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31 août 2003

Le monde du sexe a la douleur de...

…vous faire part de la perte cruelle du gros zizi d’Idi Amin Dada.
C’est la débandade. Le gros zizi a suivi son maître le 16 août à Djeddah en Arabie saoudite dans la boîte acajou capitonnée réservée aux grands de ce monde.
Aucune voix ne s’est jamais élevée pour que le détenteur du monstrueux engin passe devant une Cour internationale afin d’y répondre de ses méfaits.
S’il y a comme cela des coups de pied au cul qui se perdent, il faut bien en imputer une partie de la responsabilité à la pudeur des chefs d’Etat fort dubitatifs quant à la dénonciation d’un collègue, fût-il un assassin. Milosevic est l’exception qui confirme la règle.
Pourtant ici, avec notre mirobolante loi de compétence avant qu’elle ne devienne la risée générale, on aurait pu trouver parmi les parents des 300.000 victimes ougandaises, un ou l’autre fils qui aurait trouvé mauvais que le bien membré poursuive de 1979 à 2003 la culture intensive des roses dans son mini-sérail.
Il y a comme cela des oubliés de l’histoire qui ont une sacrée chance.
Comme Mobutu était une créature de la politique belge, Dada était une de l’anglaise.
Engagé à vingt ans dans les King’s African Rifles, troupes coloniales britanniques homologues de ce que furent, après, nos « Affreux » du Katanga, cette jeune recrue de Sa Majesté se fit la main dans la répression des Mau-Mau au Kenya voisin. Et « Rules Britannia »…
Fort de cette mise en train, l’indépendance de l’Ouganda le voit seulement sergent. C’est Milton Obote futur chef de l’Etat qui le prend sous son aile. Les jumeaux de la poudre d’or, allait-on les surnommer, se distinguent comme larrons en foire. C’est le plus faux derche des deux qui va baiser l’autre.
Avec le soutien des éternels britanniques et avec l’aide bienveillante des Etats-Unis, Idi Amin prend le pouvoir. Très vite, le sergent-cuistot devenu président va faire bouillir ses adversaires dans les roulantes de l’armée. Celui qui se recommandait d’Adolphe Hitler va surpasser ses prédécesseurs africains pourtant pas mal experts dans la découpe artistique des corps.
Les crocodiles du lac Victoria se nourriront des opposants. Des personnalités européennes de l’époque ont été invitées sur le yacht d’Amin afin d’y admirer « ses » crocodiles. Des bandes d’actualité existent toujours. Qui publiera les noms ? Les maîtresses qui rechignent au coup de rein seront passées à la tronçonneuse. Il va même conserver les têtes de ses opposants dans des glacières et les sortir de temps en temps pour les engueuler ! Son délire s’aggravant, il revendique le titre de dernier roi d’Ecosse. Il expulse toute la communauté Indo-pakistanaise, distribue leurs biens à des proches et fait tant et si bien que le pays, prospère avant lui, ne s’en est pas toujours remis depuis.
Bref, un homme que Monsieur Louis Michel, spécialiste en admonestation des potentats africains se serait fait un plaisir de rencontrer s’il avait été ministre à ce moment-là.
Autoproclamé président à vie – heureusement que les autoproclamés ne vivent en général pas longtemps - un peu dans le genre des Kabila père et fils, Idi Amin Dada se surpasse à la radio où il donne la liste des suspects qui sont « sur le point de disparaître », tout cela avec l’aide des anciens supplétifs de l’armée britannique d’origine soudanaise.
Quand son Enormité que les journalistes appellent l’Ubu noir, commence à sentir le chaud aux fesses, il s’enfuit en Libye qui n’en rate pas une en ces temps-là, pré-attentats de Lockerbie.
La suite, tout le monde la connaît.
Le dictateur se découvre un bon musulman le jour où il faut plier bagage. L’Arabie Saoudite l’héberge au nom d’Allah, jusqu’à ce funeste jour du 16 août où sa seigneurie défuncte dans la sainte loi du prophète.
C’est égal. N’est pas grand voyou qui veut. Combien de petites frappes auraient eu intérêt à être décorées de l’ordre du Bain, régir un million d’âmes dans un bled pourri, planer sur les eaux du Gange ou être tout bêtement un bon petit président d’une bonne petite république dans un bon petit coin pour que s’étouffent tous les coups tordus. Il est vrai, tous n’iront pas jusqu’à brûler des corps dans la cuisinière ; tout de même, certains seraient, dit-on, passibles de la Correctionnelle. Si, si… on en connaît en Europe et pas si loin que ça…
Je me demande parfois, si la Justice ne se venge pas de sa frustration de ne pouvoir atteindre les illustres sur le dos des pauvres diables qui eux écopent du maximum.
Idi Amin Dada aurait été un beau con s’il avait été inquiété. Ancien champion de boxe poids lourd, il aurait suffi qu’il assommât ses victimes de ses seuls poings pour n’être inculpé que de coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Evidemment, assommer 300.000 de ses concitoyens seul et même en dix ans de règne, cela va chercher dans les 82 victimes et demie par jour, soit 3 victimes et quart par heure.
C’est du boulot quand même !

30 août 2003

Ben Ladden n’est au courant de rien.

La panne monstrueuse du siècle !... Les new-yorkais donnent dans le superlatif !
Pourtant la troisième en vingt-cinq ans. Et en durée crescendo. Manhattan est toujours sans courant depuis jeudi.
L’avant-dernière avait vu les pillards, celle-ci les dormeurs dans les rues. Chaque épisode a son folklore…
On prend la chose à la rigolade, puisque le président l’a dit : « Ben Ladden n’est au courant de rien !
En Belgique, le porte-parole des électriciens nous l’affirme : nous ne sommes pas à l’abri du black-out total. La catastrophe de New York nous pendrait sous le nez…
Qu’est-ce que cela signifie ?
…que nous construisons – enfin quand je dis nous – ils nous construisent un monde qui, plus il se complique, plus il s’avère d’une grande fragilité.
Un géant au pied d’argile. Plus de courant : c’est l’âge du bronze tout de suite, à la différence que nos lointains ancêtres se débrouillaient, nous, à la bougie, on vaut pas grand-chose.
C’est à se demander ce qu’on considère être le progrès ?
Sommes-nous dans une ère de progrès durable ou dans un moment où l’homme devient fou et confond progrès et gadget ?
Les populations n’ont jamais fait la loi.
Les délégués au pouvoir politique de ces populations en accord avec les grandes sociétés industrielles sont les réels détenteurs des moyens permettant de modeler l’avenir.
Ils sont évidemment bien placés pour bénéficier à titre personnel de tous les progrès et tous les gadgets qui en découlent. Pourquoi voulez-vous qu’ils mettent un frein à leur soif inextinguible d’accaparement et de puissance ?
N’en profitons-nous pas également, même si c’est dans une moindre mesure ?
Tandis que dans certaines parties du monde on se chauffe encore à la bouse de vache et on s’éclaire à la graisse de porc, dans la nôtre, nos maisons ressemblent à des sapins de Noël. Jusqu’à nos taille-crayons sont électriques.
Le décalage entre la nudité et la profusion ne va-t-il pas un jour nous péter à la gueule ?
Que nous le voulions ou pas, le progrès nous fragilise de plus en plus, parce que nous sommes tributaires d’éléments que nous ne pouvons contrôler et encore moins maîtriser. Tout ce que nous utilisons fonctionne à l’électricité. Nos savoirs dépassent la capacité de nos mains, nous créons plus avec la machine qu’avec nous-mêmes. Réduit par un cataclysme à une vie élémentaire, nous ne survivrions pas, là où le paysan des rizières a une grande chance de s’en tirer.
Le non renouvellement de la plupart des sources d’énergie dont nous avons besoin pour asseoir notre supériorité occidentale sur le reste de la planète signifie que si nous ne trouvons pas un autre moyen de produire de l’électricité qu’en utilisant les huiles, les houilles et les matières fissiles du sous-sol, la fin de la civilisation « bourgeoise » est programmée par épuisement des gisements.
Certes, nous en avons au moins encore pour trois cents ans de franche rigolade. A l’échelle du temps, c’est moitié moins que la civilisation romaine et dix fois moins que l’égyptienne.
Nous sommes les joyeux fous qui dansons sur le Vésuve en l’an 67. A la différence que nos experts savent en 2003 qu’un jour le bouchon va sauter. Les leurs n’en savaient rien.
Cette inconscience est à mettre au compte de la Belgique joyeuse, associée à l’Europe de la rigolade au service de l’Organisation mondiale de la supercherie.
Et après cela, comment voulez-vous que nos responsables soient pris au sérieux ?
Quelle importance, me direz-vous, dans trois cents ans, je ne serai plus là.
Colbert, sous Louis XIV a fait planter des chênes dont la forêt française s’enorgueillit aujourd’hui. Nous faisons l’inverse. Nous détruisons pour que dans quelques générations nous en revenions à la danse du calumet, comme dirait Voltaire. Seulement voilà, nous n’aurons même pas l’occasion de faire le guignol avec les autres. Ils nous détruiront aisément. Au tir à l’arc, ils sont meilleurs que nous. Si on pousse le raisonnement un peu plus loin, je me demande si nous ne rendons pas un mauvais service à ceux du tiers monde que nous acceptons du bout des dents. Au règlement de compte, ils paieront l’addition avec nous.
Et avec des messieurs aussi imprévoyants que celui que vous avez juste au-dessus de ces lignes, on aura beau dire que nous avions du bon sens, nos successeurs nous passeront à la casserole.

29 août 2003

On tuera tous les affreux.

Aux malheureux que nous mettons en cage.

Essai de phénoménologie appliquée.

Des moments, vous êtes si fatigué que plus rien n’intéresse, même l’argent, pourtant mignardise qui a tant d’adeptes absolus dans l’immense souk qu’est devenu le monde. Vous verriez mille euros à vos pieds, prendriez-vous la peine ?
Lumbago, honte… non, flemme supérieure… marre de tout.
Une société d’SS, tout ce qui n’est pas expressément permis est interdit, absolue connerie humaine perceptible d’un ministre de l’intérieur à l’autre… ça vient.
Poussez pas derrière, y en aura pour tout le monde.
On déguste déjà. On attend l’étron final, l’énorme chose brunâtre et confondante qui tonitrue au micro qu’un peuple par sol, ça suffit !
La matraque sur le coin de la gueule, le héros aux urgences, Toto s’applique tout de suite.
Comprennent vite, les gens. Faut la manière.
Le cuistot pas au point qu’on menace de passer dans son court-bouillon, craque plus du tout d’allumettes ! (L.-F. Céline)
L’humain n’est à l’aise qu’à la baraque, cette bonne vieille turne en bois pourri d’un camp où t’es soixante à échanger les totos. N’a jamais aimé conduire sa vie, l’humain. Arrive un moment, dépendance absolue, les capos pensent pour toi. Ça permet le rêve. On rêve de la cellule idéale, la bien chaulée où on se déroule les cakes à quatre dans la faïence. On s’encourage d’un tricard l’autre. On s’applaudit. Tout le monde pousse pour c’ui qu’est assis. Simenon en a déculotté d’autres. Y a des obsédés en cellule pour moins de tapageuses parties de braguettes que lui. Comme quoi les Autorités… Ça fluctue et ça donne aussi dans la danseuse… La morale quand elle va au musette, c’est quelque chose comme l’érection permanente.
Vas-y Joséphine !...
On y va, à la baraque… on y va !
Rien que des avantages. Tu punaises qui tu veux sur ton armoire. T’as plus d’angoisse, plus de Bernard-Henry Lévy, plus de phrases d’Alain Finkielkraut, rien que le cul de Marilyn qu’on mate couché sur la paillasse. T’es tellement loin de la théorie du jugement dans le psychologisme que tu peux parler d’Heidegger au maque qu’est tombé sur dénonciation d’une Javanaise qui la veille le suçait encore avec frénésie, sans qu’il te foute une main sur la gueule.
Faut voir les loqueteux du monde entier qu’on refoule, qu’on grillage dans nos belles contrées, comment on leur explique qu’il y a plusieurs sortes d’humains, qu’eux sont pas humains du tout, pas des bêtes non plus, même qu’i’ s’ fraient refouler à la SPA.
T’as vu l’idée venue d’ailleurs qui fait son chemin, le mur Sharon ! C’est-y pas la belle idée ? Qu’on les voie plus les autres ! On se refait le tracé d’Abraham, les belles palmeraies et les dattes par ici… le sable aux bicos, par là !
Nous, sans muraille, du moins pas encore, on a les plus performants schupos d’Europe. Tous aux créneaux, des fois que des Ab Del Kader joueraient les Godefroid de Bouillon à l’envers…
Si ça continue, parole, on va remonter les casemates du mur de l’Atlantique !
« Alarm ! »… non, c’est un crevettier qui rentre à Ostende.
C’est-y qu’on est bien dans notre baraque, loin de tout ça…
Nous, qu’est-ce qu’on veut ? Des baraques à nous qu’on y pourrisse entre nous et qu’on nous foute la paix.
On prendrait les calmants ensemble avant d’aller dégueuler notre connerie dans d’autres baraquements, en tôle ceux-là, avec des bouts de tubes, des fils, enfin de tout pour faire la belle usine, où c’est qu’est content le connard pour la semaine.
De l’autre côté de notre mur subliminal, ont veut déguster aussi ! Normal, puisqu’on leur a tout pris ! La réussite, avec de la tarte aux poils pour tous les obsédés du plaisir, la nouba à outrance, pèpère au tam-tam et la moukère à la transe nerveuse sur le lit vibrant à eau, c’est le programme. Tout le monde à poil, certes… mais sans oublier le respect. Le voile du rituel, exigence absolue, pas de cheveux dans le yaourt, s-v-p, Dieu interdit le cheveu… même dans la soupe et du moment qu’on voit les fesses…
C’est l’image que nous donnons qui les travaillent les impétrants, une image bien hollywoodienne, tellement remplie de nichons que tu vois plus la gueule du boss derrière les mamelons. Tous les sicaires (les assassins gagés si tu veux) à la gègène comme au bon vieux temps de l’Algérie Vranzaize. Guignol absolu... On t’en met une giclée de 220 dans les couilles, amicalement, à la patriote... Faut voir comme ça excite.
T’étonne pas que ça rapplique comme la mouche qui s’attend au petit sec ligneux et qui a l’heureuse surprise de se mettre à table en pleine diarrhée !
Non, je te jure. Je suis fatigué Je ramasse plus rien. Je me penche plus.
Tiens, j’irais bien fienter un peu place Saint-Paul, le si bel endroit-urinoir fascinant. On a envie d’y lancer son jet dans le fichu entonnoir dégueulasse, d’y ajouter l’horreur personnelle aux autres, en couches superposées si épaisses qu’on voit plus si on pisse dedans ou hors son froc. Question œuvre d’art, l’urinoir de Duchamp à côté, c’est plutôt pâlot. Contre les murs consacrés de la cathédrale de Liège, c’est plus olfactif. Ça cogne terrible. L’autre jour, authentique ! un jeune mec s’y branlait sur les marches. L’absolue dépravation dans l’endroit le plus absolument dégueulasse… S’y j’avais eu mon Canon …en aurait de la pelloche faits divers pour en face chez Sud-Presse.
Même les mouches supportent plus, faut qu’elles montent au journal changer d’air vicié. Dans l’élan, elles déposent sur la moquette de direction des senteurs délicates. Hommage sans doute au nouveau matelot qui prend en main le radeau de la Méduse. Oui, oui, les pisse-copies ont un commandeur du blitz qui va sauver le coffiot de l’actionnaire.
Ah ! les bourgeoises des apparts trois chambres de la place Saint-Paul ont bien de la chance. Elles connaissent pas, sinon à voir de loin en tournant la tête et encore prudentes, l’étonnant édicule, des fois qu’on croirait qu’elles matent les queues.
Pourquoi on ferait pas des réunions d’urinoir ? Hein, pourquoi ? De ces débats sur l’image de marque ? Si ça les décourage pas la vue du résultat de vingt-cinq ans de prostate en sécrétion discontinue, nos touristes mosans, nos forces vives ? Pourquoi on ferait pas des discours sur l’écologie, par exemple ? Je lance un appel à mon idole. Evelyne Huytebroeck, si tu m’entends, je m’occupe de tout, de toi, de la sono, des prospectus, des orateurs, sans condition…
Les raisons qu’on n’y voit jamais aucun pigeon picorer dans les flaques ? La sauce autour du croûton ! C’est pourtant relevé. Les pigeons sont pas gastronomes, voilà tout.
Comment qu’on est beau avec ou sans ARCELOR ! Les délégations à pied d’œuvre, direction l’urinoir…. Tous les chefs à la miction, une, deusse, troisse… puis aux pets. Le pet entre hommes, ça noue des liens. Peut-être bien qu’on n’en serait pas là… Guy Dollé et Francis Meir contre Potier, en match poursuite sur les basses fréquences. Là, je parie Potier. Il doit avoir un de ces calcifs…
Parce que, mes chéris excentrés d’ailleurs, si ça vous tente Hollywood, faut prendre le paquet, faut pas choisir. Est-ce qu’on poigne dans les cerises sur la Batte le dimanche matin pour voir si elles pourrissent pas par en-dessous, non, mes carnes, faut prendre ce que la marchande vous donne. Faut prendre tout, mes biches.
Autrement, c’est pas la peine.
Maintenant si vous voulez une confidence, oui, c’est tout pourri en dessous. C’est pourquoi nous on mange plus que la couche qu’on voit, ce qui reste, c’est pour les mouches des pays en voie de développement. Si vous en voulez ? Faudra attendre un ministre de l’intérieur plus futé. Un guignol qu’aura compris que pour se débarrasser de la pourriture qui s’accumule, aura pas assez des gens de nos baraques… Faudra bien zyeuter vers les baraques des autres.

