les attentes sur les boulevards glacés. Le besogneux albanais qui secoue la marmite. Je m’attendris à la pensée de tout ce qu’elle a pu endurer sans moi…

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J’ai répété avec m’sieu Delarue “tu n’as pas changé” de Julio. L’émission « J’ai toujours été cocu. » prend une belle tournure, malgré la forte baisse du taux d’écoute.

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L’émission se termine. J’avais proposé d’en faire une dernière qui se serait appelée le bonheur retrouvé. Il paraît que ce n’est pas porteur. Tant pis, dans le fond, les gens heureux n’ont pas d’histoire.

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F I N

5 octobre 2003

Les mésaventures d’Ernest Cuco.

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La vie est un merveilleux conte de fée. Il suffit de le bien vouloir.

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Malgré tous mes malheurs, j’y crois toujours.

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Plus elles me font courir, plus je les aime ! Allez comprendre quelque chose ?

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Celle-là, c’était la pire de toutes, donc une grande passion. Je me demande si à son âge elle est encore en maison ?

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C’est bon d’être entre deux amis désintéressés, sans plan de carrière.

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On ne le répétera jamais assez, la confiance en moi m’a complètement sorti de mes malheurs.
Je crois bien que si je rencontrais Carotène Rhamoisi aujourd’hui – sans façon – nous irions prendre un verre pour parler du bon vieux temps !

A SUIVRE DEMAIN SANS FAUTE.

4 octobre 2003

GOLFEURS


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Amis sportifs, bonsoir !

C’est par ces mots qu’un chroniqueur sportif commençait ses reportages.
Cela situe tout à fait l’homme d’aujourd’hui.

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Le mot « sport » donne l’impression du mouvement, de la jeunesse, de la compétition, même si vous êtes affalé dans un club devant votre télé à bouffer des chips tout en matant le cul de Vénus Williams s’apprêtant à recevoir.
Voilà bien la société d’aujourd’hui : activité et mouvement.
L’air de rien, nous mutons. Au passage, nous dynamitons la famille. .
On a viré l’humanisme des objectifs. On fabrique, vend et consomme de la marchandise, sans autre but. Tout fout le camp !
Nous avons cru en travaillant au présent, que nous serions heureux au futur.
Foutaise !
Le désenchantement conduit au malaise social généralisé.
Les éberlués des soixante heures révèrent le capitalisme comme une hostie. Les jeunes MR – s’il y en a – comme jadis les jeunes giscardiens, sont pétris de convictions erronées!
A Genk les trois mille que Ford va flanquer à la porte se voient dans les deux mille qui vont rester. L’opus de la multiplication des pains empêche les gars de grossir les rangs des manifestants. Même en JEPG, il faudra bien virer des dossiers une partie des serviles, alors autant rester dignes.
L’individu hypermoderne, une créature sans repère bonne à voter MR comme fin du fin.
Demain, l’homme n’aura plus rien en lui qui l’intéresse. Il sortira de lui-même sans savoir où cela le conduit. Il croit mener sa vie quand on la lui mène. La marche du monde, les guerres, les famines ne l’habitent qu’en passant. Les tenants et les aboutissants de la guerre d’Irak n’ont arrêté sa fuite que quelques minutes. En trois mots, il n’y a rien à comprendre, si ce n’est que Bush est un héros et Hussein un salaud. Il a trouvé ce raccourci pour s’éviter un mal de tête.
Il résume.
14-18 ne lui aurait fait que quinze jours… Sa vie n’est plus qu’une suite de pitchs.
Il court. Ses plaisirs sont brefs comme ses nuits.
Tout cela pour éviter qu’on ne l’exclue d’un profit immédiat.
L’hypermoderne vit au rythme des normes sans cesse réévaluées à la hausse. Il admire les Chinois qui fabriquent ce que nous leur vendons !
Une gérante d’une mini entreprise de trois ouvriers n’a plus ses règles à 33 ans, en cause : le stress !... Son mari va jouer aux cartes et rentre tous les soirs de plus en plus tard.
Challenge ! Quand j’entends ce mot, j’ai envie de gerber. C’est le cri de guerre de l’industrie.
Non seulement je ne veux pas être le meilleur, mais ma vie n’est pas une compétition permanente et je n’ai pas envie de casser la gueule à mes concurrents.
Qu’est-ce que c’est pour des mœurs de sauvages ?
Toujours plus vite jusqu’au pied du mur à compter les couillons. Nous nous y écraserons tôt ou tard, non sans avoir marché sur les « pas de chance » que la statistique n’a plus voulu…
Certes, l’excès est masqué par des trompe-l’œil. C’est Louis Michel qui fait dans le social, Di Rupo qui se penche sur les victimes du capitalisme. Tout le monde s’en fout. Le pouvoir est ailleurs.
Et nous sommes là avec nos excès sur les bras, de consommation, d’hypertension, d’activité, d’admiration, de la nouveauté, des pops stars, avec un mot clé : la vitesse.
Modernes, nous reculons les barrières du possible, résolument contre ce qui est d’hier, donc pour la fermeture des musées. L’histoire aux chiottes ! Au rencart les vieilles lunes, les philosophes, les maîtres du passé.
La nouveauté est la valeur montante. Le malheur, c’est que le neuf ne dure pas. Il faut sans cesse inventer. Les vedettes sortent sur TF1 à raison d’une fournée par mois. Les producteurs n’ont plus le temps de refermer leurs braguettes.
La puissance est fonction de la vitesse de mutation et de communication.
S’adapter à ces mutations est indispensable pour figurer dans le top.
Les moyens de communiquer conduisent à une chose : éviter les pertes de temps.