28 août 2003

T’es qui toi, au juste ?

Est-ce l’époque qui veut cela ?
La dureté des temps ?
Il me semble que l’homme de la rue n’a plus la même sensibilité qu’il avait dans l’entre deux guerres.
Vous me direz l’évolution des choses, le progrès qui facilite l’existence, donnent l’illusion de mieux vivre.
Pourtant le drame social est devant nos yeux.
Soit nous détournons le regard, soit nous ne lisons plus les faits divers de la même manière.
Ainsi la fermeture de ce grand hôtel de la rue des Guillemins qui n’avait plus que l’apparence bourgeoise en sa façade, qui servait de garnis à des familles, fermé pour cause d’insalubrité, des cafards sous les meubles, des punaises sous les matelas, des wc dans les cuisines, etc… tout ce qui conditionnait la vie d’il y a 50, 60 ans est là sous nos yeux et nous faisons comme si…
Et combien d’autres situations pires encore, dans les kots de plus en plus nombreux, dans les combles, au fond des impasses, toute une vie retenue de pauvreté et de désolation. Et pas qu’impartie aux étrangers, aux pas de chance venus d’ailleurs, non, à des Belges qui ont travaillé, qui ont voulu vivre avec dignité et qui se sont réveillés un jour avec l’huissier à la porte, ou même sans cela, démunis, malades, sans emplois, enfin toute la gamme des possibles et, dans la misère, cette gamme est étendue.
Et que fait-on pour ces pauvres que nous ne voyons pas ? Rien. Une sorte de convention veut que l’on n’en parle nulle part, qu’ils n’apparaissent que disséminés, un par un, de fait divers en fait divers, timidement, comme un pauvre quoi…
Ah ! me direz-vous, je te surprends à faire du misérabilisme, une fois de plus, occultant ce qui est de la réussite : les belles voitures, les allées qui donnent sur le bois avec les hautes clôtures de la propriété privée et ces hommes et ses femmes bronzés des vacances au bord de la Méditerranée venus pour témoigner qu’au contraire, le progrès existe. Certains vous diront que leur père était mineur, que leur grand’mère remplaçait le chien à tirer la charrette. Qu’ils ont travaillé dur pour obtenir ce qu’ils ont. Et cela est vrai aussi.
Je vais sans doute les décevoir, mais toutes les réussites qui font leur litière de la pauvreté des autres me sont suspectes. Toute cette richesse ostentatoire qu’une vie de travail ne saurait suffire à acquérir me donne envie de crier « au voleur ».
Certes, il faut bien qu’une certaine émulation existe et qu’une « carrière » ne soit pas uniforme par rapport à une autre. Mais que ceux qui ont tout se disent parfois, entre eux, en famille : on a eu une sacrée chance d’être arrivés où nous sommes, entiers, d’attaque, sans aucune maladie grave ; on a une sacrée veine d’avoir eu avant nous des parents qui ont veillé sur nous et qui nous ont laissé leur patrimoine ; on est vraiment des vernis d’avoir perçu deux, trois fois la paie d’un manœuvre certes par notre mérite, parce que nous avons fait des études mais avec l’heureux hasard que ces études correspondaient à un besoin dans l’industrie ou dans l’administration, le jour où nous sommes sortis de l’école ; on a eu la baraka d’avoir l’oncle bien placé pour nous mettre le pied à l’étrier ; le frère de la mariée à un cabinet ministériel, ou le cadet du père dans l’import export ; alors, oui, s’ils disent cela même en chuchotant, ils sont encore humains.
Et cette réflexion qui conduirait à la modestie et à la compassion envers ceux qui vivent avec les cafards et dissimulent leur cabinet de toilette sous la table de la cuisine ; cette justesse de ton qui rend les choses plus vraies et accessibles, cette formidable humanité qui jaillirait de ce simple constat, eh ! bien les bourgeois ne l’ont jamais et c’est en cela qu’ils sont hautement méprisables et qu’ils sont à jamais odieux à mes yeux.
Aujourd’hui, j’emploie des mots qui n’ont plus de sens, demandez à un employé s’il ne se sent pas bourgeois ? à un ouvrier qualifié s’il ne se sent pas détaché et différent de la pouillerie ?
C’est aussi cette confusion des genres qui nous donne l’illusion que notre société n’a plus de classe et que la plupart de ceux qui sont tombés dans la pauvreté n’ont pas volé leur pain noir.
Ce raisonnement conduit à croire que nous vivons dans le meilleur des mondes possibles ; que tout vient du mérite et retourne au mérite et qu’il est juste d’être pauvre quand on n’a aucun mérite.
De telle manière que nous donnons raison à ces partis qui sollicitent vos suffrages et dont les programmes sont identiques et nous ne saurions mieux conclure que nous donnons raison en même temps à ceux qui accélèrent les chaînes de montage pour mieux flanquer à la porte des personnels devenus inutiles.
Allons, relisons Panaït Istrati, ce Roumain vagabond qui sut aller vers les choses simples.
Savez-vous pourquoi cette société se calcarise, pourquoi nous nous empêtrons dans des situations où ne triomphe pas l’honnête homme, mais son contraire ? Tout bêtement, tout simplement, parce que nous n’aimons pas notre prochain. Que nous ne l’avons jamais aimé et sans tomber dans les simagrées et le despotisme des religions, peut-être est-ce bien le seul péché du monde ?

27 août 2003

Histoire de ménage

Le ménage
Ménage
Aménage
Déménage
Déroule
Lisse
Brosse
Les tapis
A lignes
A fleurs
Affreux
Collés
Recollés
Décollés
Encollés
Sur des murs
Enduits
Détruits
Construits
Le ménage
Achète
Furète
Découvre
Recouvre
Des bibelots
Pots
Lots
De camelots
Peu ouverts à l’esthétique
Les décors en plastique
Vont aux générations
Comme pomme à l’attraction.
Le ménage
Vieillit
S’aigrit
S’ennuie
Envie
La vie
Les gravats encombrent les allées
Le jardin reste un projet
Un projet qui s’éternise
L’amour d’éternité
Est un devis porté
Sur une absurdité.

26 août 2003

C’est tuant de traîner avec soi ce que l’on a été avant.

(Extrait de l’Herbe Rouge de Boris Vian)


En ces jours de bougeottes, certains Liégeois ont posé, sans le savoir, leur séant sur les chaises Thonet, devant des guéridons aux terrasses de Saint-Germain des Prés, là où notre feu follet, quelques mètres plus bas, dans des sous-sols à la location allégée jouait de la trompette, il y a… enfin, c’était au sortir de la guerre.
- Laquelle ?
- Celle qu’il vous plaira…
Reprenons.
Au Nord vous avez les quais Malaquais et de Conti.
Au Sud, le Vieux Colombier et Saint Sulpice.
A l’Est, le Canard enchaîné et son Juliénas rue des Saint Pères.
A l’Ouest la rue Dauphine…
A cette époque les caves servaient d’entrepôts à bois ou à vin. Grâce à lui et à quelques autres, certaines devinrent des entrepôts de l’esprit et de la musique.
De la race des troglodytes, notre homme luttait contre l’envahisseur permanent qui ne devenait autochtone qu’après être descendu sans aide dans ces caves et avec aide en remontant.
A la surface toute une vie hôtelière permettait que s’élaborassent les romans et la philosophie de Sartre qui ne dédaignait pas faire la roue devant la ravissante Michelle Léglise-Vian dans un univers de verres, de carafes et de plateaux. Il en avait déduit et nous avec lui que tout le malheur de l’homme est de ne pouvoir rester en repos devant sa pile de soucoupes quand hurlent les sirènes des usines.
C’était au 33 de la rue Dauphine.
Voilà bien à l’année du Centenaire un début de roman trouble que Simenon n’écrivit pas, trop occupé sur son bateau péniche à servir sa servante Boule l’après-midi dans l’inconscience où était l’époque de la notion de harcèlement sexuel, quitte à se reprendre en soirée avec sa légitime encore émue d’avoir vu toute la scène, car le bateau était petit, dans l’ignorance où la malheureuse était d’un constat possible qui eût conduit notre lapin national au quai des Orfèvres.
C’est au 33 que vivait sous terre le fameux Tabou qu’une certaine presse comparait aux enfers, tandis que notre héros national allait à ses œuvres perverses auprès desquelles Boris Vian et l’élection de Miss Tabou faisaient figure de Cendrillon, sans que la même presse poussât le moindre cri.
Journaliste révéreras
Et Photographe également
Tes pères et mères maudiras
Pour vivre dangereusement
De la fine à l’eau tu boiras
Sans jamais payer en argent.
A Jean-Paul Sartre tu croiras
Sans savoir ce qu’il y a dedans.
C’est là que Juliette rêvait de renaître en catastrophe de chemin de fer avant qu’elle ne se prenne pour une chanteuse.
C’est là aussi qu’un enfoiré – il y en avait déjà à l’époque – titrait « Saint Germain des Prés fait trop l’amour. » Ce à quoi Boris à moins que ce ne fût quelqu’un d’autre, compléta de cette juste réflexion : « Comme si on pouvait le faire trop ! ».
Quand un existentialiste n’est pas vierge, il est père de famille !
Claude Luther à la clarinette au Vieux-Colombier, Aimé Barelli à la trompette chez Carrère et Boris Vian partout à la fois, que voilà une époque qu’on n’est pas près de revoir !
C’était un cheval de cirque
Un petit cheval amoureux
L’écuyère le tenait entre ses cuisses
Il en était vraiment très heureux.
Les quelques lignes qui précèdent donnent une image de Saint Germain des Prés qui n’existe plus. « il n’y a plus d’après… » a chanté Juliette.
C’est un hommage que j’avais à coeur d’offrir à la mémoire de Boris Vian, qui fut tout et qui ne fut rien.
S’il existe encore aujourd’hui, c’est à travers ses livres. Ses pièces de théâtres ne sont plus jouées et sa musique, essentiellement de jazz, est ignorée dans les discothèques. Et pourtant… tant du collège de pataphysique que du côté de l’existentialisme, il est impossible de parler du Paris de la juste après guerre sans ouvrir, par hasard, un journal où il n’ait pas écrit, un cours de philosophie où il n’est pas cité, un personnage de la peinture ou de la musique qu’il n’ait pas connu.
Boris Vian, génie méconnu ? Il paraît qu’il existe encore pas mal de feuillets écrits à la hâte, dans l’appréhension d’une mort prochaine (à 39 ans) qui se trouveraient chez les héritiers de ses épouses et de ses amis.
C’est ainsi…
Un dernier conseil de l’ami Boris aux paroliers de chansons.
Ami, tu veux devenir poète,
Ne fais surtout pas l’imbécile,
N’écris pas des chansons trop bêtes
Même si les gourdes aiment ça…
Qu’est-ce que la jeunesse ? Elle n’est affaire que de comportements. Boris Vian est un de ses derniers héros. Il est intemporel. Il aurait eu quatre-vingt trois ans le 10 mars 2003.

25 août 2003

La disparition de Jacques Yerna.

La dernière fois que j’ai rencontré Jacques Yerna, c’était à l’enterrement d’Urbain Destrée.
Tandis que les Mordant, Nollet, Potier, Vandersmissen, émerillonnés par le discours de Jean-Maurice Dehousse avaient peine à quitter le premier rang, Jacques étaient tout à fait à l’écart à la troisième ou quatrième rangée.
Je pensais en dévisageant l’aréopage de ceux dont personne ne se souviendra, à ce cuirasser Potemkine amarrés à Saint-Pétersbourg sur un wharf de la Neva. On le visite pour quelques kopeks. La liste des révoltés est à l’intérieur. Tout le monde passe et personne ne s’en soucie. Telle est la FGTB liégeoise aujourd’hui. Le rafiot est toujours amarré place Saint-Paul, on le visite, surtout pour les besoins du chômage. Les galonnés passent l’air toujours aussi important et qui s’en soucie encore ? Evidemment, ils n’ont pas la stature des héros de 1905.
Autrement était Jacques Yerna, autre temps, autre stature… Rien qu’un détail qui vaut son prix, quand on pense qu’à 80 ans, il allait encore tous les samedis à Vottem protester contre le centre fermé pour étrangers !
A l’enterrement d’Urbain, je vois encore Jacques Yerna appuyé contre un mur et parlant avec quelques personnes. Nous nous connaissions sans nous fréquenter. Je me suis approché, une sorte d’instinct me poussait vers lui. Je lui dis à peu près ceci : « Mon cher Jacques, peut-être ne nous reverrons-nous plus, je profite de cette occasion pour te dire que tu es un chic type et que j’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour toi. » Que les gens qui étaient présents avec lui ce jour-là, s’ils me lisent, me donnent acte de la véracité de ces paroles.
C’est tout ce que je souhaitais exprimer.
Il balbutia quelques mots du genre « Qu’en sais-tu que nous ne nous reverrons jamais plus ? Alors que nous nous voyons aujourd’hui et que ça fait… » Le comptage des années que nous ne nous étions vus l’arrêta. Ce furent les dernières paroles que j’entendis de lui.
Je ne vais pas retracer la carrière de Jacques Yerna.
Il suffit d’ouvrir Internet ou mieux d’écouter les flots de bavardages des importants qui ne manqueront pas d’évoquer quelques moments de la vie de cet homme : de 1962 à 1988 secrétaire de la FGTB de Liège-Huy-Waremme. Des anciens se souviendront de Jacques collaborant avec Mandel à lancer le journal « La Gauche » et puis la suite, ses grands rendez-vous avec l’histoire du Pays de Liège, les grandes grèves, sa collaboration à la politique d’André Renard, la présidence du Mouvement Populaire Wallon, le fédéralisme, les réformes de structure et ses démêlés avec le PS.
Une des raisons qui font que l’on parlera de lui longtemps à l’inverse des successeurs dont personne ne se soucie, c’est que les grandes entreprises qui faisaient la force des mouvements syndicaux pouvaient mobiliser des milliers de travailleurs. C’est ainsi que Jacques Yerna a pu du balcon de la place Saint-Paul devant 15.000 grévistes proposer que l’on marchât sur Bruxelles en décembre 1960.
On a vu comment les responsables ont préparé la fin d’ARCELOR aux petits oignons et comme dans les jours d’avril 2003, alors qu’on était toujours dans l’incertitude, les travailleurs de Cockerill et ceux qu’ils entraînaient avec eux. Si les socialistes et le comité Potier n’avaient pas trouvé tout de suite des provisions à jeter aux « fauves », cela allait faire du vilain.
Eh bien ! nous avons vécu place Saint-Lambert une des dernières grandes manifestations hostiles au régime au grand soulagement des collaborateurs du système capitaliste.
Autre période, autre réaction. Le revers de la médaille pour nos modernes syndicalistes, c’est qu’ils passent du cheval de don Quichotte à l’âne de Sancho Pansa et comme ils ont une haute idée d’eux-mêmes cela doit toucher leur amour-propre !
Il y a toujours eu un mystère Jacques Yerna sur son attachement au socialisme. Malgré les crises et ses démêlés avec les apparatchiks, il est resté fidèle au parti, hormis la période de 1964 où il en fut exclu. Pour qui l’a bien connu, il avait le discours d’un trotskiste. Il avait horreur des carriéristes et des parachutés pistonnés, fort nombreux aux guichets de « l’action » syndicale.
Il s’en est expliqué lors d’une de ses dernières interviews. J’y découperai quelques mots qui aideront à comprendre : « Le parti socialiste est un parti de masse. Et un parti de masse ne peut pas être révolutionnaire. Il est nécessairement réformiste, parfois même conservateur. Il ne peut donc évoluer vers une prise de conscience dynamique que s’il laisse se développer en son sein une tendance plus radicale. Je dis toujours que je suis venu au Parti par le cœur (mes racines) et que j’y reste par la raison. »
Ce sera un des grands échecs avoués de Jacques Yerna de n’avoir pas pu pousser le PS plus à gauche.
Une autre raison inavouée mais que l’on comprend vite en gravitant autour des centrales et de la Régionale, c’est l’espèce de parcours obligé du militant haut niveau, adhérant aux quatre mouvements socialistes, je dis bien quatre mouvements même si l’Union Coopérative n’existe plus, car dans une certaine mesure on pourrait lui substituer les Loges.
Combien de militants courageux, compétents, honnêtes mais qui n’étaient pas socialistes se sont cassé les dents et ont dû renoncer à leur mandat dans cette Régionale liégeoise ?
Aujourd’hui que plus rien n’a d’importance et que tout s’est délité, on a pu voir Potier, président de la régionale, monter à la tribune du PS le premier mai 2003, sans aucune protestation des militants attachés à l’équilibre entre les partis de gauche au sein de la Fédération. Il faut dire aussi que les partis de gauche aujourd’hui… c’est comme parler du niveau de l’Ourthe après quinze jours de canicule.
Cela restera pour moi une question sans réponse, celle de n’avoir pas songé à demander à Jacques ce qu’il pensait de cette Régionale désormais à la botte des Messieurs de la place Sainte-Véronique ?

24 août 2003

Ça ne s’arrange pas !

- Bonjour.
- Bonjour.
- Ça ne s’arrange pas.
- Qu’est-ce qui ne s’arrange pas ?
- Allons, vous le savez bien.
- Non.
- Vous me faites marcher ?
- Non. Je vous assure.
- Je ne vous crois pas.
(Le type s’en va en haussant les épaules)
(Un autre qui a entendu toute la scène s’approche)
- Bonjour !
- Bonjour.
- J’ai apprécié-là…
- Pardon ?
- Oui, comme vous l’avez mené en bateau.
- Moi ?
- Oui. Mais il s’en est rendu compte. Il est parti.
- Je voudrais bien savoir pourquoi ?
- Pourquoi il est parti ? Allons, vous plaisantez ?
- Non. Je vous assure.
- Vous le savez bien, comme tout le monde, ce qui ne s’arrange pas.
- Justement, non !
- Ah ! mais on ne me la fait pas.
- Enfin…
- Il faut que vous le preniez sur un autre ton.
- Quel ton ?
- Le ton que vous prenez ne me plaît pas.
- Si d’abord vous me disiez ce qui ne s’arrange pas, qu’on sache pourquoi nous nous querellons ?
- C’en est trop. Vous me prenez pour un idiot ?
- Moi ?
- Oui, vous.
- Pourquoi je vous prendrais pour un idiot ?
- Vous venez de vous foutre d’un type sous mes yeux et vous voulez recommencer avec moi !
- C’est un peu fort tout de même.
- Oui, c’est un peu fort. Je ne sais ce qui me retient de vous casser la gueule !
(Il part en roulant des épaules, en maugréant : « Comme s’il n’était au courant de rien. »)

(Un troisième type qui a attendu que le deuxième s’éloigne, s’approche.)
- Vous n’auriez pas du…
- Vous voulez me foutre la paix !
- Mais, vous êtes un mal embouché, vous !
- Tiens donc et pourquoi ?
- Je m’approche et je vous demande : Vous n’auriez pas du feu ?…
- Ah ! Il fallait aller au bout de la phrase et ne pas dire : « Vous n’auriez pas du… »
- Vous n’allez pas me reprocher de chercher mes mots, tout de même ?
- Vous cherchez le mot « feu » par exemple ?
- Exactement.
- Comme si un mot pareil ne venait pas tout de suite à l’esprit !
- C’est comme ça. Je cherche mes mots. Comme celui-là par exemple.
- Quel mot ?
- Vous le savez bien. Celui que je cherche en ce moment.
- Vous l’avez de nouveau perdu ?
- Si je le savais, je vous le dirais…
- Ne me dites pas que vous ne le savez plus ?
- Oui. Je vous assure.
- Alors vous êtes bien le seul !
- Si je suis le seul, c’est que vous le savez ?
- Bien sûr, puisque je viens de vous le dire. Vous cherchez le mot « feu ».
- Merci.
- A votre tour… dites-moi ce que je dois savoir qui ne s’arrange pas ?
- C’est extrêmement délicat.
- Allons bon !
- Je les ai entendu dire que si cela ne s’arrangeait pas que c’était de votre faute…
- Je ne les connais pas ces types ? Comment peuvent-ils dire cela ?
- Moi non plus, je ne les connais pas. Pourtant ils n’ont pas tort.
- Vous croyez ? Alors ce mot qui fait que cela ne s’arrange pas ?
- Pas de chance. J’ai retrouvé le mot « feu » mais j’ai perdu l’autre !
- Je ne peux pas vous aider ?
- C’est inutile, puisque vous le connaissez.
- Ah ! c’est la meilleure…
- Même que vous avez fait marcher les deux autres !

23 août 2003

Sacré Bernard

Tout le monde l’aime, Bernard Kouchner, de la droite à la gauche. C’est l’homme des grandes causes, du Kosovo, des consensus à la recherche de la Paix, de Médecin sans Frontière, de la générosité, etc.
Intarissable aux commentaires le Bernard, il faut être un journaliste chevronné pour en placer une. Peut-être doit-on mettre cette impétuosité sur le désir de l’homme d’accomplir et de dire plusieurs choses en même temps, parce qu’il y a urgence, parce que les grandes causes n’attendent pas.
Ses ardeurs partent tout azimut, sont frappées du coin du bon sens. Ainsi, lorsqu’on l’interview sur le manque d’eau, la sécheresse, les dangers du soleil, il vole tout naturellement au secours du gouvernement Raffarin en disant à juste titre que le gouvernement n’est pas responsable des températures et du climat.
Il est pour les OGM sans nuance et l’intervention américaine en Irak.
Bref, Bernard Kouchner a des idées. Il tient à ce que cela se sache et il s’arrange pour cela.
Lorsqu’on l’interview sur l’événement du Larzac ce week-end dernier et des deux cent mille manifestants, il dit que cela est très bien que le peuple s’exprime, mais qu’il a tort de parler à tort et à travers de l’Organisation Mondiale du Commerce et des pays démocratiques qui y adhèrent. Si on l’y pousse, il développe sa pensée qui n’est ni plus ni moins une pensée libérale à l’état pur.
Et là, ça ne va plus.
S’il est très représentatif du socialisme actuel, Bernard Kouchner, on comprend que la clientèle de ce parti n’est plus à gauche, mais au centre. Sous Chirac et Raffarin pour un bon bout de temps, cette clientèle se sent courtisée de partout et n’a que l’embarras du choix.
Car, Bernard Kouchner c’est la gauche Fabius et Strauss-Kahn réunis. Et cette gauche-là n’a plus l’oreille des exploités, des petites gens et des laissés pour compte. On connaît cela en Belgique.
C’est une gauche qui n’écoute plus qu’elle-même, les yeux rivés sur les compteurs des voix, alliée de tous les compromis, dans le fond « classe moyenne » (pour parler en Kouchner « middle class »).
Le mari de Christine n’a pas écouté les altermondialistes du plateau du Larzac, à la limite, on se demande s’il ne s’en fout pas de laisser perdurer des pauvretés qui ne sont que les résultats des lois pures et dures du commerce unilatéralement appliquées par les « sans pitiés » de Wall Street, des hautes banques et des trusts ; s’il ne se moque pas éperdument des dégradations visibles de la planète, dues en grande partie au laisser faire et à l’ardeur générale à faire du fric avec tout. Il est à l’image de Raffarin qui parlait de ce rassemblement comme l’expression d’une nouvelle extrême gauche. Tout le monde sait – c’est le péché mignon du socialisme à la Belge aussi – pour bon nombre de socialistes, que l’ennemi n’est plus de droite !
Mais si le « fin » analyste qu’est Kouchner donne raison à Raffarin, ne devrait-il pas s’effrayer du pouvoir mobilisateur de cette extrême gauche-là qui fait monter deux cent mille personnes sur le Larzac en pleine canicule ? Quand on voit la maigreur des assemblées socialistes et UDR, à sa place, je serais pris d’un doute…
Si c’est cela le socialisme aujourd’hui, il est normal qu’il n’y ait pas eu de place pour Kouchner au Larzac. Ne serait-il pas jaloux de l’extraordinaire popularité de José Bové ?
Dans tous les domaines, c’est pareil. Bernard s’emballe. La machine ronronne et c’est parti pour une leçon de chose. Les pensions, il est normal que l’on touche moins et qu’on travaille plus. Les grèves des enseignants, voilà longtemps que des réformes sont attendues, alors pourquoi se plaindre ? Les Intermittents du spectacle : des millions sont distribués à ceux qui n’en ont pas besoin. Etc. Et si toutes ces raisons ont quelque part un fond de vérité, comment ne voit-il pas que les solutions proposées ne peuvent convenir en aucune manière à la gauche, parce qu’elles ne sont que les résultantes d’une pensée libérale et conservatrice ?
Il atteint au sublime quand il aborde le problème des OGM. Il balaie d’un revers de main le manque de connaissance actuel sur les dérives possibles, les dangers d’avancer dans l’inconnu avec les manipulations de la nature. Il concède que les grainetiers ne devraient pas avoir la haute main sur les produits modifiés, sans avancer de solutions. Il retombe vite dans la glorification du progrès et du respect de la science. Ah ! Il faut qu’on le sache, Bernard est médecin. Il sait de quoi il parle. Les autres n’ont plus qu’à l’écouter religieusement… On finirait par avoir le réflexe de dire : « Combien je vous dois, docteur ? ».
Un champ de plantes modifiées, peut « contaminer » toutes les autres plantes de tous les autres champs sans qu’il soit possible d’arrêter le processus. Il devrait se pencher sur l’histoire de l’algue tueuse Caulerpa Taxifolia qui est en train de détruire la flore du versant européen du bassin méditerranéen sans qu’on n’ait aucune parade à l’heure qu’il est.
Son prétexte est honorable, plus les plantes résisteront aux insectes et aux maladies plus il sera facile de les cultiver partout et plus il y en aura. Voilà bien le raisonnement du docteur Folamour, celui qui ne voit qu’un résultat idéal, sans bien s’apercevoir qu’entre l’idéal et la réalité, il y a un écart considérable qu’un vrai scientifique doit évaluer avant de se lancer dans l’inconnu.
Et c’est la même chose pour le reste. Les centrales nucléaires ? Il faut du courant, alors qu’est-ce qu’on attend pour en construire d’autres ? Il n’est pas contre les autres moyens de produire de l’électricité - quoique il soit sceptique, c’est le moins - du credo écologiste qui veut des productions propres.
L’avenir de toutes ces énormes centrales de béton contaminées pour plus de trois cents ans par une grande radioactivité et une radioactivité moindre pendant les trois mille ans suivants, qu’en fait-il ? Cet optimiste impénitent nous rassure en nous disant que d’ici vingt ans on aura trouvé le moyen d’une rapide décontamination et il n’est pas dit que dans moins d’un siècle on ne créera pas des centres aérés sur ces lieux décontaminés !
On sort des interviews du grand homme saoulé de ses mots, hagard et l’esprit à la débandade. Lui pas. Toujours aussi bondissant, charmeur, sans appréhension du monde de demain, il repart déjà sur un autre sujet. La politique par exemple ? C’est là qu’il est le plus fort. Avec son palmarès à l’ONU, son administration au Kosovo, ses conférences, son aura, il est l’homme de toutes les situations. C’est le José Happart français, du temps où José chauffait ses fers dans les forges de la renommée des Fourons avant de se présenter au PS. Que dire de plus, sinon qu’à force de désirer le pouvoir pour le pouvoir, d’assumer le rôle de gouverner alternativement le pays avec la droite (En Belgique, on fait mieux, on collabore avec elle), de compromission en compromission, Bernard Kouchner et les partis socialistes européens qui sont à son image, devraient se poser une seule question qui à la fois chapeauteraient toutes les autres et éclaireraient l’opinion : Sont-ils encore socialistes ?

22 août 2003

Il est le meilleur

- Monsieur Ruppert Golden, vous êtes connu à Hollywood comme le critique qui fait et défait les réputations. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
- J’ai une grande connaissance du métier d’acteur. Mon Académie, au lieu de donner des Oscar, décerne des Ruppert. Et croyez-moi, il vaut mieux un Ruppert sur sa cheminée…
- Comment décidez-vous qu’un acteur est bon ou mauvais ?
- Je vous réponds par l’exemple. Le temps de prendre quelques photos. Voici, regardez bien, c’est Bruce Willis…
Voulez-vous que je vous montre Bruce sur le tournage d’«Une vie à deux » ? « Sixième sens » ? Tenez voici Bruce avec Demi More. C’est encore celle-ci que je préfère, Bruce dans « Le chacal ». Un détail physique nouveau cependant.
-Oui, il perd ses cheveux.
- Je ne vous le fais pas dire.
- Bruce ne sait malheureusement jouer que Bruce. Il n’a pas la palette d’un Jean-Claude Van Damme et surtout du meilleur en cemoment.
- Vous me mettez l’eau à la bouche.
- Vous pouvez. Je veux parler d’Eddy Murphy. Voici sa photo fétiche.
- C’est la photo qu’il distribue dans la rue. Il en a toujours plein les poches. Il a un secrétaire à temps plein qui signe à sa place.
- Maintenant, observez bien la photo que je vous présente.
- Non ! C’est lui ? Mais il est blanc sur cette photo !
- Absolument. C’est pour le nouveau film Universal . C’est l’histoire d’un blanc qui se fait virer du collège où il est prof parce que ses parents sont noirs. Il n’y avait qu’Eddy pour accepter ce rôle et le réussir à la perfection.
- Je vais vous montrer plus fort encore. Voilà un remake du bal des sirènes qu’il a tourné l’année dernière. Vous le reconnaissez !
- A peine. C’est prodigieux.
- Vous connaissez d’autres comédiens de cette valeur.
- Non. Celui-ci est inestimable. Outre Jean-Claude Vandamme qui a le plus beau jeu de jambes de tout Beverly Hills, nous avons Johnny Depp qui n’est pas mal. Le voici dans un thriller de la Paramount.
- Mais, c’est tout le portrait de Humphrey Bogart !
- Saisissant, n’est-ce pas ? Devant ce travail admirable, nous avons décidé de refaire Casablanca en couleur. Nous avons demandé à Vanessa Paradis si elle avait assez de talent pour se glisser dans la peau d’Ingrid Bergman. Les premiers essais ne sont guère à la mesure de nos espérances. Jugez plutôt.
- Vous avouerez que le producteur hésite.
- Là, elle n’est pas crédible.
- C’est ce qui nous inquiète.
- Quel âge peut-elle avoir ?
- Oh ! bien plus que ça !...

21 août 2003

Larzac haut lieu de la contestation sociale

On ne peut pas passer ce week-end du 10 août sans parler du Larzac.
Les organisateurs espéraient entre 50 et 100.000 participants. Samedi 9, on a barré les routes après que 150.000 contestataires aient gravi les pentes raides depuis Millau pour accéder au plateau. Le rassemblement à L’Hospitalet-du-Larzac affichait complet ! C’est une belle réussite qui fait le pied de nez au futur sommet de l’OMC qui aura lieu à Cancun dans un mois.
Jamais dans la mémoire collective de l’humanité on n’aura vu un tel divorce entre les populations du monde à peu près toutes unanimes pour dénoncer les méfaits de la pieuvre du commerce international et leurs dirigeants. Jamais, on n’aura senti autant de différences entre le parler vrai entendu dans ce lieu témoin des luttes paysannes et les politiciens à la langue de bois, au sourire éternel et à l’extraordinaire faculté de rebondir dans toutes les situations.
Le mouvement altermondialiste prend de l’ampleur et de l’assurance. Il était judicieux de recevoir les contestataires de partout dans une France où se font entendre depuis des mois les acteurs de la vie sociale, des enseignants aux intermittents du spectacle, afin d’y recueillir les avis et les expériences de tous ceux qui luttent pour un monde plus propre, meilleur et plus juste.
Ce rassemblement voulu par José Bové et les Confédérations paysannes vient trente ans après les manifestations contre l’extension du camp militaire sur le plateau.
Pour aimer depuis longtemps cette magnifique région de Millau, des causses à la Couvertoyrade, dans ces paysages grandioses et désolés du plateau jusqu’aux méandres du Tarn et de ses gorges vertigineuses, je puis dire qu’on ne pouvait mieux choisir d’endroit pour y défendre la nature et les gens qui y vivent.
Je m’en voudrais de ne pas citer toutes les organisations qui sont à la pointe des actions pour que demain nos enfants n’aient pas honte de nous. Attac, les syndicats du Groupe des Dix-Solidaires, la FSU, le Mouvement de l’Immigration et des banlieues (MIB), Greenpeace, Droit Devant, AC. organisaient des forums de discussion avec les participants venus du monde entier : Inde, Chine, Amérique du Sud, Australie, Afrique australe, etc.
Enfin débarrassés des décors de carton des Assemblées dites à tort « populaires » et des symboles d’une démocratie capitularde devant le fric, les gens qui vivent difficilement retrouvent la parole qui leur est confisquée quotidiennement, pour confronter leurs points de vue dans des forums dont les génériques font rêver : « Ecole et marchandisation », « l’Agriculture européenne sacrifiée sur l’autel du libéralisme mondial », « Libéralisation des services : une menace pour tous, des gains pour quelques-uns », « OGM », « Culture et mondialisation », « intermittents du spectacle », « Droits à acquérir, droits à conquérir ».
Lors d’une interview, José Bové resitue le débat de l’OMC au niveau européen. Je cite : « La question centrale est celle de la hiérarchie des droits entre les institutions internationales. L’OMC est en train de structurer le monde parce qu’elle est la seule institution capable de faire pression sur les Etats ».
Si j’ai privilégié cette citation, c’est bien parce que depuis le début de ces conversations avec vous, je n’ai cessé de dénoncer le scandale de la démission du politique devant les intérêts particuliers du monde économique.
Placé sous le signe de la dénonciation de la marchandisation de toute activité humaine, on aurait pu s’attendre à voir quelques partis de gauche s’inscrire dans le mouvement. Peut-être n’ont-ils pas été acceptés parmi les composantes organisatrices du Larzac ? C’est dommage. Tous les militants socialistes ne sont pas nécessairement les collaborateurs du capital et ne participent pas ouvertement à des gouvernements carrément libéraux comme celui que nos élus ont mitonné pour quatre ans dans ce fichu pays où seul Manneke Pis paraît avoir conservé, seul, sa liberté entière d’expression.

20 août 2003

Les échos d’un voyage présidentiel en préparation

Réception à Fastlovikaoh en l’honneur de Marcelin l’ambassadeur du Président Tony. (voir http:www.leplatdujour.com) Ci-dessous le vice président et sa compagne lors de la cérémonie de la remise des clés de la ville.

Discours en fastlovikaohien de son altesse le roi-président par intérim.