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STRESS

Quand on demande aux gens pressés pourquoi courent-ils ?
Ils prennent l’air idiot. C’est ce qu’ils savent faire le mieux pour répondre des conneries à la mesure de leurs diplômes.
Aboyeurs heureux, attachés-cases pressés, ordinateurs ambulants, d’un côté… vieux avant l’âge, conspirateurs du passé et nostalgiques des sensations anciennes, de l’autre, ça sent la fin de l’homo erectus. Voici, l’ère de l’homo affairé …
L’individu en formation continue n’a plus d’ancrage. Mouvement perpétuel, il vogue entre l’infarctus et la dépression. C’est devenu l’antienne des bureaux de la performance « Et toi, qu’est-ce que tu prends pour tenir le coup ? ».
Sans maîtresse, il va en cabine se masturber sur l’icône électronique qui ressemble vaguement à une Marilyn qui aurait perdu quelques pixels dans le frottement continu. Le soir, avec Marinette, ils vont au Chinois se remplir de nouilles froides.
Marinette dit quelques mots de son nouveau job « consulting » avant de dormir chacun de son côté.
Le dimanche matin les comiques troupiers se font reluire dans des faces à faces à la RTBF. Politique de l’emploi, humanisme selon Joëlle Milquet, l’homme pressé zappe sur « Mon cul c’est du poulet » l’émission de Bellemarre.
Faire le bilan du merdier, c’est facile.
Le tissu social est en fibre synthétique. Tout le monde voit au travers. Derrière, il n’y a plus que les parties honteuses et du vide.
La polyvalence, vice de Pic de la Mirandole, on voit où ça mène. Tout le monde n’a pas le génie de Vinci. Un polyvalent, de raté partiel, devient raté complet.
Plus on s’éparpille, plus on devient con.
Dans les années à venir un diplôme universitaire aura l’équivalence d’un satisfecit de l’école moyenne d’avant guerre.
La logique du libéralisme voudrait que l’on devienne plus libre de construire sa vie.
Avec les deux millions de préretraités forcés, des vieux, des chômeurs, et des indigents, construire sa vie et courir à la réussite équivaudraient à faire chanter l’Internationale à Didier Reynders dans un dîner du Rotary.
L’économiste qui espérait régler tous les problèmes de l’humanité aux rayons du supermarché, s’est lourdement trompé.

3 octobre 2003

Papa pique, maman coud... les enfants trinquent !