Kir, j’ai connu Lol sur IRC, c’est une t’chatteuse. Son blase, Anastasie pk était oqp tit ou away. Voulait-elle frimé Big Brother ? Un cracker dans un demos party m’a livré clé sur porte son matricule courriel. J’avais peur qu’elle prenne mon intrusion pour un hoax.
Je suis sorti de mon Divx plus compressé que jamais. Mon cœur était empty side. Je me voyais fruck U lamerz. Elle a rien dit. Newbie, elle n’y a vu que du feu.
Je lui ai envoyé mon ping. Son émit porteuse en fin de course, risquait l’écran bleu.
Brb qu’elle a fait. On s’est retrouvé au troquet, en première. Yop, kikoo, ai-je dit. Dr qu’elle répond. Le visu c’est mieux que l’IRC. Elle fait son prix sur la world list. J’étais pas encore son root. Mais je voyais que j’avais l’effet supplyer. J’étais pas trop gamez, pas encore son flatrate, enfin juste une lichette, mais sans la langue, je jure !
Son blème, c’est son Jules, bootleg qu’elle a connu à Led Zeppelin. Depuis, il fait son Langlois. Pour elle, c’est du vieux film. Comment le swapper ?
Tu vas ptdr qu’elle jargouine, klr son SPAM n’est plus sollicité. Si tu veux qu’on soit staz, faudra trouver un trojan pour me dédouaner.
J’ai couriellé à Ezine. Puis, dans t’chat je suis tombé sur un Fass a vite qui a snifé les fichiers et pourri son logiciel moyennant des thunes. Son Jules était un peu phreaker. DDos, il a compris et laisse béton Anastasie. Thx pour tout.
Son altesse sérénissime héritière à la présidence de Fastlovikaoh, Anastasie de la Cage aux Lions, demi-sœur par adoption du chef comptable de la maison présidentielle.
Les robes sont de la Maison Fifine rue Surlet. Les effets spéciaux de toilettage sont de Coquinou.

19 août 2003

La presse écrite plus nécessaire que jamais

L’absence de lecteurs a déjà « tué » la presse de gauche en Wallonie et mis à mal les quotidiens à vocations régionales.
La désillusion des politiques éditoriales, le déclin de la presse, il s’en est fallu de peu que se perdît le plaisir d’écrire et de réfléchir depuis l’écrit.
Mais qu’a donc fait la presse écrite pour mériter un tel désintérêt ?
Les journalistes ne sont ni pires ni meilleurs qu’avant. Il conviendrait même de souligner leur intégrité, leur valeur et leur conscience professionnelle. Ils font ce qu’ils peuvent avec des moyens qui ne sont pas en rapport des progrès techniques. Mettre en cause certaines lignes éditoriales n’est pas justifiée dans la mesure où quelques titres de droite progressent. Peut-être que les contraintes et les contradictions de la presse de gauche étaient devenues tellement importantes qu’il était impossible de maintenir des journaux comme « le Matin », malheureux repreneur de notre « Wallonie » locale ? Ce qui frappe surtout c’est la liberté et la vivacité d’expression sur la Toile qu’une certaine presse écrite aurait perdues au fil du temps sous le poids des ukases de ses actionnaires, peut-être… Mais telle quelle, c’est toujours un outil exceptionnel et irremplaçable.
Comme il est simple à démontrer.
Un concurrent direct de la presse écrite est le journal télévisé. Rapide, évocateur et s’appuyant sur une illustration qui en fait plutôt un magazine séduisant le téléspectateur. Son tort, c’est de traiter superficiellement l’information, de privilégier des reportages plutôt que des commentaires sans qu’il y ait apparence de hiérarchie et enfin d’avoir une durée déterminée. Abondantes ou clairsemées, les nouvelles ont vingt minutes pour accrocher le public. Parfois, c’est trop, d’autres fois, c’est très peu. Enfin, à part des informations médiatiques comme les guerres où chaque jour vaut son pesant de nouvelles, tout le reste est affaire de circonstances et de volonté à la merci du directeur de l’information. Certaines chaînes comme ARTE ou d’autres télévisions à informations continues seraient de nature à nuancer le constat. Elles ont un faible taux d’écoute. La presse reste donc un outil indispensable à la connaissance.
Un seul exemple.
L’année dernière nous nous étions émus de la situation catastrophique de l’économie de l’Argentine suite à une information de la RTBf.
Depuis, sur cette antenne, quelques vagues rappels, pas de quoi se forger vraiment une opinion.
C’est grâce à la presse écrite : des journaux argentins et espagnols et surtout aux journaux comme « Le Monde », que l’on peut faire un bilan et tenter un rapprochement avec une situation que nous connaissons.
Qu’ils en soient remerciés par ce petit texte que je leur dédie.


SUITE DES MALHEURS DU PEUPLE ARGENTIN

Dans la crise argentine à peine évoquée à la télévision, ce qui frappe dès l’abord, c’est la différence de ton entre la presse argentine et espagnole et celle de Washington. Le débat se situe au niveau du FMI. L’Argentine ne peut pas rembourser sa dette extérieure. Par conséquent aucune aide internationale ne lui est attribuée. Même si un accord était trouvé, l’argent ne servirait pas à nourrir ceux qui ont faim, mais à désintéresser les créanciers, comme la banque mondiale. Le FMI utilise son pouvoir comme s’il était en réalité le curateur chargé de désintéresser les créanciers et le premier à pousser à la liquidation d’un peuple Comme s’il n’était qu’une marchandise saisie.
Empêchée de la sorte d’accéder au fonds qui lui permettraient de figurer dans le commerce international, l’Argentine est victime d’une curatelle internationale. Elle ne peut plus ni exporter, ni importer.
Il y a quelques mois, le FMI devait libérer 700 millions de $ d’urgence pour les chômeurs qui représentent aujourd’hui 30 % de la population active de l’Argentine ! Le mécanisme de la dette a prévalu et ces 700 millions ont rejoint les caisses des créanciers. Ces millions auraient été les bienvenus quand on sait qu’à Buenos-Aires la malnutrition des enfants atteint près du tiers de ceux-ci !
Et dire que ce pays était parmi les plus riches d’Amérique latine ! On voit comme pèsent les peuples en terre libérale.
Au début de l’année, l’Argentine a donné son accord à toutes les exigences du FMI. Les municipalités se sont séparées de milliers de fonctionnaires – ce qui a aggravé la misère et déréglé les administrations locales et gouvernementales. Des lois ont été changées afin de revoir la procédure des faillites et favoriser les créanciers. Mais, aux dernières nouvelles, le FMI ajoute d’autres obligations à ses prétentions initiales.
Des analystes internationaux estiment que le FMI punit délibérément le pays afin de montrer par l’exemple ce qu’il adviendrait à ceux qui seraient tenter de ne pas rembourser leurs dettes.
Loin de régler la crise, le FMI l’aggrave. Le capitalisme mondial emploie la manière forte afin disent ses penseurs de restaurer la confiance des investisseurs étrangers. Au contraire, cette purge affaiblit davantage l’économie et va à l’inverse de ses buts avoués.
Ce qui est paradoxal, c’est que l’Argentine serait capable de se redresser seule avec un crédit suffisant. Le FMI est le principal obstacle à ce redressement. Cet organisme ultralibéral conforte la crise, la provoque même, au point que l’on se demande s’il ne conviendrait pas de placer cet organisme calamiteux à la tête des nuisances de la mondialisation.
On peut s’interroger sur l’intérêt pour nous Wallons d’en connaître sur le drame argentin ? Les perspectives de la sidérurgie wallonne avec ARCELOR, un patron peu fiable, ne serait-ce que dans la manière imprévisible avec laquelle il change de projets, les récentes reprises de participation de l’Etat français d’Alsthom qui pourrait si cela tournait mal pour sa sidérurgie recapitaliser ARCELOR et tourner le dos au programme de désengagement en Belgique, nous précipiteraient dans une spirale de type argentin.
Nous ne pourrions pas dire que nous ignorions le cas de figure de l’Argentine et nous nourrir d’illusions à la fois sur une aide éventuelle de l’Europe et une compréhension du libéralisme cher à notre gouvernement tout entier.
Pour conclure, croyez-vous qu’il m’aurait été possible de développer ces arguments rien qu’en m’instruisant au journal télévisé de nos deux chaînes confondues ?

18 août 2003

Un assassinat tiré par les cheveux

- De source sûre, ce serait Kennedy qui voulait se débarrasser de sa femme. Le tireur a éternué au mauvais moment et c’est le président qui a pris. Après, les services secrets ont inventé toute la mise en scène, pour pas qu’Oswald fasse du chantage à la Maison Blanche. Puis, ils l’ont fait tuer par Ruby, un gangster à qui on a mis le marcher en main : « Tu tues Oswald ou c’est toi qui vas sur la chaise. »
- De source sûre ?
- De source absolument sûre… Un soir, on a mis de la mort-aux-rats dans le thé de Ruby et il est mort. Ni vu, ni connu !
- C’est tout ?
- Non, ce n’est pas tout. De source sûre, le gardien-chef qui avait agi par ordre est mort mystérieusement dans sa voiture.
- Comment le sait-on ?
- On le sait, c’est tout. De toute manière, l’agent du FBI qui avait tiré une fléchette empoisonnée au curare dans le cou du gardien, s’est fait descendre dans les bureaux fédéraux mêmes.
- Par qui ?
- Par un certain Porfirio du département d’Etat.
- On a perdu sa trace ?
- Celui-là, détaché au Ministère de la justice, a été trouvé pendu au cuir de ses bretelles sous un pont du Potomac à Washington !
- De source sûre ?
- Absolument, on l’a su par un clochard qui a vu la scène et relevé le numéro de la voiture des types qui l’ont transporté sous le pont.
- On a fait des recherches ?
- Bien sûr. Mais elles n’ont pas abouti. C’était la voiture du Président des Etats-Unis !
- C’est énorme !
- Oui, c’est énorme. Tellement, qu’on a soupçonné longtemps Jackie d’avoir mis de la poudre à éternuer sur la gâchette du fusil à lunette d’Oswald, quand on a appris qu’elle aurait pu être la maîtresse du vice-président de son mari !
- Ce n’était pas elle ?
- Elle a démenti évidemment. Ce n’est que lorsqu’elle a épousé Onassis qu’on a enfin approché la vérité.
- Comment ?
- Sur le bateau d’Onassis, il y avait un certain Pedro Lopoulos, mi-grec, mi-mexicain, un capitaine qui aurait connu Kennedy lorsqu’il était dans la marine. Il paraît que le futur président lui aurait refusé ses faveurs dans les vestiaires du club de ping-pong militaire de la base d’Okinawa. Il en aurait conçu une haine violente.
- Tu crois ?
- Et pourquoi était-il sur le bateau d’Aristote ? Pour éliminer Jackie qui l’aurait vu en compagnie d’Oswald dans le rétroviseur de la voiture quelques instants avant les coups de feu.
- De source sûre ?
- Je ne sais pas. Il est difficile de savoir laquelle des versions de la police est la bonne et cela de source absolument sûre. De toute manière, seule Marilyn Monroe aurait pu faire avancer l’enquête. Elle est morte avant de parler.
- Tu crois qu’elle savait ?
- Il est à peu près certain qu’elle avait été la maîtresse d’Oswald, du Président, de Jackie, de Ruby, du gardien en chef de la prison et de toute l’équipe de baseball de di Maggio, son premier mari.
- Et pourquoi ne l’a-t-on pas interrogée ?
- Parce qu’on ne savait pas si elle avait été aussi la maîtresse du vice-président et d’Onassis. De toute manière, l’enquête n’aurait rien démontré, puisqu’elle avait été la maîtresse du frère de Kennedy qui était à ce moment-là le ministre de la justice et qui a été soupçonné par le FBI du meurtre de son frère !
- Non ?
- Si !
- De source sûre ?
- Absolument. Mais en réalité, c’était une machination d’un personnage fictif d’un roman d’Arthur Miller, le second mari de Marilyn, qui était jaloux d’Yves Montand qui avait demandé à Simone Signoret s’il pouvait être l’amant de sa partenaire du film « Le milliardaire ».
- Et Alors ?
- Alors ? L’enquête continue. On s’oriente maintenant du côté de l’Irak.
- De source sûre ?
- Alors là, oui. De source absolument sûre.
- Tu crois que Saddam aurait… lui aussi ?
- On pense que c’est à cause des gaz moutarde que tout serait arrivé.
- Ah ! bon…
- La semaine prochaine, les enquêteurs du FBI partent pour Dijon.

17 août 2003

Il était une fois l’Amérique

Quelque part, nous sommes tous orphelins de l’Amérique.
Une Amérique telle que nous l’avons rêvée, jusque très tard dans notre adolescence.
Une Amérique du prodigieux, avec ses grosses voitures et ses camions nickelés sur la 66, ses villas de Malibu et ses baigneuses aux longues jambes, ses ponts suspendus, les Rocheuses et le Grand Canyon. Nous savions que tout cela ne pouvait être que clichés et propagande, mais que cela existait vraiment puisque ce monde fascinant était immortalisé sur pellicule. Et, en fait de pellicules, n’avions-nous pas Hollywood et Sunset boulevard ? New York et Manhattan, si bien filmés par Woody Allen ? Oui, nous aimons cette Amérique-là qui fait clinquant, qui fait bazar, qui fait tout ce qu’on voudra mais qui nous a valu Glenn Miller, « Cherokee » de Count Basie… et 25.000 GI morts qui reposent en paix au cimetière de Neuville en Condroz, rien que pour notre région.
La jeunesse est enthousiaste et elle prend pour argent comptant tout ce qu’elle lit et tout ce qu’on lui raconte. Il ne s’est pas manqué des laudateurs de l’Amérique et pour ceux qui avaient moins de vingt ans dans ces années-là, il n’y avait pas grand-chose à dire pour les persuader que c’était cette Amérique de l’action et du bonheur facile qu’ils copieraient dans le futur.
Les responsables allaient dans leur sens. Nous épousions la politique de la plus grande démocratie du monde, nous en étions les clients et les fournisseurs. Nos meilleurs enfants allaient y travailler et revenaient en Stetson et Santiag, des dollars à près de cinquante francs pièce plein les poches.
La Belgique, déjà mondialiste et ultra libérale sous les dehors conventionnels d’une politique sociale de gauche, se laissait aller à rêver. Le journal La Meuse titrait « voilà comment nous serons dans vingt ans » sous l’égide d’un Gabriel auquel la Direction passait tout devant la réussite financière.
Le patronat avait pour la forme des gestes de mauvaises humeurs vis-à-vis d’une gauche qui s’équilibrait entre les socialistes, les plus nombreux, et les communistes parmi lesquels on amalgamait les maoïstes et les trotskistes. Mais c’était une mauvaise humeur amusée, de façade, pour ne pas lâcher trop de sous aux personnels, tant il était certain que le raz de marée économique venu des States ne pouvait que mettre tout le monde d’accord au volant de voitures neuves, et à l’abri de maisons individuelles avec jardinet et garage au bout de l’allée.
C’est à ces années-là que l’on doit le lent décalage entre le passé d’un syndicat issu de la charte de Quaregnon et l’actuel bureau des faillites du chômage des pas de chance. On ne savait pas qu’en démolissant la Populaire dans le cadre d’un nouveau Liège, que toute une tradition de la gauche serait fichue par terre et qu’on allait passer d’Emile Vandervelde à Elio Di Rupo. C’est-à-dire d’un mouvement anti-capitaliste et contestataire à un mouvement collaborationniste du capital. Tout ce glissement des valeurs résultait de la seule force d’attraction d’une Amérique triomphante. Une irrésistible soif de vivre « comme eux » saisissait les gens d’en haut, comme les gens d’en-bas, à la différence que les gens d’en bas allaient faire l’appoint pour que seuls les gens d’en-haut y parviennent. C’était un marché de dupe dont nous ne finissons pas de payer les conséquences.
Ce sont les écologistes, puis, petit à petit, les mouvements comme Green Peace jusqu’aux antimondialistes qui ont émis des doutes sur le formidable modèle, montré que ce standing américain tant convoité n’était possible que parce qu’il y avait trois milliards d’hommes dans la misère et que ce n’était qu’à l’aide d’un pillage continu des richesses de la planète que cet « american way of life » était possible. Le ratage au Vietnam et le mouvement hippie avait il est vrai permis aux plus vigilants de se démarquer dix ans auparavant, anticipant sur les économistes comme Galbraith et les journalistes comme Hubert Beuve-Méry, et permettant à des philosophes comme Pierre Bourdieu d’asseoir toute une théorie sur le caractère prédateur de l’impérialisme américain qui se vérifie de nos jours.
C’était un langage dur, mais de vérité.
Mais voilà, toute la politique européenne en matière économique tient essentiellement dans la crédibilité du modèle américain. Ils sombrent, nous sombrons !
Malgré leurs gestes de mauvaise humeur à l’affaire irakienne et leur semblant de liberté de parole qui s’en est suivi, nos gouvernants n’ont aucune politique de rechange. Si bien que nous assistons à cette chose étrange d’un gouvernement qui ne croit plus au modèle américain mais qui est incapable de revenir en arrière et qui s’associe avec le monde de la banque et des industries pour faire passer le credo à seule fin de ne pas décourager les masses à poursuivre un rêve, qu’ils savent bien à jamais impossible.
C’est que l’homme de la rue, mal informé, peu accessible au raisonnement, fâché contre les écolos depuis l’affaire de Francorchanps, malgré son salaire qui ne progresse plus, malgré le chômage qui va croissant, dans sa lutte âpre et sans issue du quotidien, a besoin de croire encore à l’Eldorado !
Il ne sait pas, l’homme de la rue, que plus son rêve se prolonge, plus vite ira-t-il au cauchemar. Plus il croit ce que les politiciens lui racontent, plus il croit aux nécessaires sacrifices qui déboucheront sur des progrès du type américain, moins il lui reste de temps avant que tout ne s’écroule.
C’est qu’à notre porte, les gens à qui on a tout pris depuis longtemps, ne font pas la distinction entre nous – gobeurs de mouches – et les vrais profiteurs exclusifs, nos « amis » américains. Certes, ceux-ci ont la plus forte et la meilleure armée du monde, à nulle autre pareille. La démocratie croit-elle pouvoir s’imposer chez les autres à coups de canon ?
Tout le long passé de l’histoire du monde nous démontre que jamais aucune puissance n’a pu se maintenir au premier rang en tapant sur les autres.
Si nous avons encore ce vieux réflexe qui fait référence à nos amis américains pour ce qui concerne la vie en démocratie, les autres qui ne l’ont jamais eu, ne vont pas commencer à rêver chez eux d’un tel système, maintenant qu’ils sont menacés, voire occupés par ces Américains qui pour eux descendraient tout aussi bien de la lune.
On a vu le communisme s’effondrer spectaculairement en un an. Ici, on a applaudi « la victoire » de la démocratie, alors qu’il ne s’agissait que de la défaite d’un régime qui s’est délité par dégénérescence et accaparement des biens par son « élite ».
Le système capitaliste « triomphant » est sur la pente savonneuse justement pour les mêmes causes. La dernière touche à l’édifice avant que tout ne s’effondre et se dérégule, c’est cette irréversible mondialisation que tout le ponde regarde sans pouvoir contrôler le processus, voire l’interrompre par un plan opposé.
Nul ne peut empêcher la désagrégation finale, car ceux qui le pourraient sont justement ceux qui en profitent le plus, les autres, politiciens ou hommes du peuple, ne sont que des spectateurs aussi impuissants qu’ils sont impotents d’avoir trop longtemps cru que le dieu dollar allait les sortir de leur fauteuil de paralytique et leur dire « lève-toi et marche ! »
Non seulement, ils ne se lèveront pas – c’est beaucoup trop tard – mais ceux qui y croiront jusqu’au bout et qui se lèveront, se casseront la gueule au tournant de l’histoire.