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Cela va faire dix ans que la gauche dénonce les trafics honteux des multinationales qui délocalisent leurs entreprises vers des zones à monnaie faible et à main-d’œuvre bon marché, faisant travailler par sous-traitants interposés, des femmes et des enfants à des salaires de misère.
Officiellement, ces sociétés se sont dotées d’un code de bonne conduite inspiré des Droits de l’homme. Ce qui fait douter de leur bonne foi, c’est qu’elles commandent de leur argent des cabinets d’audit occidentaux pour enquêter sur place. C’est un peu comme si vous payiez un juge pour faire votre procès. L’imposture est tellement flagrante que certaines multinationales moins rapaces que d’autres ont décidé de se doter de règles de déontologie communes, en se regroupant sous des critères minimums.
Seulement voilà, avant qu’une « inspection » s’annonce, de mystérieux correspondants préviennent les directions. C’est ainsi que d’après Laure Belot du journal « Le Monde » « lors de la venue des auditeurs sociaux du cabinet SGS mandaté par Carrefour » tout était nickel dans le vaste hall où s’affairent plus de trois cents « piqueuses » à la machine de cette entreprise textile de New Delhi.
Après le départ de la délégation tout serait redevenu comme « avant », sans préciser ce qu’entendait par là, Neera Singh Parihar, ingénieur textile.
On ne peut pas dire que la situation soit pire en 2003. Des ASBL comme OXFAM tentent de faire appliquer les règles du travail de l’OIT (Organisation Internationale du Travail). Ce qui n’est pas facile, dans un pays comme l’Inde où les sous-traitants de sous-traitants se ramifient et se diluent dans les banlieues pauvres. Quant à la Chine, n’en parlons pas. Le Gouvernement de Pékin assimile les inspections au rang d’espionnage, ce qui dans ce charmant pays est passible de la peine de mort.
On assiste donc à l’aube de ce troisième millénaire à l’explosion du marché chinois en expansion de 10 % l’an. Il faut voir nos industriels dans leur exercice du double langage, d’une part se féliciter que s’établissent des règles sur le travail des enfants, des femmes, des salaires et, d’autre part, admirer le « bond en avant chinois » sans état d’âme, pour comprendre comme ces libéraux se fichent de nous dans les grandes largeurs (puisque nous sommes dans le textile, usons de cette comparaison).
Nos éblouissants stratèges délocalisent pour la deuxième fois, surtout dans le domaine du textile.
Sur trente années, le bassin lainier de Verviers aura vu toute sa production basculer en Inde, mettant à la rue des milliers de famille. C’est l’Inde qui aujourd’hui perd des emplois de la même manière pour le bénéfice de la Chine.
Tout cela sans grands contrôles et avec la bénédiction de nos dirigeants politiques qui promeuvent les visites d’industriels souvent accompagnés du prince Philippe..
Décidément les entrepreneurs sont incorrigibles.
La protestation même passive a perturbé des multinationales comme Levi’s, Nike, Reebok et Gap. Là, ce sont des organisations non gouvernementales américaines qui ont alerté l’opinion occidentale. Ce fait est assez rare pour qu’il soit souligné.
Quelques dates permettront de jalonner une prise de conscience qui démarre malgré tout.
1996 : apparition des codes de bonne conduite type.
1999 : Les Nations Unies énoncent une liste de neuf principes sociaux.
2001 : Sous la pression de l’opinion, les audits sociaux deviennent plus nombreux, sinon plus efficaces.
2003 : Les Nations Unies votent à l’unanimité un texte qui souhaite que les entreprises soient visitées régulièrement par des inspections. Malheureusement, ce texte, comme presque tout ce qui sort du bâtiment de verre de Manhattan, n’a pas force de loi.


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Peut-être bien qu’un jour, dans 25 ou 50 ans, nos hardis pionniers de l’exploitation de la misère reviendront chez nous réinstaller toutes leurs machines à sous derrière lesquelles tout ce beau monde oublie qu’il y a des bras, des corps, des vies qui souffrent et qui ont définitivement abandonné l’espoir d’un monde meilleur.

2 octobre 2003

Où en sont les Verts ?

NDRL : Ce texte est le dernier écrit avant que le Titanic électronique ne sombre corps et biens. Je ne sais si les intéressées à qui j’avais envoyé un courriel ont eu le temps d’en prendre connaissance. Dans le doute, je le rétablis tel quel.

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Deux femmes de caractère : Isabelle Durant et Evelyne Huytebroek