16 août 2003

Comment désarmer le ministère des armées ?

Depuis qu’on ne fait plus que dans l’humanitaire, si au lieu d’avoir des militaires, on avait des infirmiers, ça serait quand même mieux, non ?
Fini le temps où les paras sautaient sur Kolwezi. Maintenant, ils ne sautent plus que sur des mines qui explosent et ça fait de la peine à Flahaut. Puis, comment raconter qu’on est mort pour la patrie à Nouakchott ou Lubumbashi à protéger des installations de la de Beer en prospection d’or et de diamant ?
Il y a le problème du ministère de la Défense. Comment recaser les hauts fonctionnaires et les hauts militaires qui campent dans les couloirs ? Le chômage bat son plein. On pourrait garder le ministère qui s’appellerait toujours le ministère de la Défense et qui serait chargé de toutes les défenses : défense d’uriner, défense de circuler sur l’autoroute dans le sens contraire, défense de marcher sur les pelouses, etc. Comme ce ne serait pas suffisant, on adjoindrait le département de tenir : tenir son chien en laisse, tenir sa droite. On pourrait même envisager à terme une fusion de défense et de tenir, comme, par exemple : défense de tenir des propos subversifs, ou défense de tenir la rampe d’escalier quand c’est un aveugle qui monte. Comme on voit, le travail ne manquerait pas.
Reste le problème de Flahaut. Il s’agit dans cette suppression d’emploi, ni plus ni moins, d’une atteinte au principe du fédéralisme, base de notre société. Quand on supprime un ministre wallon, il faut supprimer un ministre flamand. On voit le jeu de domino ? Pour finir avec Louis Michel et Verhofstadt qui se partageraient tous les ministères, ce n’est pas la peine. D’autant que si on supprime un ministre wallon socialiste, il faut supprimer un ministre flamand libéral. Mais alors, il faudrait aussitôt supprimer un ministre wallon libéral, question d’équilibre entre les partis. Hé oui ! la vie n’est pas simple sous nos trois couleurs.
Alors, me direz-vous, pourquoi ne pas laisser Flahaut au ministère de la Défense ? Mais parce que par définition, le ministre de la défense actuel n’est pas qualifié pour faire respecter la défense d’uriner, entre autres, quand on pense à l’énorme quantité d’urine que les mess actuels de l’armée déversent à cause de la bière bue ! Comment voulez-vous également qu’un homme de gauche fasse respecter la consigne de tenir sa droite ?
Bien sûr, de nos jours, la droite ou la gauche, on ne sait plus très bien. Justement, ce ministère serait chargé de nous montrer qu’il y a des différences.
Le recaser ailleurs ? L’embêtant, tous les ministres le déclarent un jour, ils ne savent rien faire d’autre. Une vocation, cela ne s’explique pas. Flahaut dès huit ans : Qu’est-ce que tu veux faire, mon petit ? Réponse : ministre ! Que voulez-vous faire contre cela ?
Autre problème. Que ferions-nous de l’arsenal devenu inutile ? Le donner là où nous enverrions nos équipes humanitaires afin qu’elles ne restent pas sans rien faire. Oui, c’est une solution. Mais outre que nous n’en retirerions aucun bénéfice, nous serions victimes de notre générosité.
On a bien songé les couler en mer du Nord pour faire scier nos canons et nos chars par la société hollandaise qui découpe en rondelle le Tricolore, mais outre les frais de transport d’aller et retour énormes, comment ferions-nous respecter « Défense de remonter la Manche à contre sens », si nous barrons le passage avec nos débris ?
On pourrait déléguer Laurette, notre vice première, aux discussions préliminaires à la fermeture de la FN. Avec elle, on serait assuré que dix ans plus tard, les parlottes auraient eu raison des passions ! Quelle usine peut encore se vanter d’avoir dix ans de travail devant elle ?
Reste enfin notre armée de métier. Comment s’en débarrasser ? Il n’y a plus de colonie et on a découragé les Américains de nous employer dans leurs expéditions pacifiques. C’est peut-être cruel, mais le propre d’un soldat de métier n’est-il pas de mourir en héros ? N’en sont-ils pas dignes ? Il suffirait de créer les occasions de mourir en héros. Mais des occasions pacifiques, il va de soi, comme faire un concours au plus gros mangeur de saucisses, celui qui résiste au plus haut voltage, qui saute sans parachute de mille mètres et qui vise une meule de foin. Evidemment, seules des solutions collectives viendraient à bout du problème. Bernard Pivot pourrait organiser une dictée « spéciale militaire ». Peu en réchapperait. Comme on voit, toutes les propositions sont bienvenues.
Comme toujours, c’est quand on a le nez sur l’obstacle qu’on y pense. C’est bien belge cela.
Clemenceau qui ne pouvait rien faire sans imiter avait repris de Voltaire « Notre santé est une chose trop importante pour la confier aux médecins », pour s’écrier un jour « la guerre est une chose trop sérieuse pour être confiée aux militaires ».
C’est donc à l’issue de la Grande Guerre que l’on savait que le ministère de la défense créerait des problèmes. On a attendu près d’un siècle pour s’en rendre compte.
Que cette imprévoyance des armées et de leur ministre soit sanctionnée par un licenciement immédiat et sans indemnité, et nous voilà débarrassé de ce ministère inutile. Il conviendrait cependant de retirer toutes les armes des casernements avant la notification de la sanction. L’ennui, c’est qu’on n’a pas le personnel pour appliquer les mesures.
Et puis, dans le fond, qu’est-ce que ça gêne un ministère qui ne sert à rien ?
Il y en a tant d’autres qui travaillent sec pour finir avec le même résultat !

15 août 2003

A faire la bête

- Je suis pour les animaux. C’est dégueulasse ce qu’ils font avec les chiens. Ils les droguent, comme je te le dis. Puis, ils s’arrêtent. Alors le chien, il est en manque. C’est pour qu’il cherche les drogues sur les aéroports, dans les bagages des gens, pour sa consommation personnelle.
- Remarque, si ça peut sauver des vies…
- Penses-tu, il y a des chiens qui se mettent d’accord avec le passeur. Moitié, moitié, pour faire semblant de renifler…
- Non !
- Comme je te le dis. Moi, je dis qu’ils pourraient remplacer les chiens par des drogués assermentés !
- Oui, ce serait plus humain. Parce que le chien, si tu le fais boire, il ira plus chercher la drogue. C’est au vice qu’il est accroc, le chien, pas à la drogue. Donc, si tu le fais boire, il ira au bistrot avec les flics.
- Faut être sérieux, allons. Les animaux, c’est sacré.
- Tout de même, il y en a qui exagère.
- Chez les gens ?
- Non. Chez les animaux. Prends les pigeons. Les a-t-on assez nourris en ville ! Tu vois comme ils nous récompensent. Le type qui aurait l’idée de mettre ça en tube, ce serait la faillite chez Patex.
- On aurait dû plutôt nourrir les lapins.
- Tu vois des milliers de lapins en ville ?
- Ils ont un avantage. C’est pas des culs à fiente, les lapins. Ils ont leur chose comme des compte-gouttes. C’est plus facile pour le balayeur. Ça roule vite fait dans les caniveaux.
- J’ai vu un reportage sur les termites. Enfin, j’ai vu, juste le temps de zapper…
- Voilà pourquoi le Gouvernement wallon ne veut pas supprimer tout à fait la redevance, pour ce qu’on en a à f… des termites !
- C’est des petits animaux, les termites, mais ils sont tellement nombreux qu’ils te bouffent un village africain en deux heures.
- Oui, on pourrait dire que les termites, c’est les Chinois des insectes.
- J’aime pas seulement les écolos parce que j’aime les légumes, mais aussi parce que j’aime les animaux. Les écolos ils expliquent tout. Ce que mon pinson mange. Comment farcir une dinde. Pourquoi les mouches mangent de la m…, même que si on les élevait pour ça, elles deviendraient utiles ! Ce serait facile, on refait pour pas cher les égouts à ciel ouvert Tu verrais les mouches, comme elles becquetteraient nos ordures.. Ils ont même trouvé de l’intelligence aux boas. Quand il zigzague, c’est qu’il n’est pas pressé, le boa.
- L’animal a besoin de liberté et je n’aime pas les animaux dressés, comme les tigres et les lions.
- Oui, c’est certain. Un hareng c’est plus libre qu’un lion. T’as déjà vu un hareng dressé, toi ? C’est dans l’eau qu’on trouve le plus de bêtes en liberté.
- Même les canards sont plus libres !
- C’est normal, ils ont des pattes de poisson !
- On aurait besoin de les étudier mieux. On deviendrait plus malin. Ils pourraient nous donner des leçons.
- C’est sans doute parce qu’elles n’ont pas de local à leur disposition, sinon, elles nous en apprendraient, les bêtes !

14 août 2003

L’école des grands destins.

Sans Ségala, Mitterrand n’aurait pas fait campagne avec le slogan de la force tranquille et n’aurait pas été élu. Jospin n’a pas été bien conseillé. Il a conservé la froideur distante du calviniste et l’intransigeance de Robespierre, même si tout cela n’était qu’apparence, il n’a pas été élu et sa campagne complètement ratée.
Certains hommes politiques belges sont passés par des écoles baptisées discrètement de diction. Il eût été contraire pour la carrière qu’elles s’appelassent d’art dramatique, déjà qu’on les traite partout de comédiens.
On imagine une école pour bien se vendre et satisfaire la curiosité du public :
- Mesdames, Messieurs, bienvenue à l’école des grands destins. Vous avez devant vous la liste de nos réussites les plus célèbres. Nous ferons vos destins à la mesure de vos ambitions.
Chaque matinée vous aurez un professeur différent. Demain ce sera sur le thème du gros bon sens. Aujourd’hui, le maintien et le discours, avec Monsieur Agénor Combinazione.
- Toi, là, qui a l’air d’avoir honte d’être ici, viens sur l’estrade.
- Voilà.
- Non, t’avance pas comme si t’avais la pneumonie atypique que tu vas flanquer à tout le monde. Tu viens dire des choses agréables. Tu souris. T’aime le monde et le monde t’aime. Tu vas faire un cadeau. Tu entrouvres le paquet. Tu délaces le ruban comme une stripteaseuse son soutien-gorge. Les gens s’en doutent puisque t’es là. T’es partout, dehors sur les murs, sur la remorque du scooter, sur la porte des cabinets, sur le ballon qu’on donne aux enfants. Toi, toi, rien que toi. Le paquet-cadeau : c’est toi !
- Comme ça ?
- Ouais. Ça manque encore de peps. Rien de plus difficile que sourire en parlant. Tu dois t’entraîner au lieu, en plein effort, quand tu souffres. Les rigolos des autres partis font ça très bien. Le gros le fait à la rondouillarde, le parfumeur à la « prout ma chère », Rosetta à la « tu montes chéri » ; je dirais pourtant que l’orangette peut mieux faire, quand elle sourit on croirait qu’elle a ses règles ! Peut-être qu’elle a l’angoisse du résultat ?
- C’est pas tout d’arriver la gueule enfarinée, qu’est-ce qu’on fait après ?
- T’as déjà fait presque tout. T’es là tu souris. On est bien. Eux, de toute manière, ils n’avaient rien d’autre à foutre dans la soirée, pas de match de foot, pas de film de cul, donc, s’emmerder pour s’emmerder, autant de voir un battant, en attendant un ballon pour la petite, un agenda, un porte-clés, des bricoles quoi…
- Le discours, on me le prépare ?
- Surtout pas de discours. Tu les prends genre causerie coin du feu. Des mots à la Montagné, pas trop, surtout pas compliqués, faut que les gens comprennent. Et toujours avec le sourire. Si la ménagère de plus de 50 ans est majoritaire, tu te l’as fait à la recette Maïté ; si t’es envahi par des agriculteurs pétomanes tu rigoles léger avec une pique sur les féministes ; enfin, si t’as les petits commerçants du quartier qui en ont ras le bol des agressions, tu prends le genre bonne volonté en balançant des trucs poujadistes. Ce n’est pas nécessaire de lever les bras comme le grand, en faisant le signe de la victoire.
- C’est de l’impro ? J’suis pas fort en impro. Quand je souris, je peux penser à rien d’autre. Il me faut un papier pour lire…
- T’as la planchette devant qui empêche dans la salle de voir que tu lis. Faut apprendre à lire sans baisser la tête. C’est le truc du double foyer. Quoique porter des lunettes, ça fait vieux chnoque. L’orangette qu’est miraude a appris la technique Ardisson, des fiches avec des caractères en corps gras 72, les techniciens me comprendront.
Je le dis pour les femmes de l’école. Sur l’estrade, la mini jupe, c’est redoutable. Ça peut briser une carrière, même si on a de belles jambes.
Demain, pour avancer, on apprendra à nier l’évidence et à dire le contraire de ce qu’on pense et toujours avec le sourire.

13 août 2003

Li lièf et li tortu

Pour faire si prominade dans li brousse faut quitté son lamison bon’heure
Ka peine Koutoubou toi chauffé zoziau
Li lièf et li tortu ti dira li novelle
Tu pariémoi qu’est li tortu bien-bon arrivé
Li lièf y commencé rigoler gonflé son gorge et tout ça
Pi grosparié cabiné tous léfran-cfa
Di dihors li terrié sor si potdarzent
Li lièf quatre avé fèr li pas
Qui Lafontaine entend quand lé chiens au derrièr
Quand ti fuite pour pas toi ti fèr bouffer
Filé à li femell qui blagué elle et ouvrit son bouche pour chanter un pé
Li tortu marché comme pépé piroguié dans tou’billon
L’aut li malin à parti tard toi ti méconnais lui
Samuzer è gouzigouzi avé fame di chef
A bout de qué li tortu sa soulié adidasse
Avé presseke touché li barrièr
Le lièv son moto prend
Mè trotar. Li tortu arrivé li premièr
Cacha léfran-cfa sous coupoll di tank
Pi pas assé d’avoir bèzé li lièf
Cria quil a rèzontoujou
A quoua toi voulir vitess
A parti tarre di lamaison ?

Missiè Richâ trois

Li palab di misionèr ta
Toi ti sé bien lui pas vrè
Cé li plubô é li plufor
Sa pié a ton cu recevoi
Pour arivé toujou li premié
Lafontaine tou blan li è
Doi savoi sa

12 août 2003

La bagnole et l’Etat

Le roman haine-passion entre l’Etat et la bagnole défie toute analyse.
Il n’y a pas d’exemple d’un autre instrument de plaisir ou de travail qui soit aussi formidablement taxé, contre lequel on multiplie les interdits, duquel on signale tous les dangers qui soit en même temps aussi chéri ou détesté, mais employé par ses adorateurs et ses pires détracteurs.
Pour elle, on a dépensé des sommes colossales, bâti des villes en fonction de ses autoroutes, en même temps que les centres villes multipliaient les piétonniers et les potelets de dissuasion.
A cause d’elle, les transports par chaland et chemin de fer se sont ralentis, voire certaines lignes abandonnées ; tandis que les zonings périphériques voyaient se répandre le principe de l’achat fin de semaine des ménages motorisés, plongeant dans le marasme et la faillite l’ancien commerce de quartier, obligeant le piéton à de harassantes marches le filet de la ménagère à la main.
Il n’y a pas pire citoyens poursuivis par les règlements, les amendes, les menaces de prison et les arrestations sur place que l’automobiliste, en même temps que ceux qui sont chargés de le traquer, l’embastiller, le réduire dans les files ou faire le poireauter dans des « bouchons » se trouvent eux-mêmes pris à leur propre piège lorsqu’ils abandonnent galons et giro-phares pour se retrouver en jean’s dans les longs convois de vacances pour la mer ou la montagne. Quoique certains contrevenants policiers à leurs heures de détente sachent mieux que tout autre jouer du « cher collègue » pour faire sauter le PV d’une mauvaise conduite, on veut le croire, tout à fait occasionnelle.
Indépendamment de toute menace de guerre et du yoyo que nous joue le prix du baril, chaque salon de l’automobile est l’occasion d’admirer les belles voitures et rien n’arrête l’amateur qui se ruine ou met le budget de son ménage en péril, quand il doit sortir 25.000 euros de son portefeuille quand il n’en a pas le plus souvent le moindre sou et qu’il doit les emprunter, et cela pour satisfaire l’objet de son désir aussi précaire qu’un papillon aspiré par le vent, lorsqu’il rencontre un platane à cinquante à l’heure et que ses 25.000 euros deviennent 250 euros au poids du vieux fer en deux secondes ou mieux quand le même désir qu’il ressent est partagé par la gouape qui la lui chipe pour un casse ou pour une revente dans les pays de l’Est ?
Ce citoyen spécial, haï, jalousé ou admiré est traqué, pillé, mis en demeure. En plus des 9/10 du prix des carburants qu’il ristourne à son tourmenteur, lorsqu’il est assailli par les assurances exorbitantes, les taxes de toute nature qu’il doit décaisser pour avoir le droit de poser le pneu sur la moindre chaussée ou écouter la moindre musique de sa radio de l’habitacle. Lui, qui a tant fait pour soulager les finances de Didier Reynders, n’en est pas quitte pour autant. On le suspecte de rouler avec des voitures sans frein, des caisses pourries. Il passe ainsi pour un danger de la route dès la quatrième année d’existence de son chariot à moteur et il doit encore perdre une demi journée et verser son obole à des vérificateurs chargés de lui signifier qu’il est un danger de la route s’il continue à rouler avec son vieux clou.
Lorsque vous vous installez au volant d’une voiture, vous n’êtes plus un citoyen ordinaire, vous passez pour un assassin en puissance. C’est comme si on décrétait que sur un trottoir fréquenté par mille personnes et parce qu’il y aurait dans cette foule deux voyous et un assassin que toutes les mille personnes sont les voyous et les assassins !
Tout tourne en réalité autour de cela : quelques fanfarons du volant, chauffards dans l’âme et voyous dans le sang polluent les routes et c’est l’ensemble des conducteurs que l’on traque et que l’on traumatise, avant de les saigner à blanc, au nom de l’Etat, bien entendu !
Prenons les radars automatiques, c’est l’antichambre du grand contrôle général, du film complet de l’enfance à la vieillesse d’un citoyen ordinaire. C’est le Meilleur des Mondes, c’est-à-dire la négation même de la démocratie. N’en doutez pas, le radar dans les mœurs, ce sera ensuite la camera à chaque carrefour, puis dans toutes les rues. Bien sûr, c’est pour votre bien, pour vous éviter le pire, pour trier le bon grain de l’ivraie, mais jusqu’à quand le bon grain ne fera pas partie de l’ivraie ?
Au nom de la liberté on vend aux citoyens des bagnoles qui peuvent faire du deux cents à l’heure. Ne serait-il pas plus simple et économique de lui fournir juste ce que la loi et sa sécurité lui permettent ? C’est inouï la façon dont on restreint les libertés dans ce pays pour permettre aux citoyens de jouer avec le mot liberté !
Depuis qu’on place régulièrement des affiches sur les bords des routes fort fréquentées qui nous montrent les abominations de la vitesse, les méfaits de l’ivresse, les dangers de la somnolence et à présent les distractions dues au téléphone portable, moi qui n’ai jamais eu d’accident, qui respecte le code de la route, qui roule aux vitesses recommandées, sanglé dans mes courroies de protection, bardé de coussins protecteurs et d’appuie nuque, je me demande si je ne suis pas en train de virer assassin potentiel à cause d’une défaillance brusque, d’un mauvais réflexe, de l’ingestion d’un apéritif sans alcool qui me barbouille l’estomac, d’une distraction inopinée ou d’une défaillance mécanique au mauvais moment qui pousse l’automobiliste derrière moi à jouer les voitures tamponneuses ? N’avons-nous pas un engin d’une tonne à maîtriser que nous lançons à toute allure sur des routes traversées parfois par des gens qui pèsent soixante kilos et qui n’ont aucune protection ?
Ah ! on les voit venir les argousins de la route, lorsqu’ils vous intiment l’ordre de vous ranger, paquet de linge sale derrière un autre paquet de linge sale et tandis qu’un d’entre eux vous aborde et vous demande d’un ton sec tout le fourbis qui vous autorise à prendre la route, son collègue vous pointe du bout de sa mitraillette, le doigt sur la gâchette et peut être qu’un troisième fait renifler votre coffre par un Médor assermenté, on n’en mène pas large, justement parce qu’on se sait innocent et à la merci d’une bavure.
L’automobile ne serait-ce pas aussi le moyen pour l’Etat de contrôler davantage ses citoyens, de serrer la vis sous prétexte de sécurité ?
Tous délinquants à cause de l’automobile ? On se demande…
Le drame se situera sans doute dans dix, quinze ou vingt ans, comme le pli est pris de piller le citoyen par le biais de sa voiture et que raréfaction du carburant oblige, il n’y aura plus que les riches et les officiels qui pourront foncer sur les routes désormais peu fréquentées. C’est-à-dire la population d’intouchables et hors justice. Par quel subterfuge l’Etat va-t-il alimenter ses coffres, étant entendu que ses besoins seront toujours les mêmes ? Va-t-on hyper taxer les semelles des souliers ? L’air qu’on respire ? Remettra-t-on en usage les taxes sur le sel, paiera-t-on pour passer les ponts comme au Moyen Age ? Pourquoi pas décréter que le piéton est un véhicule comme un autre et le taxer en conséquence ?
Nos démocraties feraient bien d’y penser dès maintenant.
On voit de si singulières choses de nos jours qui ne paraissent pas plus que cela soulever l’intérêt ou la simple curiosité des gens qu’il n’est pas interdit de penser qu’après la voiture, nous ne retournions tant que nous sommes, nous faire voir par les Grecs, grands inventeurs de la démocratie comme on le sait et spécialistes émérites en la matière !

11 août 2003

Show à l’américaine.

- Ici Edmond Marceau de « Ça va se ravoir » une émission de l’A16.
Devant nous un ancien général, le général Grodètroup. Général Grodètroup bonjour.
- Bonjour.
- Alors, général, dites-nous ce qui va ce ravoir ?
- C’est bien simple, notre sens du combat.
- Expliquez-vous.
- Notre armée n’a plus combattu depuis cinquante ans. De tous nos chefs, aucun n’a entendu siffler des balles autres que des balles à blanc.
- Les balles à blanc sifflent ?
- C’est une image…
- Que demandez-vous, général Grodètroup ?
- Regardez la carte. Stratégiquement et militairement nous sommes les plus forts à l’Est. Je propose d’attaquer le Grand Duché de Luxembourg et l’annexer à la Belgique.
- J’appelle pour cela Cornelia Bauvidange de Vianden.
- Comment vous m’aviez dit que vous appelleriez le Brigadier général Hector d’Accentaigu des forces luxembourgeoises ?
- Plus tard général Grodètroup. Cornelia, bonjour.
- Bonjour.
- Vous êtes quoi par rapport au général Grodètroup ?
- Je suis sa maîtresse depuis vingt ans et…
- Et ?
- Ma situation est désespérée. Il refuse de m’épouser ! Je me demande s’il ne se moque pas de moi…
- Mais non voyons, Cornelia. Tu sais bien que j’ai toujours voulu t’épouser. Ma mère m’a fait jurer sur son lit de mort de n’épouser qu’une Belge or tu es Luxembourgeoise…
- J’appelle Gilberte Grodètroup…
- Ciel, ma femme !
- Quoi, il est marié !
- Non seulement il est marié, mais en plus il voulait envahir le Grand Duché pour vous assassiner !
(Les deux femmes se battent. Les deux sorteurs derrière elles interviennent)
- Voilà comment nous attaquerions des voisins paisibles, mesdames et messieurs. Mais, ce n’est pas tout. Ainsi, Cornelia Bauvidange, vous avez attendu fidèlement que le général Grodètroup vienne vous épouser. Il ne le pouvait pas, le malheureux. Et vous, le pouviez vous comme vous nous l’avez déclaré au début de cette émission ?
- Je ne vois pas ce que vous voulez dire, Monsieur Edmond Marceau.
- Faites entrer le Brigadier général d’Accentaigu.
- A présent chère Cornelia, n’avez-vous toujours rien à dire ?
- J’étais jeune. Nous nous sommes aimés, Hector et moi.
- Et ?
- Nous avons eu quatre enfants…
- Non. Ce n’est pas de cela dont il est question. Du reste, le général Grodètroup n’ignorait pas votre maternité.
- Elle m’avait dit qu’elle n’en avait qu’un suite à une erreur de jeunesse.
- Allons, Cornelia, « ça va se ravoir »…
- Je suis mariée depuis vingt ans à Hector d’Accentaigu.
- Et vous vouliez quand même épouser Grodètroup ?
- Das is einen schwein…
- Voyons brigadier-général, maîtrisez-vous...
(se tournant vers le public)
- Ainsi, parfois, les généraux, les hommes d’action poussent les peuples vers des carnages, alors qu’ils sont les seuls concernés. Comment leur faire confiance et rétablir la vérité ? Tout simplement en livrant votre cœur sur notre antenne dans votre émission favorite « ça va se ravoir ». La semaine prochaine nous traiterons d’un cas d’amnésie. Un premier ministre qui ne se souvient plus de rien !
Cela vous dit quelque chose ? Mais « ça va se ravoir » était là, qui a tout observé et qui vous dit à la semaine prochaine.
C’était Edmond Marceau pour l’A 16 dans son émission « ça va se ravoir ». Merci à la prochaine fois.
- C’est fini, là ? On peut causer librement ?
- Ouais, tu peux enlever ta casquette de général, Henri.
- Dis, à propos de ton truc-là, « ça va se ravoir »…
- Qu’est-ce que tu veux savoir ?
- Avec Ginette, on a une paire de chandelier en cuivre, ils sont plein de vert de gris, comment on peut les « ravoir » ?
- Merde vieux. T’as ton cachet de comédien ? Bon. Alors, tu te tires et tu fermes ta gueule.

10 août 2003

Canicule le 11 novembre

Aujourd’hui je sens que je vais m’emmerder. Aussi, pour commencer sur le champ, j’ouvre la télé. Rien de tel pour toucher le fond tout de suite. A la RTBf les programmateurs ont tous foutu le camp… le concierge est aux manettes.
Moi et un autre, on est deux à se vautrer et s’emplir de chips, moi à Liège, lui ailleurs, c’est les statistiques qui le disent : tel jour à dix heures du matin, telle chaîne, deux téléspectateurs. C’est comme je vous le dis.
Faut comprendre, le club des pensionnés du boulevard Kleyer ouvre à onze heures !
Et qu’est-ce qu’on nous sert ?
Un reportage sur la flamme éternelle du soldat inconnu !
Au mois d’août sur la 9, plein bouchon direction l’Espagne via Millau… On aura apprécié sur l’aire de repos… au mobil home.
- Dis mémé, on a quoi à Séverac-le-Château ?
- Tu sais ce qu’ils donnent ?
- Non !
- Un film sur le soldat inconnu !
- Allais !
- Si !
Se recoucher ou rester sonné la journée dans le fauteuil…
Bomber le torse, certes, incliner les drapeaux 36° degrés, l’angle légal, on ne peut mieux, roulements de caisse et trompette, tout à fait correct… mais tout faux à l’historique avant 1922 date à partir de laquelle commence le chapelet des cérémonies.
Tout faux le reporter ! Il bourre le moût déjà à dix heures du mat pour deux téléspectateurs… ce désir à nous baratiner !
J’en avale mon chips paprika de travers.
La flamme éternelle, c’est français, évidemment. Ah ! ils peuvent se foutre de notre gueule, nous avec les Suisses, on n’arrive pas à la cheville…
C’est un homme de théâtre parisien, le dénommé Boissy, qui a eu l’idée du spectacle, juste après les hostilités… l’église dans la rue, la flamme qui ne s’éteint jamais… lui et encore lui.
Comme si on n’avait pas assez de cultes comme ça… la messe du dimanche, les chefs, tous les chefs, depuis le suprême jusqu’au contremaître de la fabrique, sans oublier le pire : l’argent !
Le paquet de chips y passe.
Les chefs disparus y sont allés de leur témoignage, la plupart sous forme de livre. Clemenceau le premier… le père la victoire… talent pour organiser, aucun pour la littérature, c’est ainsi. Comme Verhofstadt, le vélo… Son oeuvrette à Clemenceau « Voile du bonheur », déjà au titre faut s’attendre, après on n’est pas déçu. Juste le passage copié d’Herzen vaut le détour. Ça vous souffle un peu la flamme… « L’autorité est impuissante, la révolte est impuissante… » Conclusion de Léautaud qui le cite : « Il n’y a qu’à s’en foutre. C’est le mieux. Qu’à s’en foutre, je vous dis ».
Ce sera aussi la mienne.

9 août 2003

Après les murs de l’Atlantique et de Berlin, Israël construit le sien !

Y en a, tout de même, rien les arrête.
Les leçons de l’histoire ? Vaste rigolade. Pourtant eux, au premier chef, vachement concernés. Même qu’on a plus droit de rigoler, histoire de pas trop plomber le passé sur certains sujets. Note, je comprends, même s’il faut bien un jour pour guérir les traumatismes savoir tourner la page. Certains événements en Europe, les ligues d’une vigilance extrême, l’opinion sans cesse tisonnée au réveil, au souvenir…certains événements, dis-je, ont jadis dépassé l’entendement dans l’horreur. Mais sont-ils les seuls ? Non. Ils font partie des abominations qui parsèment le parcours humain. Quand Cro-Magnon bouffait sa grand’mère dans la grotte aux bisons, c’était-y pas aussi abominable ? Et pas que lui, plus récent, la liquidation des Arméniens, les exactions des armées en Corée, au Vietnam, le génocide du Rwanda, les intégristes en Algérie, les fantaisies mortelles de Pol Pot, les cornichonneries des Imams dans leur homosexualité militannte vis-à-vis des femmes, combien de vies brisées ? Alors, mettre en exergue la souffrance de tout un peuple, le porter en avant, s’en décorer, s’en prévaloir et s’en servir, c’est faire de l’ombre aux autres, une ombre que d’aucuns pourraient voir, eux aussi, comme un accroc entraînant les ligues de mémoire d’autres bords à revendiquer féroces le respect de leurs victimes. Si ces laissés pour compte de l’innommable ne le font pas, c’est qu’ils n’ont pas les moyens des premiers, les avocats, les dollars, les opinions publiques travaillées au corps et les lois bien adaptées.
Alors, un peu de modestie. Dans le malheur, il y a malheureusement de la place pour tout le monde.
Pour revenir à Israël aujourd’hui en 2003, jusqu’où iront-ils ?
Je sais, ils sont pointilleux sur les comparaisons, sur la moindre allusion… Mais quand ce sont eux qui poussent ?
Voilà qu’ils construisent un mur à présent !
Cela ne vous rappelle rien ?
D’autres antécédents dits de la honte ?
Il est vrai que Sharon parle de barrière, ça impressionne moins. Tant et si bien que Bush, qui a envie d’être réélu, a d’abord parlé de mur, puis le voilà revenu à la barrière.
Et faisant d’une pierre deux coups, ils ne le construisent pas n’importe comment, le mur-barrière. Non. Ils le construisent sur le territoire des autres ! rabotant par-ci, par-là une terre, des maisons, un village.
Les Staliniens avaient encore ce rien d’honnêteté de placer leurs moellons sur l’exact bord de leur territoire à Berlin. Pas eux, pas Israël qui avec leurs colonies et maintenant le mur, vont finir par réduire les autres à vivre de plus en plus resserrés sur un territoire comme une peau de chagrin.
Quand ces messieurs annexent, accaparent, avancent leurs barrières sans rien demander à personne, c’est tout simplement le plus fort qui dicte sa loi au plus faible.
Bush, par ailleurs, grand bailleur de fonds de son ami Sharon, agite sa feuille de route. Bon. Mais, manque de pot, Sharon est en train de les barrer toutes, les routes !
Nos gazettes souvent à la dévotion d’Israël ont salué bien bas le geste « généreux » de Sharon qui a retiré ses troupes de Bethléem. Pas si généreux que cela, cependant. Les Bethléemois ont l’impression de vivre dans une grande prison, rapport aux phobies murales. Là, c’est un no man’s land de 20 mètres de large avec barbelés électrifiés et chemin de ronde. Un mur ? Une barrière ? On ne sait plus… Une nouvelle ligne Maginot, Siegfried ? Les permis de sortie sont délivrés par les mentors de Jérusalem de 7 h à 19 h, après, il n’y a plus rien à voir. Mais, ce qui est le plus inquiétant, la pieuvre des colonies - la plus proche, celle de Har Homa va bientôt devenir une vraie ville tant elle grossit - avance rongeant les vergers des faubourgs.
Alors, le monde entier regarde sans bien comprendre un peuple, froidement, méthodiquement avec l’aide de l’opinion occidentale et le fric américain en bouffer un autre.
Tous les espoirs tiennent en une seule volonté, celle de Monsieur Mahmoud Abbas, premier ministre palestinien. S’il garde son sang-froid et réussit à en convaincre ses compatriotes, peut-être que l’opinion occidentale va s’apercevoir combien elle est manipulée en soutenant envers et contre tout l’Etat d’Israël. Cet Etat artificiel, en déséquilibre financier permanent, avec une armée gigantesque pour un aussi petit pays, ne peut pas se passer de l’approbation et de l’aide financière de ses alliers occidentaux. Si l’on veut la paix dans ce Proche-Orient explosif, il faudra commencer par rééquilibrer les aides entre les occupés et les occupants.
En recousant la loi de compétence universelle sur mesure pour Monsieur Bush et Sharon, la Belgique n’est pas précisément prête à se mêler avec dignité à ce qui est juste ou injuste. Aussi, une fois de plus, ce n’est pas de nos Messieurs Gros Bon Sens que viendra l’exemple qui conduira à la paix, mais d’une opinion déterminée à mettre un terme à toutes les oppressions, à commencer par celle d’Israël.
L’envoi d’une force d’interposition de l’ONU dont Israël ne veut absolument pas, évidemment, reste le seul moyen actuel de freiner l’appétit des maîtres de Tel-Aviv.
Toute la bonne volonté palestinienne n’y pourra rien. Sans cette force neutre de rééquilibrage, il faut craindre que la spirale de violence reprenne un jour ou l’autre.
Cependant, petite lueur d’espoir, une partie de la gauche en Israël pourrait très bien tenir les propos que je tiens. Il n’est pas dit qu’elle n’aura pas sa chance un jour à la Knesset. Pourvu qu’il ne soit pas trop tard.