Après le délestage d’électeurs verts aux dernières élections, la coalition « Ecolo – PS » a volé en éclat, malgré des « consciences » et des « politiques » comme Evelyne Huytebroek et Isabelle Durant.
Vraiment, la première chose que l’on peut en déduire, c’est que faire de la politique, c’est un métier.
Peut-être bien que la sincérité poussée jusqu’à la naïveté et la logique qui va jusqu’au bout entraînée par la conscience n’ont jamais rapporté beaucoup d’électeurs.
Les Ecolos en ont-ils pris conscience ?
Quand on n’a pas une locomotive comme Daniel Cohn-Bendit dans ses rangs, quand des assemblées font et défont les majorités avec la belle inconscience d’un quarteron d’irréductibles ergotant à l’infini, les instances auraient-elles mille fois raisons, que cela finit par faire désordre et comme toute sanction des verts profite au PS, étonnons-nous après cela que, ce qui y décourage l’électeur intéresse les socialistes !
Que le PS ait lâché ses partenaires un peu vite pour s’acoquiner avec une droite de la pire espèce est un coup bas que l’on n’est pas près d’oublier au secrétariat national d’Ecolo.
Cette rancœur dépassée, voyons comme le parti remonte dans le vent en fin d’année.
Aucune de ses sections locales n’a vraiment été touchée et le mouvement n’a perdu que des sympathisants et peu de militants. Il se pourrait même que la leçon ait été profitable et que ce parti dont tous les projets correspondent à des inquiétudes pour l’avenir rebondisse à la prochaine législature.
D’ici là, il conviendrait de revoir la mécanique et de mieux cerner ce qui ne va pas.
Le public, lui ne perçoit que ce qu’un fin commérage du MR et du PS laisse percer dans les journaux, à savoir que la confusion règne en maître chez leurs anciens partenaires, ce qui rend les verts incapables d’une stratégie cohérente. Et il y a un peu de vrai dans tout cela. C’est aussi la raison pour laquelle le persiflage adverse est si pernicieux.
On dirait que les fautes même anciennes recouvrent tous les bons points dont ce parti a été capable.
C’est ainsi que le public ressasse toujours les taxes sur les produits non recyclables, l’affaire de Francorchamps, le survol de Bruxelles.
Qu’il soit une fois pour toutes convenu que c’est Ecolo qui a reçu la gifle sur des taxes dont le MR et le PS sont coresponsables et dont ils tirent encore les revenus sans baragouiner ; que Francorchamps n’est pas une mince affaire quand on songe à l’argent qu’il va falloir trouver pour désintéresser le patron de la Formule 1, dont la Région wallonne n’a pas le premier euro ; et enfin, le survol de la capitale par les bruyants avions de nuit n’a pas encore de solution.
L’affront fait à la ministre des transports Isabelle Durant par Guy Verhoftstad avec la complicité de Di Rupo, ce qui a permis à la mutine Laurette Onckelinx de faire un petit numéro pour ne rien décider du tout, est tout à fait dans les pirouettes qui ont toujours été celles des roués du système.
Ce qui dérange encore le public, c’est l’impression qu’il a du côté brouillon et farfelu des verts, de leur manque de connections avec la réalité et de leur propension à faire une politique des « il n’y a qu’à… ».

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Brigitte Ernst, une bien sympathique Liégeoise


Certes, on peut rêver d’un monde meilleur, même d’un monde parfait. Mais, la politique consiste à faire avec ce que l’on a dans un monde qu’il est ce qu’il est, incapable de mutation soudaine et susceptible d’un progrès millimètre par millimètre seulement.
Cela les nombreuses niches écologistes du parti différemment tournées de la droite à l’extrême gauche tirent à hue et à dia et il faut toute la diplomatie d’Evelyne Huytebroek pour éviter que ne se perçoivent trop les tumultes au grand jour.
Dans la conjoncture actuelle, l’effeuillage de la gauche classique ne pourra que se poursuivre dans la collaboration avec la droite libérale. Le fédéral a besoin d’une autre coalition que celle en place et qui ne convient guère aux citoyens modestes.
On rêve déjà pour la prochaine législature d’une coalition PS-CDh-Ecolo qui mettrait un coup d’arrêt à une politique de droite dont les effets se font sentir de plus en plus.
Il est certain que les problèmes d’environnement et d’intégration, liés aux urgences sociales devraient dans la prochaine législature être approchés avec une sensibilité plus à gauche.
Les verts ont trois ans pour se réformer, s’y mettre et reprendre leurs électeurs.
Nous souhaitons pour l’avenir que leurs querelles byzantines s’achèvent et que le nouveau secrétariat repositionne clairement le parti afin de fidéliser un électorat versatile.

Orage électronique !

Un dérapage malencontreux a perturbé le système qui abritait ce blog.
Il faudra un certain temps avant de reconstituer les archives.
Dès le 2 octobre, la parution journalière reprendra un cours normal.
Si les choses se déroulent comme il convient, d’ici fin la de la semaine prochaine le blog pourrait être pleinement rétabli avec tout ou partie de ses archives.
Que ceux qui avaient pris la peine de lire régulièrement, textes sérieux et facéties avec assiduité, trouvent ici, avec mes regrets, un nouveau départ.
Cet avatar nous conduit à une réflexion d’ordre général : depuis Gutenberg, on n’a pas encore trouvé un meilleur support que le papier.
Un livre peut se lire pendant des siècles si on y prend soin.
Quel sera le sort de l’électronique au bout d’une aussi longue période ?
Personne ne le peut dire.
Pensez-y.

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LA BIBLE DE GUTENBERG- 1455 – Microssoft : depuis ?