8 août 2003

La sexualité chez le ver à bois.

Tous les insectes ont un sexe, une émission pas comme les autres de Philippe Crampon. Aujourd’hui le ver à bois.

- Professeur Zuschauer votre ouvrage “Der Wurmähnlichholz und Liebe“ fait autorité en matière de reproduction du ver à bois. Comment vous est venue l’idée de cette recherche ?
- J’avais quelque mois à peine quand je fus changé de nourrice. Frau Shöne-Khon avait un bijou en forme de scarabée sur sa vaste poitrine. J’avais le choix entre devenir sénologue et entomologiste. Ma chaise d’enfant était ancienne et percée d’une multitude de trous. J’étais déjà à six mois un bon observateur.
- Revenons à votre étude.
- Voilà des insectes qui vivent trois ans dans des troncs en creusant des galeries toujours parallèles qui ne se recoupent jamais, par définition. Le ver, si vous préférez, la larve quand elle sort est un animal parfait. Il y a donc eu quelque part des rapports sexuels, mais comment et où ?
- Oui, comment un ver à bois fait-il l’amour ?
- C’est le sujet de mon livre. Vingt ans de recherche et de notations.
- Vous avez enfin trouvé ?
- Je crois avoir percé une partie du secret. D’abord écartons le Lyctus. C’est un coléoptère qui fait l’amour sur les plantes qu’il butine. La femelle pond ses yeux sous l’écorce des sapins et sa larve y reste l’hiver, pour se métamorphoser au printemps. La larve est un parfait ver blanc sans sexe. Le bois qu’elle mange lui permet d’être à l’abri dans la cavité qu’elle creuse. Le capricorne des maisons est plus complexe. C’est un gros insecte qui affectionne les meubles de style avec une prédominance pour le Louis XVI et le directoire.
- Sans doute parce qu’on employait des bois plus tendres à l’époque…
- Pas nécessairement. C’est un insecte doué de culture. On a observé qu’il fréquentait volontiers les bancs des écoles des Beaux-Arts. Par exemple à Lüttich - Luik si vous préférez - les chaises de l’Académie sont tellement vrillées que cela fait une sorte de courant d’air qui rafraîchit sous les jupes des filles. C’est un insecte esthète. Il adore les fauteuils d’orchestre…
Bon. Fixons notre attention sur la Vrillette. C’est le sujet de notre étude. Sa larve est nettement pourvue d’un appareil sexuel avec pénis et testicules apparents…
-Mais professeur Zuschauer l’insecte parfait ne se reproduit-il pas ?
- Je suis formel. La Vrillette perd son sexe à force de se traîner sur le ventre pour ronger et former des galeries. Au bout de six mois de galerie, la larve n’a plus de sexe ! L’adulte est ce qu’on appelle en entomologie un Geschlechtzonderbiroute. Je vous passe le commentaire.
- Mais alors comment le ver à bois de la Vrillette se reproduit-il ?
- Il n’a que les six premiers mois de son existence pour se perpétuer. Je dirai même mieux, le premier mois est capital !
- Ah bon !
- En effet, le ver à bois avance d’un dixième de millimètre par jour de mastication. Il mesure trois millimètres, cela lui fait trente jours avant de disparaître complètement dans la cavité qu’il creuse. Mais entre le vingtième et le trentième jour seul son cul dépasse encore. C’est alors que les mâles peu scrupuleux partent à la chasse à la femelle qui ne saurait protester dans la situation délicate qui est la sienne. Voilà pourquoi le ver à bois femelle ne connaîtra jamais le père de ses œufs !
- C’est un drame de la nature !
- Absolument. C’est le sujet de mon dernier chapitre « Né de père inconnu ! ».


- Comment cela se termine-t-il ?
- Mal et bien à la fois. Mal parce que le ver à bois n’a qu’une très brève période de reproduction et une seule façon de faire l’amour, bien, parce qu’ayant perdu son sexe à l’état adulte, il ne s’en souvient plus.
- Oui, mais la femelle n’a pas perdu son sexe…
- Vous avez raison et ce sera le sujet de la suite de mon étude. « La femelle du ver à bois : einen Geschlechtgrössebesoin.
- C’est intraduisible ?
- Non. J’attends le traducteur de chez Gallimard qui est occupé à traduire en français les chansons de Bertrand Cantat, de Noir Désir.
- Dans la conjoncture actuelle, il faut profiter de la moindre actualité.
- Mon œuvre n’aurait jamais vu le jour, si je n’avais moi-même été au cœur de l’actualité.
- Vous faites allusion à ce ver à bois dans une chaise du Limbourg et parfaitement bilingue ? Merci professeur Zuschauer. C’était Philippe Crampon de RTL-TVi.
Prochain débat : L’hareng saur peut-il mariner en famille sans reconnaître les siens ?

7 août 2003

Où Richard d’York s’explique.

Le duc de Clarence : Vous semblez, cher frère, avoir une prédilection pour des locutions égrillardes, des tournures libres, des expressions puisées du ruisseau…
Richard d’York : Certes. Comment décrire autrement certaines choses ? Avez-vous lu Giovanni Boccaccio, en latin évidemment ?
Le duc de Clarence : Comme il m’eût été agréable que vous vous reprissiez. Lorsque vous êtes en présence de notre mère, vous paraissez un autre homme……
Richard d’York : Et si nous parlions du complot que vous ourdissez contre Edouard, notre frère ? C’est plus que de l’incorrection…
Le duc de Clarence : Ne rêvez pas, mon cher, je suis la victime de la cabale de la reine Elisabeth. Voyons Richard, n’êtes-vous qu’un homme de plaisir ?
Richard d’York : J’eusse aimé qu’il existât des choses qui valussent qu’on leur sacrifiât les plaisirs.
Le duc de Clarence : N’avez-vous pas reçu une bonne éducation ? Vos rabelaisiens discours…
Richard d’York : Anachronisme, mon cher, Rabelais n’existe pas encore à l’heure où vous me parlez, de même notre inventeur William Shakespeare, non plus. Je vais cependant faire comme si… Mon intention initiale n’a pas changé. Un blog peut faire office de conservatoire des manuscrits, comme la Société des Auteurs. Ainsi, dûment daté et publié, mes écrits ne peuvent être plagiés sauf antidater le plagiat, ce qui me paraît difficile pour le déposer.
Le duc de Clarence : Vous voulez parler de votre pièce « Une ambition anglaise » ?
Richard d’York : Absolument. Tel que vous me voyez, j’ai terminé le premier acte avant de m’inquiéter de la réelle histoire d’Edouard IV, de sa famille, c’est-à-dire nous, ses enfants, la reine Elisabeth, etc.
Le duc de Clarence : Vous vous êtes conduit avec beaucoup de légèreté.
Richard d’York : Je ne suis pas le seul. Que penser de notre dramaturge, notre grand Will qui écrivit Richard III sur le seul récit qu’en fit Thomas Morus ou More dont j’ai la chance de posséder un exemplaire. Or, « L’Angleterre au temps de la guerre des Deux-Roses » de Paul Murray Kendall que je viens de lire n’est pas du même avis que More sur ma participation à votre assassinat, mon cher frère. Richard III a été sali par Shakespeare. C’était un infirme qui ne devait pas régner et qui s’est trouvé dans l’alternative de périr ou de prendre le pouvoir.
Je vais réécrire « Une ambition anglaise » de manière à me réhabiliter.
Le duc de Clarence : Je ne suis pas d’accord. Dans la mesure où je vais assumer une partie de vos crimes, tout au moins jusqu’à mon propre assassinat.
Richard d’York : Que voulez-vous, mon frère. Vous ne pouvez rien faire, puisque je tiens la plume et que j’en décide selon mon bon plaisir.
Le duc de Clarence : Je cours à mon destin. Je réintègre la tour de Londres. Adieu Monsieur.
Richard d’York : Prenez donc avec vous cette courte scène que j’ai ajoutée au « Misanthrope » de Molière. Cela vous fera passer le temps.
Le duc de Clarence : C’est un plagiat ! Alors que vous êtes contre.
Richard d’York : Non monsieur. Vous ne trouverez ce texte écrit nulle part. C’est une recréation…

Acaste
Parbleu ! s’il faut parler des gens extravagants
Je viens d’en essuyer un des plus fatigants ;
Andrimont, sans repos, m’a, ne vous en déplaise,
Une heure au grand soleil, tenu hors de ma chaise.

Célimène
C’est un fort beau parleur, et qui trouve toujours
L’art de vous rien dire avec de grands discours ;
Dans les propos qu’il tient on n’entend jamais goutte,
Et ce n’est que du bruit, que tout ce qu’on écoute.

Acaste
Il tient pour rien les gens qui jamais ne voyagent.
Il est de sur la brèche à l’aise malgré l’âge.
Dame ! d’un grand seigneur il est le protégé ;
Sa chose, son laquais, en un mot son cocher.

Célimène
Son propos s’arrondit…

Acaste
…de lardons et de crème..

Célimène
…Ce qui n’enlève rien à l’amour de lui-même.

Acaste
On dit qu’il s’est payé, d’un mari bien berné,
Avecques sa catin, des noces de papier
En la cité lacustre où il était sicaire,
Que le Doge chassa pour cause d’adultère.

Célimène
C’est le bruit qui en court. Avoueré-je haut ?
J’avais cru jusqu’ici la dame sans défaut.
De grâces et d’attraits, je crois qu’elle est pourvue ;
Et les tares qu’elle a ne frappent point la vue.

Acaste
Andrimont en jouit à son banc de cocher,
Laissant le couple défait et les cœurs affligés.

Fin de la scène.

Le duc de Clarence : Une remarque, cher frère : « Andrimont en jouit à son banc de cocher ». Cette image doit-elle être prise au propre ou au figuré ?
Richard d’York : Prenez la comme il vous plaira.
Le duc de Clarence : On croirait presque que vous l’avez vécue…
Richard d’York : J’ai simplement voulu marquer mon mépris pour cet Andrimont et comme Alceste :

Je veux que l’on soit homme, et qu’en toute rencontre,
Le fond de notre cœur dans nos discours se montre…

Le duc de Clarence : Encore un plagiat, je présume ?
Richard d’York : Non, Monsieur, c’est une citation.

6 août 2003

L’âge de l’arthrite !...

L’époque éminemment jouisseuse et égoïste rend le cœur sec. C’est le résultat de l’abrutissement au travail pour le fric, et de la ruée vers les plaisirs par contrecoup après la « performance ». Piégés par le système, tous se sentent orphelins et célibataires. La famille n’existe plus. Les liens se relâchent y compris ceux essentiels du secours à l’enfance et à la vieillesse. Pourquoi hébergerait-on ascendants et descendants quand on change de partenaires comme de chemise et qu’on répugne à partager le produit de ses efforts avec l’être le plus proche ?
Ce manque d’entraide est le signe d’une belle dégringolade des mœurs qui s’amorce à peine. C’est le chacun pour soi sous le triple signe de la compétition, de la démocratie façon OMC, et de la connerie généralisée. L’illustration visible de cette dégradation s’observe dans le comportement à l’identique du personnel politique. Plus l’électeur est con plus ses représentants en sont dignes. En Belgique, on atteint des sommets. La gauche et la droite se confondent dans le même dégoûtant empirisme.
Les urgences n’attendent pas que nous sortions de notre vulgarité agressive.
La vieillesse. Une personne sur trois, dans vingt ans ! C’est dire qu’il faut retrouver le sens de l’humain au plus vite.
On a souvent évoqué le Lapon abandonnant ses vieux sur un glaçon qu’il sépare ensuite de la banquise d’un sec coup de pied. Il était dans la nécessité de le faire pour sa propre survie. Nous, c’est vogue la galère dans les mouroirs où nous les abandonnons. A quand la SPV (société protectrice des vieux) en étroite collaboration avec la SPA ?
Le temps des vacances est propice aux abandons de cette sorte.
Les pépés qui échappent à l’errance sur l’autoroute finissent en maison de repos. Ils partagent avec l’épagneul et le bouvier le délicat problème des relations avec l’homme.
La vie de caserne, c’est ce qui s’appelle finir troufion deuxième classe au respect du règlement et à la pogne de l’adjudant-chef de chambrée. A quatre-vingts piges, c’est un fameux écolage !
Les mouroirs de luxe avec des géraniums aux fenêtres et la gueule enfarinée de la dirlo à la réception des conscrits pour le non-futur, partagent avec les autres hôtels terminus un seul objectif : fournir le moins pour gagner le plus. Hé oui ! jusque dans l’humain on touille pour le profit.
Ce n’est pas donné les pensions des seigneuries, des cinq étoiles et des Saint-Tropez avec vue sur Liège. L’ouvrier qu’a pas de bas de laine, peut pas entrer, fichtre non ! C’est le rendez-vous libéral et chicos du quatrième âge, positif. Louis Michel ferait bien de se méfier, lui qu’est plus très loin… Souvent, toute la retraite y passe. Les suppléments, c’est pour la famille. Du coup elle fait la gueule. Tant pour le repassage d’une chemise, pour les prises de courant, pour le nombre de bain-douche… supplément pour tout. Aussi, pour punir son vieux, la famille ne va le voir que dans l’espoir qu’on lui dise que c’est plus la peine pour la semaine prochaine, attendu qu’il ne passera pas le week-end.
A la tôle, quand le rata est passable, y en a pas pour tout le monde et quand c’est de la merde (le plus souvent), on sort de table en crevant de faim. Les suppléments, pâtisseries, fruits et divers, tout est à prix prohibitifs… Trois intermédiaires faut dire avant d’être mastiqué par le matériel du prothésiste… le bougnat, le petit porteur, le gérant. Faites le compte. Même les médecins s’en mettent plein les fouilles qui prennent dix déplacements quand ils visitent dix pensionnaires d’affilée dans le même établissement, plutôt que le prix de la consultation comme il serait décent de faire.
Ce n’est pas vrai ? Vous voulez des noms, des adresses ?
Certes, ce n’est pas partout la fauche et l’exploitation de la fragile vieillesse, il y a quelques restes d’humain parmi les filles de salle, de temps en temps une infirmière y va de son bon cœur. C’est surtout à ses risques et périls. Le mouvement de personnel dans ces casernes de la survie a quelque chose d’effarant, du plan Rosetta, au stage précaire, des bataillons du FOREM défilent. Ce n’est pas que ce personnel ne convient pas, ce sont toutes les combines à la Onckelinx du temps qu’elle s’occupait de l’emploi qui trouvent leur fatal dénouement dans l’intérêt des tenanciers à évacuer par fournée et remplacer par semestre les bataillons de la misère remise au travail.
Ah ! ces entrepreneurs, chers à Menez, le Vande Putte des classes moyennes, jamais à court d’imagination pour accommoder les sauces au moindre frais. Fatalité du commerce ? Non : syndrome Thénardier…
Les vieux en matière première, un détecteur de métaux précieux dans le blair, voilà les nouveaux Tapie. Les plus fortiches sont déjà à rôder autour des dépôts de pharmacie et du matériel orthopédique, question de se passer d’intermédiaire… tout ce qui fait du bon libéral dans le débit de la couche-culotte et du bas à varices…
Question loisir, on ne se bidonne pas tous les jours. La téloche pour tout le monde, soporifique magistral, merveilleux auxiliaire du médecin de première ligne. La polypathologie du scrabble et des dominos vient juste derrière. Les jours de fête, c’est un artiste bénévole de la chanson française qui susurre « Tata Yoyo » ou qui joue du violon avec une scie musicale, à moins que cela ne soit l’inverse. Thénardier adore le bénévole, surtout le bénévole avec voiture et matériel, celui que l’on n’a pas besoin d’aller chercher à la gare et pour qui on ne loue pas un piano.
A l’issue forcément fatale à ces âges, on prend dans le tiroir les petits souvenirs de celui qu’est plus là pour gueuler qu’on le vole. Thénardier se dit « Bah ! l’héritier, pour ce qu’il en fera. ». Vu sous cet angle, il n’a pas tort, car l’un dans l’autre, ils ne prennent que la jonquaille, du solide, la montre Piaget, pas la Seiko… question de principe. Les photos du tourlourou 14-18 et les moustaches retroussées dans des cadres ovales des 40-45… si le cadre vaut rien, poubelle ! C’est au premier qui arrive sur la dépouille qui se sucre, pareil dans la brousse qui est le plus rapide : vautour ou chacal ?…
Vous me direz, qu’est-ce qu’on en a à foutre des malheurs de Mathusalem qui vécut jusqu’à plus soif…
Que nous y réfléchissions tous comme l’écrit si bien La Bruyère :
« Marquise si mon visage à quelques traits un peu vieux, souvenez-vous qu’à mon âge vous ne vaudrez guère mieux… »
Ce à quoi fit facétieusement répondre Tristan Bernard à Marquise.
« J’ai vingt-six ans, mon vieux Corneille et je t’emmerde en attendant. »
Voilà. Tout est dit, nous avons tous vingt-six ans et nous emmerdons tous nos vieux. Mais faites gaffe, mes chéris, l’année prochaine vous en aurez déjà vingt-sept !

5 août 2003

Vive le Roy !...

On dit de la noblesse : « c’est des sales cons ». Ce jugement à l’emporte-pièce correspond à quoi aujourd’hui ?
On n’aurait pas tort d’exagérer le trait, à considérer le ramassis d’ordures titrées qui ont écumé l’Europe sous l’Empire et l’Ancien Régime, si les temps présents, chiants en diables, moralisateurs et illustrés de réussites commerciales douteuses, des exploits sportifs clinquants offerts à la ferveur populaire, n’étaient pas comparables à l’époque 1900, les dandys, Boni de Castellane, Cléo de Mérode, les Lions, les derniers survivants de l’ancienne noblesse ou de sa représentation aléatoire ?
Que de barons de mes deux, comtes du Chat botté, marquis de la main gauche, chevaliers du commerce foireux et ducs par faveur toute spéciale du droit divin que ces imbéciles heureux qui sont nés quelque part et sont morts avant 14 !
A la foire aux vanités que voilà des guignols de première !
Oh ! la saga des falsifications, de notaires envahis de faux documents, d’héraldiques cornichonneries deux lions têtes bêches sur fond azur et croix de Saint-André, de ces clubs de généalogies dont à défaut des membres, le président remonte au moins à Jules César, que nous font endurer leurs descendants ! Ces sangs bleus délavés ont depuis longtemps relevé la capote de leur tilbury pour cacher auprès de l’héritier du nom prestigieux, la fille dont la mère était poissonnière et sentait la caque de harengs, avant de posséder une flottille de bateaux de pêche.
Du coup les maltôtiers de la pureté de la race ont tellement recoupé le crû, que si leur cul descend toujours de Charlemagne, leurs traits accusent des dérapages vers des métissages plein SUD fort éloignés des ancêtres plein NORD.
C’est en euros que la qualité du brassage s’estime. Madame la comtesse aura beau amidonner la nappe d’autel de la paroisse la veille de Pâques, si le comte est sans un, ce ne sera plus qu’une paroissienne ordinaire qui aide Monsieur le Curé.
Depuis belle, les châtelains se sont reconvertis dans l’hôtellerie et c’est la baronne qui dit à la marchande de frites en vacances à la table d’hôte : madame est servie.
Certaines particules résistent. Il y en a même qui prospèrent dans l’industrie. On les voit descendre tout droit des siècles passés écumer les conseils d’administration où ils ne répugnent pas à se mesurer aux croquants à la coupe des coupons.
Féroces aux ciseaux, ils tiennent éveillé des heures le préposé aux coffres.
Le durillon facile, on les voit souffrir à compter les obligations faites pour eux quand l’Etat payait ses dettes à des 8 ou 10 % d’intérêt.
D’autres à force d’intrigues et d’anciennes relations, sautent des douves de leur croulant domaine sur le navire amiral de l’Europe ou de l’administration des banques.
S’appeler Jean-Yves de la Bretelle est négociable des marques d’apéritif, aux restaurants d’autoroute.
C’est pas tous les jours qu’un Eusèbe de la Tour Biseautée est manœuvre à ARCELOR.
Cette volonté de la noblesse de faire tirer la chasse sur ses étrons par des vieux domestiques vient d’une prétention à la supériorité sur les autres qui date du temps où les féodaux baisaient la fille du meunier, mangeaient les pommes du fermier et ravageaient les champs à la poursuite du sanglier dans la plus parfaite indifférence du travail des autres.
L’on devient noble au mérite aujourd’hui, encore faudrait-il savoir lequel ? Afin qu’il n’y ait pas de confusion sur la qualité de la marchandise, il devrait y avoir des critères : celui qui mange le plus de boudins à la kermesse, qui fait le tour de France sans guidon, ou qui descend le fleuve Congo en planche à voile ?
Allons, qu’allez-vous croire, je ne dis pas que les nobles sont tous des enfoirés et que le peuple est admirable. Nous avons à Liège depuis Notger, une belle collection d’abrutis dans les guildes et petits métiers qui ont bien donné la réplique aux gras et nobles chanoines de la cathédrale Saint-Lambert, rivalisant avec eux de veulerie et de vices. Les pires gredins n’ont-ils pas été ceux qui ont mis par terre le monument central de Liège pour tirer bénéfice des pierres et des plombs du toit, laissant pour les siècles suivants le soin de solder leur connerie, mettant loin derrière eux, tous ceux qui essayèrent de les égaler ? Ah ! ces révolutionnaires de 89 tant vantés, tant chantés, ils ont surpassé mille ans de dévoiement de la noblesse en une seule fois.
Mais, toute cette collection de tarés, ces monumentaux imbéciles qui étaient plus bas que terre malgré les Chartes, les Perrons et les assurances qu’on ne toucherait pas à leurs corporations, avaient sur les autres citoyens à brevet et talons rouges un immense mérite : ces gens travaillaient pour vivre et souvent durement. En plus de nourrir leur famille ils pourvoyaient aux chatoiements et aux décors des Palais des parasites accomplis. Rendons leur cette justice.
La vraie noblesse, celle du cœur et de l’esprit, n’est-elle pas plus ou moins répartie entre les hommes, sans autre distinction que celle qui se découvre par hasard et sur le terrain ?
N’existe-t-il pas suffisamment des personnes de qualité dans le peuple dont le mérite est plus grand puisque le chemin pour parvenir est plus long et plus difficile ?
Je m’en voudrais de ne pas citer au moins un duc et pair de France, pour faire la balance. Grand écrivain, peut-être un des plus grands, il fut tel à la cour comme à la ville, vécut et mourut en honnête homme et reste un des rares devant lequel j’enlève mon chapeau : Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon.
Que toute la noblesse eût ressemblé à cet homme, nonobstant ses défauts, par ma foi, j’eusse crié avec les Stéphane Bern de tous les temps : « Vive le roy ! ».

4 août 2003

L’amour, façon ver à bois

- Anastasie ?
- C’est moi.
- C’est toi ?
- C’est moi.
- Je te vois quand ?
- Quand tu veux.
- C’est vrai ?
- C’est vrai.
- Alors demain ?
- Demain, je pourrais pas.
- Pourquoi ?
- Je fais la nuit. Je suis crevée quand je rentre.
- Après demain alors ?
- Non plus.
- Pourquoi ?
- J’ai la mère de ma sœur qui amène une nouvelle..
- Mais c’est ta mère aussi !
- Non, c’est ma demi sœur.
- Et c’est ta demi mère ! Aha !
- Ce que tu peux être bête.
- Alors quand est-ce qu’on se voit ?
- Quand tu veux.
- Disons dimanche ?
- Tu sais que dimanche je ne peux jamais.
- Pourquoi ?
- Je t’ai dit déjà, mon fiancé vient manger à la maison.
- Pourquoi tu peux pas venir ?
- Je peux pas quand même le faire manger avec ma sœur et la nouvelle sans moi.
- Alors quand ?
- Quand tu veux.
- Lundi avant ton travail ?
- Impossible.
- Pourquoi ?
- Tu m’embêtes avec tous tes pourquoi. Est-ce que je te demande pourquoi tu me donnes
des rendez-vous alors que je suis fiancée ?
- Mais, c’est parce que je t’aime.
- Moi aussi, mais ça n’a rien à voir avec nous.
- Comment avec nous ?
- Non, entre mon fiancé et moi.
- Bon d’accord. Mais c’est une drôle de situation.
- Tu ne vas pas recommencer.
- Non. Puisque je t’aime.
- Puisque tu m’aimes tu pourrais me rendre un petit service ?
- Oui.
- J’ai besoin de deux cents euros tout de suite. J’ai commandé des chaussures…
- D’accord. Quand est-ce qu’on se voit pour te les donner ?
- Oui, faudra qu’on se voie…Viens où je travaille
- D’accord.
-Mais même si je ne suis pas occupée, n’entre pas.
- Pourquoi ?
- C’est trop dangereux. Mon fiancé pourrait voir qu’on cause ensemble.
- Alors on peut pas causer ?
- Si mais pas longtemps.
- Alors qu’est-ce que je fais ?
- Tu frappes à la vitrine du début de la rue, du côté de la Batte. La deuxième.
- Bon.
- Fais attention à l’heure.
- Oui.
- Ma copine elle fait les après-midi en ce moment. Loulou le matin et Gros nénés le soir.
- C’est quoi son nom ?
- Louise, enfin Marilyn pour le travail.
- Tu mets dans une enveloppe et tu dis que c’est pour moi, sinon…
- Sinon ?
- C’est son fiancé qui croirait que c’est pour elle et qui garderait l’argent de mes souliers.
- Donc, on peut vraiment pas se voir ?
- Si pendant mes heures de travail.
- Ton fiancé exagère.
- Pourquoi ?
- On est à peine là de cinq minutes que tu me fous dehors en disant que ton fiancé ne veut pas que je reste trop longtemps.
- La prochaine fois, tu resteras plus longtemps, si tu veux, avec un petit supplément. Mais faudra venir pendant les heures creuses.
- Quand tu veux. Je pourrai t’embrasser ?
- Tout de suite, vous les hommes, alors ! Voilà quinze jours qu’on fait l’amour et tu veux déjà que je t’embrasse ! Tu sais que ça se fait pas ?
- Ah bon !
- Dis tout de suite que je suis une pute !

3 août 2003

Sortez couvert !

Sans revenu, sans aucune politique sanitaire concertée avec les Etats, l’OMS est en passe de perdre la guerre contre le SIDA !
Même la banque mondiale, plutôt préoccupée de faire des dollars sur la couenne de vous et moi, s’interroge sur le poignon qu’elle va perdre si la pandémie se développe.
En deux ou trois générations – et ça copule plein tube en Afrique – le SIDA pourrait faire le vide dans les économies des pays les plus touchés par la pandémie.
C’est une désertification sociale à grande échelle qui s’annonce.
Bien entendu, des pays comme la Belgique n’en parlent guère dans le cadre de la politique du docteur tant mieux, éminemment satisfaite de tout, à partir du moment où le désastre se passe loin de la place de Brouckère…
En attendant, ça se vide dans les étages.
Les conséquences largement sous-estimées nous pendent sous le nez. Certains pays d’Afrique seront peut-être un jour rayés de la carte !
Les monstres froids qui tirent les ficelles de l’OMS tablaient sur 1% de réduction l’an du taux de croissance des pays les plus touchés par le fléau. Erreur. C’est sans compter sur la transmissibilité des savoirs et des biens d’une génération l’autre quand celle du dessus se décime.
Que font les orphelins de cette génération perdue ? Ils désertent l’école et le savoir bien obligés et se paupérisent.
Si le vaste mouvement égoïste et libéral qui s’est emparé des pays riches se poursuit sur la forme actuelle d’indifférence à l’égard des pauvres, le capital humain de l’Afrique et demain de l’Asie ne pourront que précipiter un déclin spectaculaire de toute l’humanité.
Dans les pays touchés par cette peste des temps modernes, le PIB pourrait y chuter dans deux ou trois générations de la moitié !
Les sociétés pharmaceutiques produisant la trithérapie sont grandement responsables de cet échec et par delà d’elles l’ensemble du système capitaliste tout entier.
On avait déjà la meilleure démocratie du monde, maintenant on a le meilleur rapport commercial au monde ! Ah !... on est fadé…

2 août 2003

Vous avez dit ignoble ?

A Sinchon, il s’en est passé de raides lors de l’occupation du colonel Harrisson le 17 octobre de cette année-là ! D’abord le personnage, une sorte d’animal dégingandé et à principes, l’air cow-boy des plaines, vous voyez à qui cela vous fait penser ? Il fit placarder dans toute la ville l’ordre suivant :
« Mes ordres ont force de loi, et quiconque les outrepassera sera puni. Détruisez tous les bandits rouges afin de libérer la Corée du Nord des communistes. Il convient de tuer tous les fonctionnaires communistes, ainsi que leurs subalternes et leurs domestiques, leurs sympathisants et leurs familles ».
A Sinchon, les soldats américains se sont empressés d’obéir à cet ordre qui libérait leurs instincts. Les pervers s’en sont donnés à cœur joie. Ils se sont conduits de telle manière que la justice internationale n’aurait pu que traduire Harrisson et son état-major devant son tribunal, si cette institution avait existé en 1950.
Dès le lendemain de leur installation, les Américains commencèrent les massacres.
Tout ce qui suit est rigoureusement authentique et vérifiable. Restent sur place un musée, les noms des victimes, des photos terrifiantes, quelques outils des supplices et des tombes collectives. Les balles dans la nuque étaient américaines, elles doivent encore être logées pour la plupart dans les premières vertèbres de plusieurs centaines de victimes.
Neuf cents hommes réfugiés dans une cave furent brûlés vifs après que les Américains après y avoir déversé quelques fûts d’essence y aient mis le feu.
Trois jours plus tard, cinq cent vingt hommes désarmés furent dynamités d’un coup.
La liste s’allonge et n’est plus qu’une suite d’horreurs : septante femmes tuées un jour ; un autre deux mille femmes attachées à leurs enfants et lestées de chaîne jetées d’un pont dans la rivière ; et surtout des viols tous les jours suivis de la mise à mort de la victime, des instituteurs et des classes entières d’élèves massacrés.
L’armée américaine conserva le contrôle de la ville pendant cinquante deux jours. Un peu partout dans Sinchon des charniers marqués aujourd’hui par des tumulus rappellent que sous terre des milliers de suppliciés anonymes reposent. Sous le principal tumulus, quatre cents mères et une centaine d’enfants y dorment à jamais, la plupart assassinés au napalm par les militaires américains.
Au total cinq mille six cent soixante quatre personnes périrent à Sinchon, une petite ville de quelques milliers d’âmes, pendant ces cinquante deux jours.
On pourrait allonger la liste des méfaits « de la plus grande démocratie du monde ».
Une Commission a enquêté en 1953, sur les lieux de ces hauts faits d’arme. Ce qui n’a pas empêché le colonel Harrisson de se faire photographier sur les charniers dans des poses avantageuses.
Ce tueur galonné n’a jamais été inquiété.
L’ONU a fait quelques pirouettes avant de passer à autre chose.
De la Corée on pourrait passer au Vietnam, parler des défoliants, des ratissages, des crimes collectifs, glisser un œil vers les dernières bouffées d’orgueil de Bush et des exploits des Marines en Irak.
C’en est assez pour ce soir.
Alors, quand nos pères la vertu, Louis Michel en tête, font l’apologie de la démocratie, je me demande si quelque part, ils ne feraient pas plutôt, dans leur inconscience ou leur cynisme, l’apologie du crime organisé.
Personne n’oserait écrire ce que vous allez lire, mais comme c’est Gustave Flaubert tout le monde ferme sa gueule :
« Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de merde qu’il est temps de ne plus en avoir du tout. »
Qu’en pensez-vous ?

1 août 2003

Poignantes révélations

Mais qu’est-ce que ça veut dire l’interview de Claude Rappé sur Télépro ? D’abord le titre : « notre couple a frôlé le drame », donc ce n’est même pas sûr. A part le Titanic qui a frôlé l’iceberg fatal, on ne voit pas très bien l’intérêt pour le public de savoir qu’il y eut frôlement de drame. Vous vous voyez faire écrire dans la Meuse : « Léontine et moi avons frôlé le drame » ?
Suivent les malheurs de Natacha Amal et de Claude Rappé. De quoi alimenter « Confidence » ou « La semaine de Suzette » qui passaient il y a un demi siècle pour être la propriété de la presse cléricale et très à cheval même en dehors des hippodromes. On y apprend que Claude Rappé « a failli être cocu », ce n’est même pas sûr non plus, donc pas de photos les seins à l’air de la dame, et que son couple avec la sémillante vedette de « Femmes de loi » a battu de l’aile, mais que ça va mieux. On respire !
Cloclo va pondre une oeuvrette, l’éditeur prépare le papier. « L’autre vérité » que cela va s’appeler. Ah ! mais ça va saigner. L’auteur s’attend à des réactions, des procès de RTL, un Jean-Charles De Keyser furax, un Eddy De Wilde vert.
Le lecteur de Télépro se dit « chouette on va savoir des choses. » Et qu’est-ce qu’on apprend ? « Je ne vais pas dire que J.-C. De Keyser est un type bien. » Merde alors. Quelle chance il a l’écrivain Rappé de ne pas passer par un comité de lecture pour être publié après des révélations pareilles ! Et l’attitude de Eddy de Wilde, ô que c’est terrible, on en frémit : « C’était terrifiant l’attitude qu’il avait avec moi ! »
Tout le reste de l’interview est à l’avenant.
Enfin, rayon médecine, l’ancien animateur de RTL-TVI qui nous dit tout, a eu une thrombose début de l’année, qu’il ne fume plus et que c’est un mauvais souvenir. S’il savait comme à cinquante balais – l’âge qu’il nous avoue – avoir une thrombose et ne plus fumer est d’un banal… ainsi moi qui vous cause, je connais… Non, non, ne me faites pas dire, je veux conserver ma dignité et pas cafarder des camarades. En plus le bilan est incomplet. On ne sait pas si Rappé est un constipé profond, s’il souffre des hémorroïdes ou a été victime dans sa jeunesse d’attouchements de son instituteur de troisième.
Si Catherine Ginfray qui a signé l’article de Télépro n’a pas autre chose à nous proposer, je peux lui écrire une fausse interview de Clark Gable et de Marilyn Monroe qui ne serait pas piquée des hannetons. « Sur le tournage de « Misfits », la belle Marilyn aurait remarqué un enfant de sept ans qui n’était autre que Claude Rappé en 1960, qui avait le rôle du fils du quincaillier. Observation prémonitoire, quand on sait que notre gaillard est devenu le « vendeur de casseroles » du téléachat (dixit Miss Ginfray) qui a séduit toutes les ménagères de plus de cinquante ans du Royaume. »
Si ces débuts prometteurs intéressent l’éditeur de Claude Rappé, voire Télépro… une oeuvrette signée Richard d’York aurait autrement de la gueule.
Dans une maison marocaine, résidence secondaire du couple, on n’écrit pas comme dans un manoir du Kent. Elémentaire, mon cher Rappé.